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Des logiques de concentration du paysage technologique

Des enclaves résidentielles, économiques et urbaines

Si d’un côté, tous les théoriciens, philosophes, urbanistes ou architectes constatent l’atténuation des limites entre la ville et la campagne, entre des espaces privés et des espaces publics, entre l’extérieur et l’intérieur, bref une forte dislocation du paysage, certains dispositifs urbains réintroduisent et renforcent la notion de la limite et de la séparation. Le paysage ne se disloque pas partout et les technologies ne provoquent pas immédiatement un paysage envahissant, mais des tendances contraires peuvent également apparaître qui procèdent à des concentrations.

Les enclaves, à l’opposition des dislocations, concentrent constructions, habitants, salariés ou forces économiques dans un lieu précis et clairement circonscrit. À côté des stations orbitales et des expériences comme Biosphère II qui représentent des expériences « extrêmes », il existe d’autres formes d’enclaves comme les Gated Cities (des résidences plus ou moins clôturées et sous gestion privée), les villes ou quartiers construits selon les principes du New Urbanism (une sorte de « disneyfication » des villes), la gentrification (le retour des classes aisées dans les centres urbains auparavant défavorisés) ou les Global Cites (la concentration des flux financiers de l’économie globale dans certains centres urbains) qui font partie du paysage contemporain.

Aucune de ces enclaves urbaines ne signifie un simple retour vers des comportements anciens (ex. la gentrification), mais représente toujours l’émergence d’une nouvelle forme d’urbanité. François Ascher explique que ces enclaves se construisent souvent sur un principe de séduction. En effet, il s’agit d’une ville adaptée et technologique qui exclut dans la plupart des cas la mixité sociale et propose une sorte de fiction urbaine, c’est-à-dire non seulement la ville devient décor, mais l’urbanité tout entière suit des logiques de mise en scène et de simulation. L’espace urbain « patrimonialise ainsi de plus en plus le bâti existant, soit en le muséifiant et en l’intégrant à la nouvelle économie culturelle et touristique urbaine, soit en le réutilisant et en l’affectant à de nouveaux usages » (Ascher, 2004 : 95).

Dans ce contexte, les technologies jouent, même si ce n’est pas toujours visible, un rôle prépondérant. Elles rendent l’existence de ces concentrations possibles car les habitants ne sont jamais réellement isolés. Comme le montre la station orbitale qui, pour pouvoir fonctionner, doit être en permanence connectée au sol, les « îles

urbaines » ne peuvent pas non plus fonctionner en réelle autarcie. Ce sont différentes formes de technologies qui créent les articulations entre l’espace concentré et l’extérieur. Elles sont reliées aux centres commerciaux, aux espaces de loisirs et aux lieux de travail par les techniques de transports, notamment la voiture. Elles ne peuvent qu’attirer des habitants car certaines technologies de l’information et de la communication comme le téléphone et la télévision permettent leur connexion à l’extérieur.

Des Gated Cities ou Gated Communauties sont exemplaires pour ces enclaves urbaines qui émergent dans le paysage contemporain. Apparues aux États-Unis, où elles existent depuis les années 60/70, les Gated Cities connaissent depuis une propagation massive à travers le monde, des États-Unis jusqu’à la Chine. Cependant, pour Georg Glasze, géographe allemand et spécialiste de ces résidences privées, aucune différence prépondérante entre les Gated Cities aux États-Unis et ailleurs, notamment en Europe peut être constaté. L’origine de ces lieux se situerait d’ailleurs plutôt en Europe et cite les villas et rues privées au XVIIIe siècle à Paris.

Quant à la définition des Gated Cities ou Gated Communautés, Georg Glasze précise que ce n’est pas la clôture plus ou moins présente qui les définit, mais plutôt leur gestion privée. S’inscrivant dans une certaine logique de contrôle, celle-ci ne se déploie plus seulement à travers la présence ou l’absence de clôtures, de personnel de surveillance, mais peut aussi exister à travers des dispositifs beaucoup moins visibles et plus subtils. Ainsi, une gestion qui régule l’accès des habitants aux services (piscine, espaces de loisirs, etc.) en excluant les personnes externes, instaure des barrières et des limites « invisibles » autour et à l’intérieur de la Gated City. Même si la Gated City n’a ni clôture ni personnel de surveillance, la régulation de l’accès transforme l’espace public d’une ville en un espace privé ou semi-privé. Dans ce sens, les Gated Cities déploient des logiques semblables aux centres commerciaux, d’autres enclaves semi- privées dans le paysage (urbain) contemporain.

D’abord produit immobilier créé par des promoteurs, ces résidences privées « vendent » à la fois l’idée de la sécurité, l’accès contrôlé, l’absence de mixité sociale ainsi qu’une logique communautaire, c’est-à-dire qu’il s’agit de proposer la possibilité de vivre uniquement avec des personnes issues d’un même milieu social comme dans un village17. Pour Georg Glasze18, ces communautés correspondent à certains

mouvements « anti-urbains » qui s’opposent aux centres-villes et à la mixité sociale. En partageant les frais pour financer des services en commun comme des piscines, ils accèdent à des services en principe réservés à des couches bien plus aisées. Les Gated

17. Interview de Georg Glasze, Métropolitains, France Culture, 16 février 2005. 18. http://www.gated-communities.de/

Cities n’excluent en conséquence pas toute forme de solidarité, mais celle-ci est

cantonnée à l’intérieur d’un seul milieu social.

Les enclaves des Gated Cities s’inscrivent donc dans des logiques de sécurité et de contrôle qui sont liées aux polarisations et aux fragmentations sociales et urbaines. Si aux États-Unis, elles peuvent parfois proposer des alternatives face à la faiblesse des services publics, en Europe, il s’agit plutôt d’une transformation des liens sociaux. François Ascher explique d’ailleurs leur propagation par une « crise des légitimités publiques, la diversification et l’instabilité des intérêts collectifs qui tentent de rompre ou du moins affaiblir le pacte social et des liens de solidarité locaux et nationaux. » (Ascher, 2004 : 72)

Une autre forme de concentration urbaine est la construction ou la restauration d’espaces urbains selon les critères du New Urbanism qui peut être considéré comme une réaction à la dislocation urbaine autour des métropoles, notamment aux États- Unis. The Big Sprawl, c’est-à-dire la suburbanisation à outrance, a provoqué la construction de banlieues sans limites, uniformes et monotones. Contrairement aux dislocations urbaines, le New Urbanism ne s’étale pas de façon uniforme partout, mais crée des concentrations, des bords explicites ou implicites. Ce sont des îles où la mise en scène d’une vie idéalisée devrait devenir possible. The New Urbanism représente depuis les années 90 une forme de concentration dans ce paysage disloqué à travers une architecture et une structure urbaine tout à fait spécifiques.

François Ascher décrit le New Urbanism américain comme une « esthétique proposée (...) de type architecture contextuelle, souvent pastiche et kitsch ; le design urbain privilégie un urbanisme de rues, d’espaces publics, de densités élevées » (Ascher, 2004 : 57). Comme les Gated Cities, le New Urbanism est basé sur une diminution de la mixité sociale et s’isole de son environnement immédiat, même si la ville du New

Urbanism peut se situer dans un tissu urbain continu. L’urbaniste Frank Roost définit

ce New Urbanism comme une « disneyfication » des villes, notion plus vaste qui permet de désigner des dispositifs urbains, qui visent à transformer un espace urbain en une sorte de parc à thèmes. Basé sur un double mouvement, à la fois la construction ou la transformation d’espaces souvent suburbains selon les paradigmes d’une ville imaginaire ou la transformation des villes « historiques » en villes-conserves, le terme « disneyfication » des villes semble désigner un éventail plus large de « fictions urbaines » que le New Urbanism19.

19. Celui-ci est défini par Peter Cathrope, des architectes comme Andres Duany et Elisabeth Plater-Zyberk ainsi que le CNU – Congrès for the New Urbanism.

Celebration, une ville « modèle », dont la construction a commencé en 1995, est

destinée à 20 000 habitants. C’est un lieu exemplaire de la « disneyfication » des villes. Non seulement conçue selon les principes du New Urbanisme, elle est également construite par la Walt Disney Company, près de Disneyworld à Orlando en Floride. Simulant un centre urbain qui s’est développé « naturellement », Celebration adopte les critères importants dans l’aménagement des parcs à thèmes, notamment bien sûr les parcs Disney20. Frank Roost évoque notamment la « Main Street, USA » des parcs

Disney qui sont une idéalisation du centre d’une ville américaine des années 50. Celle- ci retourne dans l’espace urbain réel et sert aujourd’hui de modèle urbain. Non seulement la structure urbaine suit « l’idéalisation Disney », mais également l’habitat forme une utilité homogène constituée d’éléments distincts comme les villes qui ont grandi « naturellement ». Cette simulation concerne également les instances politiques et sociales de la ville, qui possèdent par exemple des hôtels de ville, mais pas de maire élu. Ces allers-retours entre la ville américaine et le New Urbanism, en passant par le « filtre » Disney, renvoie d’ailleurs directement aux analyses d’Augustin Berque pour qui l’aménagement d’un espace influence sa perception, mais cette perception influence ensuite l’aménagement (Berque, 1995). Ainsi, une vision idéalisée de la petite ville américaine a marqué l’imaginaire Disney qui ensuite réinjecte cette vision dans l’espace urbain.

Un autre exemple intéressant de cette « disneyfication » des villes, qui ne suit cependant pas les principes du New Urbanism, est Las Vegas. C’est un lieu exceptionnel car peu de villes peuvent concentrer à ce point l’industrie du jeu et du spectacle, elle reste, comme l’a déjà démontré Venturi, exemplaire. Très différent de

Celebration, Las Vegas présente pourtant de façon radicale les possibilités d’une

« disneyfication » des villes. Ce mouvement s’accentue avec le temps, car les casinos récents représentent un véritable parc d’attractions et ceci non seulement en simulant des voyages à travers le monde (The Venitian, Paris, New York), mais également à travers le temps (Cesars Palace, Luxor, Excalibur). Il s’agit en conséquence d’une autre sorte de parc à thème urbain qui, même s’il se situe à l’autre extrême de certaines enclaves résidentielles, adopte les mêmes logiques qui consistent à construire en permanence autour de la notion des loisirs.

Une troisième forme de « disneyfication » des villes concerne la conservation ou la reconstruction de certaines parties des centres-villes, comme le projet de Times Square à New York. Depuis le milieu des années 90, la compagnie Disney participe massivement à la restructuration du Times Square. Construisant ou restaurant des centres commerciaux, des restaurants à thème et des théâtres pour la représentation des comédies musicales, Disney applique ici des critères qui visent à transformer un

20. Frank Roost, (2003) « Die Ausgrenzung benachteiligter Bevölkerungsgruppen in Disneys Projekten Times Square und Celebration », in : Site-seeing – Disneyfizierung der Städte, pp. 18-25

quartier qui est devenu depuis les années 50/60 le lieu de séjour des Sans domicile fixe et des prostitués. Le Redevelopment Projet du Times Square ne vise pas seulement la reconstruction du quartier pour le (ré-) adapter à son environnement immédiat, le Broadway, mais écarte également par des lois et des décrets une population non désirée. Par des moyens architecturaux, industriels et institutionnels, le Times Square montre que la polarisation et la création d’îles et d’isolations n’a pas forcément lieu au bord des villes, mais peuvent se dérouler en leur centre.

De façon moins spectaculaire et radicale que le Times Square, mais selon des principes semblables, les villes historiques en Europe et ailleurs (ex. Salvador au Brésil) conservent leurs centres. Paris, Vienne, Londres, Venise, mais également des villes de moindre envergure évitent toute destruction importante21. Les immeubles anciens

doivent pourtant être restaurés car ils ne correspondent plus aux exigences actuelles et ne permettent plus la connexion de ses habitants ou entreprises aux réseaux des technologies de l’information et de communication. En conservant juste les façades, les centres urbains simulent aujourd’hui, certains centres historiques afin d’attirer l’industrie des loisirs, notamment le tourisme, des habitants avec un pouvoir d’achat important (voir la gentrification) et certaines entreprises dont l’implantation dans les centres urbains est essentielle (voir Global Cities). Les villes-musées ou villes- conserves adoptent ainsi des logiques de la « disneyfication » des villes, comme elles sont expérimentées de façon différente à Celebration, Las Vegas, ou à Times Square.

Ces différentes formes de « disneyfication » des villes sont exemplaires des transformations du paysage contemporain et de ses articulations avec différentes formes de technologies. Techniques de production, techniques de transports, mais également la culture cinématographique, notamment l’univers Disney, ont permis l’émergence d’un idéal urbain qui juxtapose la simulation de structures urbaines historiques ou « typiques », les loisirs et l’amusement ainsi que des fictions urbaines. À l’exemple de Orange County22, Edward Soja exprime également l’importance de ces

espaces urbains simulés dans le paysage contemporain.

Conçue pour éviter les problèmes dus à la dislocation urbaine, c’est-à-dire des temps de transports importants, les zonages entre espaces de résidence, espaces de loisirs et espaces de travail et la monotonie des constructions, la « disneyfication » permet de redensifier les structures urbaines, de varier, du moins en apparence, l’architecture et d’éviter de construire les villes en fonction des usages automobiles. Il s’agit finalement,

21. Marc Wigley utilise également le terme de parc à thème pour désigner la ville de Venise a propos d’un travail d’Antonio Muntadas lors de la Biennale de Venise, Pavillon espagnol, 2005.Interveiwstream, http://interviewstream.zkm.de/

22. « Orange County represents itself as a foretaste of the future, a genuine phenomenological recreation of everyday life in a brilliantly recombinant postmodern world, beyond Oz, beyond even the utopic late- modernisms of Disney. » (Soja, 1996 : 238).

comme dans les parcs d’attractions, de simuler une structure urbaine considérée comme typique, voire historique, et suggère qu’un quartier même récent pourrait être une petite ville qui s’est développée naturellement et ses habitants font semblant de vivre une vie urbaine idéale. Cette ville a aussi pour objectif d’exclure tout sentiment négatif qui pourrait être contenu dans des espaces urbains « normaux ». Le terme « disneyfication » de l’espace urbain symbolise la domination des loisirs, du « shopping », du divertissement et du tourisme dans un contexte urbain. Ces aspects ne sont pas entièrement nouveaux, mais apparaissent ici de façon exacerbée. La ville devient la simulation d’un événement, c’est l’image idéale d’une ville-décor.

Bien entendu, à toute époque, on (re-)construisait des maisons, des quartiers et des villes entières en copiant des styles historiques. Le hameau de la Reine à Versailles représente un exemple qui illustre la fiction idyllique d’un village qui n’a jamais existé dans cette forme complètement décontextualisée. Cependant, contrairement au Hameau de la Reine qui servait ponctuellement d’espace de loisirs, la « disneyfication » des villes signifie plus, car ces lieux introduisent la fiction et les loisirs en permanence dans des espaces d’habitation. Ceux-ci se transforment ainsi en parcs d’attractions habitables. Comme le souligne Appadurai, « les limites entre les paysages réels fictionnels qu’ils visionnent sont brouillées, de sorte que plus ces publics sont éloignés de l’expérience directe de la vie métropolitaine, plus ils sont susceptibles de construire des mondes imaginés qui soient des objets chimériques, esthétiques, voire fantastiques, notamment si ces mondes sont évalués selon les critères d’une autre perspective, d’un autre monde imaginé (...) Les médiascpaes, qu’ils soient produits par des intérêts privés ou étatiques, tendent à être des comptes rendus fondés sur l’image et le récit de fragments de réalité. » (Appadurai, 2001 : 71-72)

À côté de cet aspect, Frank Roost inscrit la « disneyfication » des villes également dans des logiques de polarisation sociale, accompagnée par l’exclusion des populations « non conformes » (Roost, 2000). On pourrait désigner cette démarche également comme une forme « d’utopie du déni » (Patrick Berger, rendez-vous de l’architecture, 6 et 7 avril 2005, Paris), c’est-à-dire la tentative d’exclure tout ce qui n’apparaît pas comme analogue. Ces principes d’exclusion et de polarisations sociales, bien que très présents dans la plupart des espaces suburbains se trouvent encore accentués dans ces formes particulières d’aménagement urbain.

Contrairement aux Gated Cities qui peuvent se situer souvent loin des centres urbains, loin des transports en commun et marquent leurs limites souvent (pas toujours) avec des clôtures et un personnel de surveillance, les espaces urbains construits selon les principes du New Urbanism matérialisent beaucoup moins leurs différences avec le tissu urbain, dans lequel ils s’inscrivent, par des murs, des accès limités, la gestion privée, mais l’affirment par leurs habitants et le style de leurs constructions.

Une autre forme d’enclave résidentielle est la gentrification des villes. Il s’agit du retour des classes aisées dans certains quartiers urbains, notamment ceux qui ont été auparavant habités par des couches populaires. La sociologue américaine, Rosalyn Deutsche relie la restructuration urbaine depuis les années 80, notamment la gentrification (qu’on pourrait étendre à la « disneyfication ») et l’économie. S’appuyant sur les textes d’Henri Lefebvre, Deutsche constate les départs massifs des ouvriers en espace suburbain et l’arrivée des employés de la finance et d’autres secteurs avec des salaires élevés. Pour Rosalyn Deutsche, le terme « gent » est d’ailleurs utilisé dans le sens propre du terme, car ce mouvement emmène une nouvelle forme de « gent », c’est-à-dire une nouvelle forme d’aristocratie dans l’espace urbain. Des restructurations urbaines nostalgiques accompagnent cette gentrification qui se baserait sur le déplacement des fonds publics de l’aide aux exclus et bas salaires pour embellir l’espace public dans l’objectif d’attirer des ménages avec des revenus plus importants. Plus que d’autres théoriciens, Rosalyn Deutsche lie ces évolutions urbaines à des volontés politiques fortes, en expliquant que ce sont des orientations économiques qui influent sur les restructurations urbaines. (Deutsche, 1998).

Également situés à l’intérieur des centres urbains, les Global Cities, terme forgé par la sociologue américaine Saskia Sassen désigne une autre forme de « centralité », une enclave à la fois économique et urbaine. Pour Saskia Sassen, il s’agit de l’endroit où l’économie globale doit se confronter aux aspects matériels de sa gestion (« touches the ground », intervention lors de l’Université de tous les savoirs, Paris, juillet 2003).

Dans ce contexte, les technologies de l’information et de la communication permettent la spécialisation des activités à haute plus-value dans certains centres urbains, la concentration des parties de l’économie globale dans ces villes et en conséquence une grande densité de revenus importants (Graham, 2004). Les villes, surtout les centres urbains de New York ou de Londres, créent les technologies de l’information et de la communication des associations complexes qui permettent de procéder à des concentrations de capitaux, de strates décisionnelles de l’économie globale et de salariés spécialisés.

Toutes ces enclaves n’apparaissent, bien entendu, pas comme « pures », mais existent sous diverses formes. Disneyfication, Gated Cities, gentrification et Global Cities peuvent effectivement se mélanger pour créer des îles urbaines qui instaurent par exemple des clôtures autour d’un espace entièrement orienté vers l’amusement et les loisirs. Les gentrifications ont souvent lieu dans les Global Cities et peuvent se lier à des centres villes-musées.

enclaves ne sont pas molles, souples et fluctuantes, mais précisément circonscrites. Elles s’inscrivent à la fois dans une logique d’exclusion des personnes, d’évitement de toute hétérogénéité et en même temps, dans des logiques de fiction, d’idéalisation urbaine voire d’utopie.

Îles et isolations

Peter Sloterdijk utilise la métaphore de l’écume (la mousse) et des sphères pour expliquer certains fonctionnements sociaux et spatiaux, notamment l’émergence des îles et des isolations (Sloterdijk, 2004). À propos de l’image de la sphère, Bruno Latour souligne, « nous ne comprenons pas toujours pourquoi le social n’apparaît jamais comme un tracé et toujours comme une sphère (...) Pour que le décalage soit si constant entre le parcours des formatages et leur réception, il faut qu’un autre