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Derniers dépouillements de la structure d’espace topologique

1.1 La topologie générale

1.1.4 Derniers dépouillements de la structure d’espace topologique

Tel que vu dans la section précédente, Hausdorff eut recours à la méthode axio- matique afin de définir des espaces topologiques qui soient conceptuellement et tech- niquement adéquats. Malgré leur importance, les axiomes de voisinages de Hausdorff souffrent de quelques lacunes. [Epple et al. 2002, p. 720] Premièrement, deux sys- tèmes de voisinages peuvent induire deux topologies équivalentes, c’est-à-dire essen- tiellement la même structure. Il en est ainsi parce que les axiomes de Hausdorff déterminent des bases de voisinages ouverts et non pas des topologies. Deuxième- ment, l’axiome (D) renvoie à une propriété de séparation des espaces topologiques. Si la conception pointilliste le considérait comme essentiel à la définition du concept, la transition vers des axiomatisations basées sur les ouverts de l’espace montreront le contraire et aussi que son inclusion restreint sa généralité.

Au début des années 1920, d’autres axiomatisations furent présentées afin de combler ces lacunes. Les plus importantes furent celles de Vietoris, Kuratowski, Tietze et Alexandroff.

1.1.4.1 Vietoris : des axiomes de voisinages plus généraux

Leopold Vietoris fut le premier à modifier les axiomes de voisinages de Hausdorff. En 1921, il publia « Stetige Mengen » [Vietoris 1921], un article consacré au trai- tement des lignes et surfaces de dimensions arbitraires par des méthodes purement ensemblistes.

La première partie de « Stetige Mengen » présente les bases théoriques, c’est-à- dire topologico-ensemblistes, dont dépendent les résultats sur les lignes et surfaces qui sont démontrés dans la seconde partie et qui forment l’objet véritable de l’article. Vietoris s’appuie sur l’axiomatisation de la théorie des ensembles de Zermelo ainsi que sur des axiomes de voisinages :

Nous basons notre réflexion sur l’axiomatisation de la théorie des ensembles de Zermelo et sur les axiomes de voisinages suivants :

Axiomes de voisinages

(A) « Tout point x appartient à au moins un voisinage Ux; tout voisinage Ux

(B) « Si Uxet Vxsont des voisinages d’un point x, alors il existe un voisinage

Wxqui est un sous-ensemble de Uxet Vx(Wx⊆ Ux∩ Vx) ».

(C) Pour tout voisinage Ux d’un point x, il existe un voisinage Vx de x tel

que tout point de Vxpossède un voisinage inclus dans Ux.

(D) « Pour toute paire de points x et y, il existe deux voisinages Uxet Uyqui

n’ont aucun point commun (Ux∩ Uy= ∅). »

(E) Un voisinage Ux d’un point x contient toujours un voisinage Wxde x tel

que tout point de C Ux (l’ensemble complémentaire de Ux) possède un

voisinage inclus dans C Wx50. [1921, p. 173]

Quelques remarques sur ces axiomes sont de mises. Premièrement, Vietoris pré- sente clairement son axiomatisation comme une modification de celle de Hausdorff. D’une part, les axiomes (A), (B) et (D) sont identiques à ceux de Hausdorff et sont d’ailleurs entre guillemets comme s’ils étaient cités. D’autre part, l’axiome (C) de Vietoris est différent de celui de Hausdorff dans la mesure où il permet de considérer des voisinages qui ne contiennent pas exclusivement des points intérieurs. L’axiome (E) est quant à lui totalement inédit et renvoie à une propriété de régularité. À l’ins- tar de celle formulée dans Grundzüge der Mengenlehre, l’axiomatisation de Vietoris détermine donc des bases de voisinages et non pas des topologies.

Deuxièmement, tout de suite après avoir énuméré ses axiomes, Vietoris introduit un axiome (D’) qui est une conséquence de l’axiome (D).

(D’) Pour tout point x, il existe un voisinage Ux qui ne contient pas un point

y 6= x donné51. [Vietoris 1921, p. 174]

Cet axiome exprime une condition de séparation plus faible que celle de Hausdorff. En langage contemporain, les espaces topologiques définis par Hausdorff sont dits séparés, Hausdorff ou T2 alors que ceux de Vietoris sont dits accessibles ou T1.

50. Wir stützen unsere Betrachtungen auf die Zermelosche Axiomatik der Mengenlehre und die folgenden Axiome des Umgebungsbegriffs.

Umgebungsaxiome.

(A) „Jedem Punkt x entspricht mindestens eine Umgebung Ux; jede Umgebung Ux enthält Punk-

te x.“

(B) „Sind Ux, Vx zwei Umgebungen desselben Punktes x, so gibt es eine Umgebung Wx, die Teil-

menge der beiden anderen ist (Wx5 ϑ(Ux, Vx) [sic]“.

(C) Zu einer Umgebung Uxvon x gibt es immer eine Umgebung Vx von x, so daß jeder Punkt von

Vx samt einer seiner Umgebungen in Ux liegt.

(D) „Für zwei verschiedene Punkte x, y gibt es zwei Umgebungen Ux, Uyohne gemeinsamen Punkt

(ϑUxUy) = 0) [sic].“

(E) Eine Umgebung Ux eines Punktes x enthält immer eine Umgebung Wx von x, so daß jeder

Punkt von C Ux (Komplementärmenge von Ux) samt einer seiner Umgebung in C Wx liegt.)

[sic]

51. (D’) Zu einem Punkte x gibt es immer eine Umgebung Ux, welche einen vorgegebenen Punkt

À l’instar de Hausdorff, Vietoris fait donc reposer la théorisation de l’espace sur ses points. Cependant, en assouplissant la condition de séparation, Vietoris met un peu plus d’emphase sur les voisinages eux-mêmes, c’est-à-dire sur certains sous- ensembles de l’espace, et la distancie, timidement certes, des points.

Finalement, en affirmant se baser sur les axiomes de Zermelo et les axiomes de voisinages, Vietoris confirme la distinction claire entre la théorie des ensembles et la topologie, non seulement en théorie, mais aussi dans la pratique mathématique. 1.1.4.2 Kuratowski : une axiomatisation de l’opération de fermeture

En 1922, Kazimierz Kuratowski publia un article ayant pour titre « Sur l’opéra- tionA de l’Analysis Situs » [Kuratowski 1922] dont l’objectif était de clarifier les fon- dements de la topologie afin de garantir un développement rigoureux de la discipline.

In times when the basic set-theoretic and topological notions were still taking shape, Kuratowski wanted to know what he was talking about. This is why, in the beginning of the 1920s, he took such interest in the notions of finite set and order, in the role of ordinal numbers in mathematical reasoning, and in the axioms for topological spaces. For him this kind of analysis meant, in the first place, building up the necessary foundations for specific and concrete topological research he was already conducting . [Engelking 1998, p. 436]

À ce propos, une des grandes préoccupations de Kuratowski était ce qu’il convient d’appeler la pureté des méthodes topologiques dans l’étude des espaces. Celle-ci devait donc idéalement être exempte de considérations géométriques, combinatoires ou encore algébriques. Kuratowski always stressed the importance of “eliminating non-topological methods” from the topological study of the place. He meant by this using only topological notions (thus, no polygonal lines) and reducing algebraic ap- paratus to a minimum. [Engelking 1998, p. 440]

Pour la clarification envisagée, Kuratowski développa une théorie axiomatique des espaces topologiques. Son axiomatisation du concept d’espace topologique se distingue de celles proposées par Riesz, Hausdorff et Vietoris en ce qu’elle ne se base ni sur la notion de limite, ni sur celle de voisinage, mais plutôt sur l’opération de fermeture.

Dans l’espace euclidien à n dimensions qu’il désigne par le symbole 1, la fermeture d’un ensemble A est l’ensembleA de A composé de tous les points de A et de tous les points limites de A. Dans ce contexte, il est aisé de démontrer les propriétés suivantes :

I. A + B = A + B ; II. A ⊂ A ;

III. ∅ ⊂ ∅ ; IV. A = A.

Kuratowski utilise ces propriétés pour définir un espace topologique dans un contexte abstrait :

Cette note est consacrée à l’analyse de ces propositions et de leurs consé- quences. Nous procédons axiomatiquement : nous supposons donnés un ensem- ble arbitraire 1 et une fonction A telle que, pour tout A contenu dans 1, A y est contenu également et remplit les axiomes I–IV. [1922, p. 182]

Ainsi, même s’il ne la formule pas explicitement, Kuratowski suggère la définition formelle suivante :

Définition 1.1.4.1 (Kuratowski 1922). Un espace topologique X est un ensemble muni d’une opération qui associe à tout sous-ensemble A de X un sous-ensembleA, sa fermeture, et qui satisfait les axiomes suivants :

I. A + B = A + B ; II. A ⊂ A ;

III. ∅ ⊂ ∅ ; IV. A = A.

Trois remarques s’imposent quant à cette définition. Premièrement, compte tenu de la volonté de Kuratowski de réduire la machinerie algébrique à son minimum, son axiomatisation est des plus surprenantes puisqu’elle se base sur un opérateur algébrique ! Deuxièmement, et cet aspect est indissociable du premier, la théorisation de l’espace proposée par Kuratowski ne repose pas sur les points de l’ensemble sous- jacent. Contrairement aux axiomes de Hausdorff et Vietoris, ceux de Kuratowski ne réfèrent aucunement aux points de l’espace. La structure topologique de l’espace provient des propriétés de l’opérateur de fermeture. Finalement, le recours à un opérateur algébrique rend superflue la nécessité imposée par Hausdorff de distinguer les points. En conséquence, la définition de Kuratowski ne contient aucun axiome de séparation et confère au concept d’espace topologique sa pleine généralité.

Dans la deuxième section de « L’opération A de l’Analysis Situs », Kuratowski définit les principales notions topologiques à l’aide des axiomes de fermeture : ensem- ble fermé, bord d’un ensemble, intérieur d’un ensemble, ouvert, etc. Par exemple, un ensemble A est fermé si A = A. L’ensemble A00est l’intérieur de A. Un ensemble

A est ouvert si A = A00. Par conséquent, les ouverts ainsi définis ont les propriétés souhaitées. Par exemple, un ensemble est ouvert si et seulement si son complément est fermé. Au risque d’insister, ces notions confirment que les points ne sont pas à la base de l’édifice conceptuel de Kuratowski. Un espace est toujours le résultat de la subdivision de son ensemble sous-jacent en parties, mais ces parties ne s’obtiennent plus par l’organisation des points de l’ensemble en systèmes de voisinages.

En terminant, l’article de Kuratowski rend compte du degré de maturité logique qu’avait atteint la méthode axiomatique. La dernière section est consacrée à un examen des propriétés logiques de la théorie axiomatique des espaces topologiques. Kuratowski y démontre notamment que ses axiomes de fermeture sont indépendants.

1.1.4.3 Tietze : une axiomatisation en termes d’ouverts

En 1923, Heinrich Tietze publia dans Mathematische Annalen « Beiträge zur allgemeinen Topologie » [Tietze 1923], un article en trois parties sur la topologie générale. La première de ces trois parties est particulièrement intéressante puisque Tietze y présente une axiomatisation du concept d’espace topologique en termes d’ouverts et la compare à celle de Hausdorff.

Tel que vu à la section 1.1.3.3, Hausdorff considérait que tout ensemble muni d’un système de voisinages satisfaisant certains axiomes A, B, C et D était un espace topologique. Tietze propose de se restreindre à un système de voisinages spécifique : celui que forment tous les ensembles ouverts d’un espace topologique :

Parmi la collection de tous les systèmes de voisinages d’un espace topo- logique, c’est-à-dire tous les systèmes équivalents à un système, il en est un qui se distingue : le système de tous les ensembles ouverts où chaque ouvert est considéré comme voisinage de ses points. Ceci suggère de partir d’emblée de ce système de voisinages. À l’instar de tous les autres systèmes, celui-ci satisfait évidemment les conditions (A), (B), (C), (D)52. Il n’est alors pas difficile de

renforcer ces conditions de manière à ce que, d’une part, tout système formé de tous les ensembles ouverts M d’un espace topologique satisfasse ces conditions et, d’autre part, que tout système de sous-ensembles d’un ensemble M qui satisfait ces conditions soit justement le système de tous les ensembles ouverts d’un espace topologique formé des points de R53. [1923, p. 294]

À cette fin, Tietze caractérise le concept d’espace topologique sur la base de la seule notion d’ensemble ouvert.

Définition 1.1.4.2 (Tietze 1923). Un espace topologique est un ensemble muni de certains sous-ensembles, appelés ouverts, tels que les axiomes suivants sont satisfaits : (A◦) Tout point x appartient à au moins un ensemble ouvert M ;

(B◦) Si deux ensembles ouverts M1, M2 ont au moins un point commun, alors

leur intersection M1∩ M2 (l’ensemble de leurs points communs) est aussi un ensemble ouvert ;

(C◦) S’il existe pour tout point x contenu dans un ensemble U un ensemble ouvert qui contient x et qui est un sous-ensemble de U , alors U est un ensemble ouvert ;

52. Tietze fait ici référence aux axiomes de voisinages de Hausdorff.

53. In der Gesamtheit aller Umgebungssysteme eines topologischen Raumes, d. h. aller mit ei- nem System gleichwertigen Systeme ist eines ausgezeichnet: das System aller offenen Mengen, jede derselben als Umgebung jedes ihrer Punkte genommen. Dies legt nahe, von vornherein von die- sem System von Umgebungen auszugehen. Wie alle anderen Systeme genügt natürlich auch dieses den Forderungen (A), (B), (C), (D). Es ist aber nicht schwer, die Frage nach besonderen, ver- schärften Forderungen zu beantworten, derart, daß einerseits diesen Forderungen jedes aus allen offenen Mengen M eines topologischen Raumes bestehende System genügt und daß andererseits jedes System von Teilmengen einer Menge M , das diesen Forderungen genügt, gerade das System aller offenen Mengen eines aus den Punkten von R gebildeten topologischen Raumes ist.

(D◦) Pour toute paire de points x, y distincts, il existe deux ensembles ouverts disjoints tel que l’un contient x et l’autre contient y.

Compte tenu que l’article s’ouvre sur un rappel de la définition d’espace topo- logique formulée par Hausdorff, une telle définition soulève évidemment la question de la comparaison de ces deux systèmes d’axiomes. Tietze montre que les axiomes de Hausdorff et les siens donnent lieu à un concept d’espace topologique équivalent. D’une part, les ouverts définis en termes de voisinages d’un espace topologique satisfont les axiomes (A◦), (B◦), (C◦) et (D◦). Tout espace topologique au sens de Hausdorff en est donc également un au sens de Tietze. D’autre part, soit un sys- tème de sous-ensembles satisfaisant les axiomes (A◦), (B◦), (C◦) et (D◦), c’est-à-dire les ouverts de l’espace topologique. Étant donné un point x, un voisinage U (x) se définit en prenant tous les ouverts O tels que x ∈ O. Ces voisinages satisfont les axiomes (A), (B), (C) et (D). Conséquemment, tout espace topologique au sens de Tietze en est également un au sens de Hausdorff.

Comparativement à ceux de Hausdorff et Vietoris, les axiomes de Tietze ont l’avantage de déterminer, non pas des bases de voisinages ouverts, mais des topolo- gies. Il en est ainsi à cause du glissement qu’ils marquent quant au rôle des points dans la théorisation de l’espace. Les points sont certes toujours présents dans l’axio- matisation de Tietze, mais ils perdent de leur importance au profit des ouverts de l’espace. La structure de l’espace n’est pas tant déterminée par les propriétés des points que par celles des ouverts et d’au moins une opération algébrique — l’inter- section — sur ceux-ci.

De plus, Tietze comprend qu’une des principales différences entre les différentes axiomatisations proposées par le passé relève d’axiomes de séparation différents. Dans la deuxième section de « Beiträge zur allgemeinen Topologie », il examine quatre axiomes de séparation. Par exemple, le troisième axiome de séparation affirme que si M , N sont deux ensembles ouverts tels que la somme de M et N est égale à l’espace au complet, c’est-à-dire M ∪ N = R, alors il existe deux ensembles ouverts disjoints M1, N1 tels que M ∪ M1 = R et N ∪ N1 = R. Par le fait même, il

met clairement en évidence le caractère accessoire des axiomes de séparation dans une caractérisation générale du concept d’espace topologique. Encore une fois, il s’agit d’une conséquence de l’emphase mise sur les ouverts au détriment des points. Comparativement à Hausdorff pour qui la structure de l’espace dépend des points de son ensemble sous-jacent, il n’est pas nécessaire de pouvoir distinguer les points les uns des autres pour Tietze.

À la lumière de ces considérations, la principale contribution de Tietze au déve- loppement du concept d’espace topologique tient à ce que son axiomatisation fut à l’origine d’une transition vers une conception dont la notion fondamentale est celle d’ouvert.

1.1.4.4 Alexandroff : l’axiomatisation définitive

La définition axiomatique définitive du concept d’espace topologique en termes d’ouverts sera formulée par le mathématicien russe Pavel S. Alexandroff dans un article de 1925 intitulé « Zur Begründung der n-dimensionalen mengentheoretischen Topologie » [Alexandroff 1925]54. Ironiquement, l’objectif de cet article est de démon- trer que, sous certaines conditions, tout espace topologique à n dimensions est homéomorphe à un simplexe euclidien à n dimensions et a probablement plus à voir avec la topologie combinatoire qu’avec la topologie générale55.

Définition 1.1.4.3 (Alexandroff 1925). Un espace topologique est un ensemble X muni de certains sous-ensembles, appelés ouverts, tel que les conditions suivantes sont satisfaites :

(1) L’intersection de deux ouverts et l’union d’un nombre arbitraire d’ouverts est un ouvert ;

(2) Pour toute paire de points distincts, il existe toujours deux ouverts disjoints qui contiennent respectivement ces deux points.

La définition d’Alexandroff décrit entièrement une topologie comme une struc- ture sur les sous-ensembles de l’espace, structure qui est saisie en considérant ses ouverts. D’ailleurs, le premier axiome reprend deux propriétés des espaces topo- logiques que les axiomatisations précédentes permettaient de démontrer. De plus, Alexandroff élimine complètement les points de la définition axiomatique du concept d’espace topologique de telle sorte qu’elle ne se base désormais que sur le système des ouverts.

À vrai dire, la définition d’Alexandroff contient un axiome de séparation et n’est donc pas totalement générale. Alexandroff souligne d’ailleurs que parce que tout voisinage est un ouvert, sa définition est essentiellement équivalente à celle de Hausdorff : « En regardant tout voisinage d’un point ξ comme inclus dans un ouvert, nous revenons, pour l’essentiel, à la définition originelle de Hausdorff qui, en vertu des explications de Tietze, est ici considérée équivalente56. » [1925, p. 298] Il importe d’insister que cette équivalence est exclusivement extensionnelle : les espaces relevant des définitions respectives de Hausdorff et d’Alexandroff sont les mêmes. Cette équi- valence ne doit toutefois pas masquer le glissement conceptuel fondamental quant au rôle des points dans l’axiomatisation du concept d’espace topologique qui sépare les théorisations de Hausdorff et de Alexandroff.

54. C’est du moins ce qu’affirme Alexandroff dans son manuel Einführung in die Mengenlehre und in die allgemeine Topologie. Voir Alexandroff [1984, p. 95].

55. Compte tenu du flottement qui entoura longtemps la notion, il est intéressant de souligner qu’Alexandroff ne précise pas ce qu’il entend par « homéomorphe ». La section 1.2 fera état de l’évolution de la notion d’homéomorphisme. À ce sujet, voir aussi Moore [2007].

56. Indem wir als Umgebung eines Punktes ξ ein jedes ihn enthaltendes Gebiet betrachten, kehren wir, im wesentlichen, zu der ursprünglichen Hausdorffschen Definition zurück, die mit der hier gegebenen, von Tietze herrührenden Erklärung unmittelbar äquivalent ist.

1.2

La topologie combinatoire

Le concept d’espace topologique et la topologie générale découlèrent d’une inter- prétation ensembliste des Mannigfaltigkeiten de Riemann. Selon celle-ci, un espace est un ensemble de points. Parallèlement à cette avenue de recherche, une inter- prétation d’inspiration géométrique de ces mêmes Mannigfaltigkeiten conduisit à une toute autre forme de topologie — la topologie combinatoire — qui appréhenda l’espace d’une toute autre manière. En effet, la topologie combinatoire adopta une conception diamétralement opposée selon laquelle ce n’est pas l’espace qui est déter- miné par ses points, mais bien ceux-ci qui le sont par l’espace.

Historiquement, la pertinence de recourir à la topologie pour étudier les surfaces, les polyèdres et, plus généralement, les Mannigfaltigkeiten ne s’imposa définitivement qu’au tournant des années 1860, principalement sous l’influence de Listing.

Dès 1847, dans son ouvrage Vorstudien zur Topologie, Listing décrit la topologie comme une géométrie qualitative, c’est-à-dire une géométrie s’intéressant aux ques- tions de position et d’ordre par opposition à une géométrie mettant l’emphase sur les relations métriques et les grandeurs.

By topology we mean the doctrine of the modal features of spatial objects, or of the laws of connection, of relative position and of succession of points, lines, surfaces, bodies and their parts or their aggregates in space, always without regards to matters of measure or quantity. [J. B. Listing, Vorstudien zur Topo- logie, p. 817 cité par Breitenberger 1999, p. 916]

En 1861, Listing s’intéressa à son tour au théorème de Euler dans Census oder Verallgemeinerung des Euler’schen Satzes von den Polyedern. Tel que vu dans l’in- troduction, l’approche standard consistait à voir les contre-exemples au théorème de Euler comme des monstres et donc à limiter le domaine d’application de la for- mule de manière à en empêcher la construction. Selon Listing, les contre-exemples mettaient plutôt en lumière les limitations inhérentes au concept de polyèdre à la base du théorème et, par le fait même, la nécessité d’en rechercher un plus général. Listing considère des complexes spatiaux qu’il définit comme suit :

Par complexe spatial, nous entendrons toute configuration de points, de