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C. Les allocations budgétaires

5. Des allocations voulues, efficaces et appropriées

Comme indiqué au chapitre II, il existe de nombreux droits, en particulier ceux qui sont énoncés dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, que chaque gouvernement a l’obligation de réaliser immédiatement, et dont la non-réalisation ne peut en aucun cas être justifiée par des considérations économiques. Chaque gouvernement est tenu de prendre immédiatement les mesures « voulues » qui, d’après l’interprétation des organes de traités concernés, comprennent des mesures

« efficaces » et « appropriées ». Une des mesures clefs à la disposition de chaque gouvernement est, bien entendu, le budget de l’État.

113 III. ÉTABLISSEMENT DU BUDGET

Ensuite, le budget alloué aux prisons devrait l’être en fonction de l’effectif carcéral. Toutefois, hormis la prison de Makala, qui a bénéficié de montants plus importants, les prisons centrales reprises dans les budgets de l’État, entre 2009 et 2011, recevaient toutes le même montant pour l’alimentation de leurs détenus, quel que soit l’effectif carcéral moyen, qui diffère pourtant significativement entre les établissements. Ainsi, la prison centrale de Bukavu, qui a une capacité d’accueil de 500 détenus et avait un effectif carcéral réel de plus de 1  505  détenus au 1er  octobre 2012, recevait exactement le même budget pour l’alimentation de ses détenus que par exemple les prisons centrales de Mbandaka et Matadi, cette dernière ayant une capacité d’accueil de 150  détenus et dont l’effectif carcéral réel était de 457 détenus au 1er octobre 2012. En pratique, les rations alimentaires des détenus sont donc allouées en fonction du budget disponible et non de l’effectif. Il n’est donc pas étonnant que ce budget ne suffise pas à couvrir les besoins alimentaires de la population carcérale. ».

Par mesures voulues on entend des mesures et allocations budgétaires connexes conçues pour permettre la réalisation des droits concernés et qui, compte tenu des limitations prévisibles des ressources publiques, ne sont pas inutiles.

Le coût de la détention provisoire

L’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques garantit à toute personne accusée d’une infraction pénale le droit d’être jugée sans retard excessif. En réalité, dans de nombreux pays, le jugement peut prendre des mois voire des années. En attendant, la plupart des personnes accusées sont placées en détention provisoire, souvent dans des conditions épouvantables, avec une alimentation insuffisante et de mauvaises conditions d’hygiène, tandis que les membres de leur famille sont privés des revenus qu’elles gagnaient en tant que membres de la population active.

Jusque récemment, il existait peu d’études détaillées sur le coût, non seulement pour les familles, mais aussi pour le gouvernement, de l’incarcération en masse des personnes en attente de jugement.

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Les  avocats ont longtemps affirmé que bon nombre des personnes placées en détention dans l’attente de leur jugement ne représentaient aucun danger pour la société et ne fuiraient probablement pas si elles étaient libérées sous caution avant d’être entendues en audience.

Les  études menées ces dernières années ont soulevé une autre question : l’incarcération provisoire d’un grand nombre de personnes constitue-t-elle une mesure «  voulue  » non seulement du point de vue des droits de l’homme, mais d’un point de vue budgétaire  ? Les membres de la société dans son ensemble ont droit à la sécurité personnelle et les personnes placées en détention ont droit à la liberté et à la présomption d’innocence jusqu’à ce que leur culpabilité soit établie. Les gouvernements devraient dépenser les fonds de façon à permettre la réalisation de ces droits. Le fait de dépenser d’importantes sommes d’argent pour placer en détention provisoire des personnes qui ne représentent aucune menace pour la société, alors que d’autres solutions moins coûteuses existent, ne constitue pas une décision « voulue » du point de vue tant budgétaire que des droits de l’homme68.

Dans son observation générale no  31 (2004), le Comité des droits de l’homme a souligné que lorsque des droits devaient être immédiatement réalisés, aucune considération économique ne pouvait justifier la non-réalisation. Cela signifie qu’une crise économique ne devrait pas entraîner de réductions des allocations budgétaires ou des dépenses si la réalisation de ces droits est ainsi menacée.

Comme indiqué dans le premier chapitre, l’obligation de réaliser immédiatement certains droits de l’homme ne se limite pas aux droits civils et politiques. Dans son observation générale no 3 (1990), le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a clairement indiqué que chacun avait la garantie, au minimum, de la satisfaction immédiate de l’essentiel de chacun des droits consacrés par le Pacte, sans aucune discrimination.

S’agissant, par exemple, du droit à l’alimentation, l’obligation fondamentale minimum consiste à faire en sorte que personne ne souffre de la faim.

Si un gouvernement n’est pas en mesure de satisfaire cette obligation fondamentale minimum, il doit pouvoir démontrer qu’aucun effort n’a été épargné pour remplir, à titre prioritaire, ces obligations minimums.

115 III. ÉTABLISSEMENT DU BUDGET

Les crises économiques et le droit à la vie

Pendant l’hiver 1996-1997, la Bulgarie a subi une grave crise économique. Le foyer de Dzhurkovo pour les personnes souffrant d’un handicap mental ou physique, qui abritait environ 80 enfants, était financé grâce au budget des autorités locales. Ce budget a été drastiquement réduit en raison de la crise et les autorités locales n’étaient plus en mesure de verser les fonds nécessaires pour garantir une alimentation, un chauffage et des soins médicaux suffisants pour les enfants du foyer. Le maire de la commune a présenté conjointement avec le directeur du foyer plusieurs demandes à divers ministères du Gouvernement national, mais n’a reçu aucune réponse. À la fin de l’hiver, 15 enfants logés dans l’établissement étaient décédés en raison d’une alimentation insuffisante et de mauvaises conditions d’hygiène.

Le foyer était alors dans l’incapacité d’offrir un chauffage suffisant et de laver les draps et les couvertures.

La Cour européenne des droits de l’homme a été saisie au nom des enfants décédés et a indiqué que, dans la mesure où les responsables gouvernementaux qui avaient connaissance du problème n’avaient pas pris, dans les limites de leurs pouvoirs, les mesures nécessaires pour apporter une assistance à l’établissement, l’État avait violé l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui protège le droit à la vie. La Cour a conclu que les conditions dans l’établissement n’étaient pas dues à un événement soudain de force majeure auquel l’État n’aurait pas été en mesure de faire face, mais s’inscrivaient plutôt dans le contexte d’une crise nationale dont les responsables gouvernementaux de haut niveau avaient été informés69.

116 RÉALISER LES DROITS DE L’HOMME GRÂCE AUX BUDGETS PUBLICS

6. Utiliser au maximum les ressources disponibles