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Chapitre 1: L’état de l’art

2.6 Des études centrées sur certaines productions agricoles locales

Dans la même veine, quelques études ont montré que certaines productions agricoles locales peuvent en grande partie répondre à la demande des consommateurs urbains (Colasanti et al., 2010; Giombilini, 2010; MacRae et al., 2012; Billen et al., 2018), en particulier concernant les fruits et légumes. Ces études ont été approfondies par des chercheurs en agriculture dite « urbaine ». Ces travaux démontrent que cette agriculture peut fournir une quantité non négligeable de produits à certains segments de populations (Duchemin et al., 2010; Duchemin: 99, 2013; Pourias: 323, 2013). Nous développerons plus amplement cet aspect des choses dans la partie 4. Face à ces constats, quelques travaux émergent, remettant en cause cet approvisionnement local et la prudence à son égard (Hinrichs, 2003; Born et Purcell, 2006; Dupuis et Goodman, 2005; Vidal et Fleury, 2010; Vidal, 2018; Bricas, 2017, 2018).

En effet, Born et Purcell, qui qualifient l’approvisionnement local de local trap, soulignent avant tout que de nombreuses études relevées dans la littérature évoquent les bienfaits inhérents au localisme: durabilité écologique, justice sociale, démocratie, meilleure nutrition, etc. Ces bienfaits ne sont pas explicitement fondés: “The research into the contribution of localization

to the ecological sustainability of the food system is limited and even contradictory.” (Born et

Purcell, 2006; Weber et al., 2008, cités par Horst et Gaolach, 2014).

Cette remise en cause est reprise par des chercheurs comme Roland Vidal, pour qui « l’agriculture urbaine pourrait assumer au maximum 3 % de la production des villes européennes et seulement en fruits et légumes »; et d’ajouter « qu’il faudrait plus de 660 000 hectares pour alimenter la capitale et plus de trois millions d’hectares pour alimenter les Franciliens »1. Idem pour Nicolas Bricas: « En calculant la surface agricole nécessaire pour

nourrir localement la zone urbaine de Montpellier, on constate que l’intégralité des terres de l’Hérault ne suffirait pas, même en réservant toute la production du département aux seuls Montpelliérains […]. Multiplier les déplacements pour aller chercher des produits locaux cultivés sous serres chauffées à grand renfort d’engrais chimiques peut s’avérer bien pire du point de vue environnemental que de faire venir les mêmes aliments de zones agricoles plus éloignées et aux modes de production moins intensifs». (Bricas: 34, 2017).

Des exemples au Canada et en France

Toujours dans les pays développés, plus récemment, certains auteurs ont entrepris des études de cas dans des régions bien spécifiques. Il s’agit du Québec, où une recherche participative pour comprendre le système alimentaire de cette province (REPSAQ) est menée depuis septembre 2015, par une équipe de chercheurs de l’Université de Laval. Parmi les questions de recherche qui sous-tendent ce projet REPSAQ, deux nous intéressent en particulier: « Quelle part des aliments produits dans la région est effectivement consommée dans la région? »; et « Quelle distance ces aliments parcourent-ils? ». À ce stade, quelques notes de travaux ont été réalisées et présentées. Les premières conclusions proposées par une étudiante en maîtrise révèlent que dans la province du Québec, 35 % de la consommation des habitants est issue de la région.

Un autre exemple a également été relevé en France, dans le Grand Ouest français et la Région Rhône-Alpes, depuis septembre 2015: Frugal Research (formes urbaines et gouvernance alimentaire). Ce projet est mené sous la forme d’une « recherche-action centrée sur l’analyse systémique des enjeux liés à l’approvisionnement » des deux grandes régions. Plusieurs universités françaises participent à ce projet, ainsi que des associations et des collectivités.

81 Quatre volets sont envisagés, dont un qui entre dans notre question de recherche, à savoir « les flux alimentaires métropolitains »12.

En Wallonie, peu d’avancée sur la part des productions agricoles dans l’alimentation des Wallons

Dans nos zones d’étude, aucun travail de recherche n’a réellement été mené à ce jour. Le seul rapport d’étude relevé, comme mentionné plus haut, a été réalisé par le Centre de recherche agronomique wallon (CRAW). À l’heure où nous rédigeons cette thèse, son analyse a porté sur la quantité de blé panifiable qui, selon les chercheurs (Van Stoppen et Sinnaeve, 2018), représente moins de 10 % du blé retrouvé dans la confection des denrées alimentaires. Ces éléments corroborent la tendance générale relevée dans la majorité des pays développés, où l’essentiel des aliments consommés provient d’une agriculture mondialisée au détriment d’une agriculture locale. C’est dans ce cadre que nous avons rencontré un chercheur belge qui nous a apporté quelques pistes explicatives, à savoir que les prix payés à l’hectare aux agriculteurs pour le blé panifiable et le blé fourrager sont équivalents. Surtout, les incitants pour développer la production de blé panifiable sont inexistants, de même qu’il y a très peu de structures de transformation en Wallonie (seuls cinq moulins industriels y ont été répertoriés). Ce chercheur a surtout souligné le peu d’études réalisées en Wallonie afin de réellement quantifier la part de l’agriculture locale dans l’approvisionnement des villes wallonnes. Ceci ne nous permet pas d’apporter des éléments explicatifs au regard de notre question, à savoir l’impact de l’agriculture locale dans l’approvisionnement des villes wallonnes.

Une agriculture locale, nourricière des populations des pays en développement

Dans les pays en développement, depuis de nombreuses années, des chercheurs se sont attelés à analyser l’approvisionnement des villes du Sud (Moustier, 1994; Chaléard et al., 1998; Chaléard et al., 2002; Bricas et Seck, 2004), mettant ainsi en exergue l’importance d’une agriculture locale dans cet approvisionnement. En Afrique, comme le mentionne Jean-Paul Charvet récemment, l’agriculture urbaine fournit plus de 60 % des demandes en volailles dans une ville comme Cotonou, et 50 % à Dakar (Charvet: 13, 2018). Dans ces pays où l’urbanisation ne cesse de croître, couplée aux nombreux problèmes structurels des transports, l’approvisionnement local reste déterminant dans l’alimentation des villes. C’est ce qu’ont analysé de nombreux chercheurs en s’appuyant sur des monographies réalisées dans ces pays (Aubry et al., 2010; Aubry et al., 2015; Moustier, 2017). L’approvisionnement se réalise dans une forte proportion par une agriculture locale que de nombreux auteurs qualifient d’agriculture urbaine. Ces auteurs mettent en avant l’importance de cet approvisionnement local en produits frais (Aubry et al.: 79, 2015). Pour certains produits, ils représentent jusqu’à 100 % de la production locale (les choux-fleurs dans la ville d’Antananarivo, à Madagascar). Paule Moustier souligne aussi que dans la ville de Hanoï, ces pourcentages avoisinent les 70 % pour les légumes à feuilles, fournis dans un rayon d’approvisionnement de 30 kilomètres. L’auteur ajoute que pour cette ville, entre 95 et 100 % des laitues sont cultivées à moins de 20 kilomètres (Moustier et al., 2004). Cette tendance se retrouve dans de nombreux pays en développement, encore très dépendants d’un approvisionnement local pour certains produits consommés quotidiennement. La forte croissance urbaine qui touche ces pays conduit ces nouveaux 12 Dans ce projet les grandes lignes sont: "Analyse les flux alimentaires de chaque terrain, de la production locale aux volumes consommés,

en passant par les aspects de transformation et de logistique. Structurés autour de l’économie et de la géographie, les travaux visent à cerner d’abord la réalité actuelle de ces flux pour pouvoir, dans un second temps, proposer des volets prospectifs concernant les adaptations à imaginer pour aboutir à un métabolisme urbain plus performant" (Frugal, 2015). Les premiers résultats qui émanent de travaux d’étudiants soulignent la difficulté à quantifier les flux alimentaires des régions sur lesquelles ces études ont porté.

82 arrivants à développer diverses formes d’agriculture urbaine qui leur permettent de se nourrir avant tout, et si des surplus sont engendrés, de les vendre sur le marché local. Toutefois, quantifier de façon précise cet approvisionnement reste encore délicat, tant les données sont partielles et peu fiables (Aubry: 314, 2013).

Cette explosion du taux d’urbanisation a pour corollaire un changement total dans les modes d’approvisionnement, qui, progressivement, s’est imposé dans l’ensemble des villes du monde, avec une plus grande acuité dans les pays du Nord. D’autres chercheurs ont mis en avant le modèle de consommation de masse, qui s’est standardisé et généralisé depuis la fin du XXe

siècle. Ainsi se pose la question de l’alimentation des villes, un peu partout dans le monde.

Vers des politiques alimentaires locales et plus

durables

Dans cette sous-partie, afin de mieux cerner l’émergence des Food Policy Councils (conseils de politique alimentaire), nous évoquons de façon très synthétique les différentes politiques alimentaires qui ont été mises en place, depuis le début du XXe siècle, aux États-Unis qui, selon certains analystes, étaient les seuls à disposer d’une politique alimentaire (Malassis, 1992). Puis, nous verrons comment, depuis quelques années, des politiques alimentaires tentent de faire consensus vers plus de durabilité. Selon les pays, cet aspect est plus saillant face à un système alimentaire qui montre certaines failles. Ces constats ont particulièrement été mis en avant aux États-Unis qui, très tôt, ont instauré des politiques d’aide alimentaire aux populations les plus défavorisées (Malassis, 1992). Ce pays oriente ses politiques alimentaires à l’échelle locale, de façon plus transversale. Celles-ci sont axées vers davantage de démocratie au sein des territoires plus à même de répondre aux besoins des populations, et ont donné naissance aux conseils de politique alimentaire (Food Policy Councils) dès les années 1980. Ces Food Policy Councils se sont propagés dans les pays anglo-saxons, tentant d’apporter des réponses aux failles existantes dans le système alimentaire.

Les exemples foisonnent souvent, issus des instances politiques locales et dans une moindre mesure des citoyens (Bissardon et Boulianne, 2016: 329; Halliday et Mendes, 2016: 70). Ceci rejoint les conclusions émises par C. Hochedez pour qui « la commune apparaît comme le niveau le plus approprié pour observer le processus de gouvernance autour des projets alimentaires » (2014), ou encore par Schiff (2008) et Orlando (2011), qui pointent l’importance des instances politiques locales dans la mise en place de politiques alimentaires. Nous développerons quelques exemples emblématiques de ces Food Policy Councils, répertoriés dans les pays anglo-saxons, et souvent évoqués par de nombreux chercheurs (Brand, 2011, 2015; De Schutter, 2016; Halliday et Mendes: 75, 2016). Ces exemples sont reportés en annexe 1.

Toutefois, à l’instar des avancées alimentaires dans les pays nord-américains, les pays nord- européens tentent eux aussi de mettre en place des politiques alimentaires plus durables au sein de leur territoire. Dans les autres pays de l’Union européenne, certains auteurs mettent en avant l’absence de réelles politiques alimentaires (Brand et Bonnefoy, 2011; Perrin et Soulard, 2014). Pourtant, quelques pays ou régions ont mis en place des politiques alimentaires (Royaume-Uni, Pays-Bas, Région flamande et Bruxelles-Capitale). Nous verrons que ces initiatives viennent, dans bien des cas, de la société civile (Harper et al., 2009:25).

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3.1 L’émergence des politiques alimentaires en Amérique du Nord: la mise

en place des Food Policy Councils

Les politiques alimentaires étasuniennes, pour une prise en compte de la sécurité alimentaire des populations

Aux États-Unis, les premières politiques ont fait leur apparition après la Grande Dépression des années 1930. C’est dans ce contexte de crise que les premières mesures d’aide alimentaire ont été envisagées, à l’échelle du pays, ainsi que des initiatives privées portées par des associations caritatives (Gunderson, 2003), afin de venir en aide aux enfants scolarisés qui n’avaient pas accès à une alimentation quotidienne. Très vite, l’État fédéral, dans le cadre du New Deal, a repris ces actions privées et adopté une politique d’aide alimentaire qu’il a étendue à l’ensemble des citoyens américains. C’est la première fois qu’une telle politique est envisagée sous la présidence de Roosevelt, dès 1933 (Devienne, 2012: 129). Poursuivant cette volonté d’aide alimentaire, dès 1938, le Farm Bill (politique agricole) a instauré les premiers Food Stamps (tickets alimentaires), avec une double visée: apporter des solutions d’écoulement des excédents agricoles et répondre à la sous-alimentation des populations les plus défavorisées.

En 1961, sous la présidence de Kennedy, un programme de bons alimentaires vient compléter les différentes politiques alimentaires. Face à une pauvreté qui s’accentue (plus de 40 millions d’Américains vivent sous le seuil de pauvreté en 1959, soit 22 % de la population totale), ces politiques sont indispensables afin d’assurer à ces personnes l’accès à une alimentation de base. Ce programme est réintroduit dès 1961, dans quelques villes pilotes, pour devenir un programme permanent de la politique agricole en 1964 (Devienne, 2012: 132). En 1969, le

Food and Nutrition Service (FNS) est créé; il a pour fonctions:

• d’améliorer la sécurité alimentaire intérieure;

• de lutter contre la faim, en permettant aux plus précarisés d’accéder à une alimentation quotidienne.

La mise en œuvre de la politique alimentaire est donc désormais attribuée au FNS, qui met alors en application d’autres programmes d’aide alimentaire à destination de certaines catégories de population, comme par exemple, en 1966, le Child Nutrition Act, suivi du School Breakfast

Program (distribution de petits déjeuners aux enfants les plus démunis), ou le Summer Food Program (fourniture de repas aux enfants en période de vacances scolaires). Tous ces

programmes ont été permis grâce à des surplus agricoles, dont les populations les plus défavorisées ont bénéficié. L’importance du nombre de personnes en sous-nutrition accentue ces programmes d’aide alimentaire dans les années 1970-1980.

Le budget alloué à ces politiques n’a cessé d’augmenter dans les années 1980. Selon Malassis (1992), citant M. Padilla (1991), « l’aide alimentaire intérieure représente dans ces années trois fois le montant du soutien à l’agriculture et plus de dix fois l’aide alimentaire à l’étranger ». Les États-Unis disposent donc d’une réelle politique alimentaire. Les Food Stamps représentent, en 1980, plus de 60 % de l’aide alimentaire pour plus de 20 millions d’Américains (Malassis, 1992). Cette part du budget consacrée à l’aide alimentaire n’a cessé de croître au cours du temps (Devienne, 2012).

Toutefois, cette politique d’aide alimentaire ne résout pas le problème d’insécurité alimentaire qui touche toujours plus de personnes. En effet, le nombre de personnes ayant recours aux Food

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Stamps a fortement augmenté depuis 1969, passant de 2,88 millions à plus de 40 millions en

2011.

De nouveaux objectifs dans les politiques alimentaires: aspects nutritionnels et soutien aux circuits courts

Ces Food Stamps constituent l’aide alimentaire la plus importante aux États-Unis, dès les années 1980, et de nouveaux objectifs seront envisagés. En effet, à travers le Women Infant and

Children, mis en place en 1972 (aide aux femmes enceintes ayant des enfants en bas âge), les

aspects nutritionnels sont pleinement pris en compte. Il s’agit d’apporter à cette catégorie de population des aliments sains, riches en nutriments, indispensables à une bonne santé. L’accent est mis sur l’achat de fruits et légumes chez les agriculteurs locaux: ceci leur permet de développer les circuits courts et fournit une aide non négligeable aux petites exploitations agricoles. Le WIC Farmers’ Market Program marque également un premier tournant dans l’approche de la politique alimentaire américaine, en 1988. Ce programme devient permanent dès 1992, puis s’étend aux personnes âgées (2001) et aux Food Stamps en 2008.

Durant les années 1990, fait marquant, la politique alimentaire étasunienne s’oriente vers le soutien aux petites exploitations agricoles en perte de vitesse. Les circuits courts sont retenus afin de revitaliser ces exploitations. Celles-ci semblent les plus adaptées pour fournir des produits locaux sains et diversifiés aux populations les plus démunies. Un nouveau programme voit le jour dès 1997, le Farm-to-School, qui implique une diversité d’acteurs: l’État fédéral, les gouvernements locaux et les associations de producteurs. Ce programme vise à encourager les petits producteurs à approvisionner les écoles en produits issus de leurs exploitations et à les inciter à se fournir auprès d’eux. Ces éléments soulignent une réorientation de la politique alimentaire indissociable de la politique agricole. Cette politique est centrée sur les avantages des produits locaux, en particulier les fruits et légumes, souvent absents de l’alimentation des plus défavorisés. Le soutien à une alimentation locale devient l’un des axes de cette politique alimentaire et agricole aux États-Unis à la fin des années 1990.

Dès 2008, le programme des Food Stamps devient le Supplemental Nutrition Assistance

Program (SNAP). Ce nouveau programme d’aide alimentaire repose exclusivement sur le

revenu des familles les plus précaires. Les tickets ont été remplacés par une carte électronique sur laquelle un certain montant (un maximum de 200 dollars par personne et par mois) est attribué aux personnes les plus démunies. Cette carte leur permet d’accéder à une alimentation plus saine, plus équilibrée en fruits et légumes, en provenance des fermes locales. Cette mesure est renforcée par le nouveau Farm Bill, voté en 2008, qui va plus loin dans ces initiatives d’approvisionnement en produits locaux. En effet, un nouveau projet est développé, qui subventionne les produits locaux dont la provenance géographique est privilégiée. Ainsi, on observe une certaine volonté, de la part des instances publiques, de soutenir le développement d’une alimentation locale, en particulier à destination des écoles. En parallèle, d’autres programmes de soutien à l’agriculture biologique se mettent en place, dans les années 2000, pour l’approvisionnement des cantines scolaires.

Toutes ces initiatives convergent vers une réelle prise en compte de l’alimentation aux États- Unis, qui passe par des politiques alimentaires de soutien aux plus défavorisés. Ce soutien implique celui des exploitations agricoles étatsuniennes, qui permet d’enrayer la sous- alimentation, révélée dans ce pays; l’aspect qualitatif est ainsi de plus en plus mis en avant dans le développement de ces politiques. Face à ces initiatives émanant des instances étatiques

85 américaines, de nouveaux acteurs émergent dans le sillage de l’alimentation. Malgré ces politiques d’aide alimentaire, la situation demeure assez critique, avec des difficultés pour accéder à une alimentation saine. Le nombre de personnes touchées ne cesse d’augmenter; se développent ainsi des initiatives, comme nous l’avons déjà évoqué, qui prennent le relais des politiques alimentaires. Elles se concrétisent de plus en plus à l’échelle locale, via les Food

Policy Councils.

Qu’est-ce qu’une politique alimentaire?

Selon Malassis, les politiques alimentaires « concernent plus spécifiquement les produits et la consommation alimentaire ainsi que les consommateurs ». Ces politiques impliquent avant tout l’ensemble des acteurs et visent à enrayer les pénuries alimentaires; elles mettent surtout au centre le consommateur, qui ne peut être producteur ou rural (Courade, 2006). L’accès à l’alimentation est déterminant dans ces politiques alimentaires: quelle que soit la situation géographique, le consommateur doit être en mesure de se procurer une alimentation saine, qui correspond à ses besoins nutritionnels et culturels (Courade, 2006). Finalement, la politique alimentaire « englobe tous les efforts collectifs des gouvernements pour influencer les milieux responsables, les agriculteurs, les consommateurs et les agents de commercialisation alimentaire, prévenir famines et pénuries alimentaires, et améliorer l’alimentation des plus vulnérables tout en préservant l’accès économique, géographique et temporel à un bol alimentaire convenable pour l’ensemble de la population » (Courade, 2006).

La mise en place de ces politiques alimentaires tend à effacer les disparités entre les consommateurs et permet un accès plus ou moins équitable entre les différents segments de populations. C’est à travers la notion de sécurité alimentaire que ces politiques ont vu le jour. La notion même de politiques alimentaires s’est forgée dans les années 1970-1980. Pour certains auteurs, celles-ci se sont particulièrement développées après la Deuxième Guerre mondiale (Lang et al., 2009).

L’émergence des Food Policy Councils en Amérique du Nord: vers une certaine démocratisation de l’alimentation, plus durable

Nous avons vu que les États-Unis sont un des seuls pays de l’OCDE à avoir développé, depuis les années 1930, une réelle politique alimentaire (Malassis, 1992; Devienne, 2012). En revanche, dans les pays voisins comme le Canada, à ce jour, aucune politique alimentaire n’a été mise en place. Néanmoins, depuis plus d’une année, cette question a été mise au-devant des problématiques à envisager par Agriculture et Agroalimentaire Canada. Et, comme le souligne E. Frison, président de l’IPES-Food: « La transformation des systèmes alimentaires s’impose non seulement pour protéger les écosystèmes, mais aussi pour mieux se nourrir et lutter contre les problèmes de santé du 3e millénaire, notamment l’obésité et le diabète. »13 Tout comme aux

États-Unis, l’obésité est un problème de santé publique non négligeable. Rappelons qu’au Canada, suivant les dernières données du service de santé du pays, 64 % des Canadiens sont en surpoids ou obèses. Face à cette situation, les autorités compétentes se sont penchées sur la question; selon le ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, la mise en place d’une politique alimentaire viserait à « offrir une plus grande quantité d’aliments canadiens abordables, salubres et sains aux consommateurs tout en protégeant l’environnement »14.