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Chapitre 4 : Retour critique sur la mobilisation des connaissances

4.2 Des indicateurs de mobilisation des connaissances

La plupart des chercheurs qui étudient la mobilisation des connaissances s’entendent sur l’importance de réduire le fossé qui subsiste entre la production et l’utilisation des connaissances, entre le milieu de la recherche et le milieu de l’action. Afin d’évaluer la qualité d’un projet de mobilisation des connaissances, il me semble pertinent de s’intéresser aux indicateurs de réussite évoqués dans la littérature. Pour Trocmé et al. (2009), il est possible de parler de réussite lorsque trois conditions sont remplies : qu’il y ait 1) une coproduction des connaissances, 2) une harmonisation de la recherche aux processus de prise de décision et 3) l’implantation d’une réelle culture partenariale au sein des organisations impliquées. Le Groupe de travail sur la mobilisation des connaissances dresse lui aussi une liste d’indicateurs; parmi ceux-ci, les auteurs citent 1) la transmission des résultats de recherche aux utilisateurs, 2) la lecture et la compréhension des utilisateurs des rapports de recherche, 3) l’effort d’adaptation des résultats, et 4) l’observation d’un changement tangible dans les pratiques ou les services suite au projet de recherche. Ainsi, les indicateurs de réussite énoncés par les auteurs sont surtout liés aux résultats du projet de mobilisation des connaissances, à savoir la présence et l’utilisation des outils de transfert et l’implantation d’un changement. Ces critères permettent de comprendre que la mobilisation des connaissances s’effectue essentiellement à travers le développement -et le maintien- de liens solides entre les différents partenaires. Nous pouvons donc, grâce à ces indicateurs, mieux saisir l’articulation et d’évaluer la portée de la mobilisation des connaissances.

Selon ces critères, il m’est possible d’affirmer que, dans le cadre de mon stage, je n’ai pas réalisé, à proprement parler, un projet de mobilisation des connaissances. D’un point de vue critique, mon projet a surtout mobilisé des partenaires, sans pour autant mobiliser leurs connaissances. Je demeure ainsi convaincue d’avoir davantage mobilisé les connaissances des participants que celles des partenaires. Les partenaires « officiels » ont certainement été mobilisés dans la mesure où ils ont participé au projet, mais leurs connaissances et leurs expertises n’ont pas été intégrées au projet. En fait, selon les définitions présentées, la mobilisation des partenaires et des individus constitue la première étape, cruciale, d’un projet de mobilisation des connaissances. Pour la rédaction de cet essai, j’ai recensé quelques définitions et procédé à une brève revue de la littérature sans jamais vraiment parvenir à projeter mon stage dans les modèles proposés. Comme je l’ai mentionné au troisième chapitre, ce n’est que plus tard dans le processus de rédaction qu’il m’est apparu que mon stage prenait la forme d’un

projet-pilote qui s’inspirait des processus de mobilisation des connaissances. Suite à cette constatation, j’en suis venue à comprendre que, si mon projet de stage ne s’harmonisait pas parfaitement aux processus de mobilisation des connaissances proposés dans la littérature, c’est en partie parce qu’à mon avis, il précédait cette étape. Si l’on se réfère au modèle suggéré par le Groupe de recherche Médias et santé de l’UQAM, je considère que mon projet s’insérait dans la partie « formes de connaissances ». Simplement, comme il n’existait pas, au moment de débuter le stage, des données spécifiquement liées à l’intégration d’une délégation de jeunes vulnérables à l’École d’hiver, il m’a fallu faire le travail de mise en relation des partenaires et de construction structurelle pour produire des connaissances qui devaient, idéalement, dans un deuxième temps, faire l’objet d’un processus de mise en réseau et d’échange pour répéter l’expérience. En d’autres termes, c’est une fois les données de base recensées qu’il aurait été possible de construire un véritable projet de mobilisation des connaissances, avec les moyens et le déploiement que cela sous-tend.

Comme il en a été question plus tôt, il est possible d’avancer que les projets de mobilisation des connaissances sont généralement facilités par une prise en charge institutionnelle. Je crois que mon projet de stage se serait davantage inscrit dans un processus de mobilisation des connaissances s’il s’était inscrit plus concrètement dans les activités des organisations partenaires. De plus, il est possible de croire que si mon projet de stage ne s’est pas réellement inscrit dans un processus de mobilisation des connaissances, c’est aussi parce qu’il n’y a non seulement pas eu, concrètement, ni de mise en commun des connaissances préalable au stage ni de transfert effectué dans les milieux de pratique après l’activité. Ces étapes auraient non seulement permis d’échanger sur les orientations du projet, mais elles auraient aussi favorisé une relecture des résultats inspirée des connaissances des différents partenaires.

Évidemment, il n’est pas dit que les résultats de mon projet de stage ne feront pas l’objet d’une deuxième expérience à moyen terme, celle-ci cette fois, davantage ancrée dans les principes de la mobilisation des connaissances. Il existe des temporalités différentes entre la période dédiée à un projet précis, un stage par exemple, et celle associée à la durée de vie des résultats, celle- ci se poursuivant bien souvent au-delà des projets. J’espère donc que ce projet pourra servir, à tout le moins d’inspiration, aux organisations intéressées par la question de la socialisation politique des jeunes en situation de vulnérabilité. Il m’apparaitrait pertinent de reproduire l’expérience en considérant les résultats du projet dans la planification d’un projet de cette nature.