tique propre à l'enfance, Dans son Traité cle
thérapeutique
infantile, Legendre a dit : « L'important est de discerner, parmi les médications à remplir, celles qui sont capitales de
celles qui sont secondaires. » Là esttout
le
secret d'une bonne thérapeutique; l'indication capitale, eneffet,
chez les enfants,n'est pas toujours celle qui domine le tableau clinique; il faut
savoir la rechercher dans des phénomènes à côté, qui sont
souvent la raison dominante de la manifestation clinique à laquelle on assiste.
Des exemples vont nous permettre de rendre plus claire¬
ment notre pensée. Voici deux malades, l'un adulte, l'autre enfant, atteints tous deux de diarrhée. L'indication thérapeu¬
tique est-elle la même, dans la généralité des cas, chez
l'un
et chez l'autre? Évidemment non. La diarrhée est très rare¬
ment un symptôme utile chez l'adulte : il faudra donc songer
à la faire disparaître le plus vite possible; à cet effet, on
lui
donnera de l'opium ou du bismuth. Croyez-vous qu'il
soit
sage d'agir de même chez l'enfant et de lancer dans son orga¬
nisme des substances qui lui sont aussi préjudiciables que l'opium et le bismuth? Non; l'indication, chez lui, n'est pas
d'arrêter cette diarrhée, mais de la modifier. Et pour
cela,
c'est à un purgatif léger, suivi d'un peu de
calomel à doses
fractionnées, que l'on pourra avoir recours; par ce moyen,on enrayera l'infection intestinale causale, et
la diarrhée
disparaîtra.
Voici encore deux sujets porteurs tous deux
(adulte et
enfant) d'une broncho-pneumonie. Chez l'adulte,dans la
majorité des cas, les manifestations cliniques à
modifier
seront la lésion locale et l'infection concomitante, d'où
révul¬
sion d'une part, et lavage de l'organisme d'autre part.
Chez
l'enfant, il n'en est plus de même : ou bien la
broncho-pneu¬
monie sera nettement localisée à l'appareil respiratoire,
d'où
l'indication de parer par des révulsifs, des
bains, des toni¬
ques, à l'asphyxie prochaine; ou, au contraire,
la broncho¬
pneumonie ne sera qu'un phénomène à côté, au cours
d'une
intoxicationintestinale par exemple, si bien que
les troubles
gastriques, legrosventre, les convulsions,
dominerontla scène,
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et la lésion broncho-pulmonaire passera inaperçue. Et alors,
c'est par le traitement d'une gastro-entérite qu'on viendra à
boutd'une broncho-pneumonie. Notre observation I en cons¬
titue un très beau cas.
Pour terminer l'énumération de ces exemples, qu'il serait
facile de multiplier, prenons la rougeole, maladie commune à
l'adulte et à l'enfant. Chez le premier, la thérapeutique devra
tendre à amener une résolution rapide de cette fièvre érup-tive; chez l'enfant, elle devra, en outre, mettre l'organisme en état de défense contre les nombreuses infections secondaires
qui l'accompagnent chez lui. La rougeole, en effet, n'a d'im¬
portance dans le bas âge que par les complications qui en sont
la suite fréquente. Il en est rarement de même chez l'adulte.
Ces quelques faits rapidement exposés montrent qu'il y a deux façons de comprendre la thérapeutique suivant l'orga¬
nisme qui est enjeu. Dans les observations quivont suivre, la
démonstration de cette vérité apparaîtra encore plus claire¬
ment. Ces observations ont été recueillies par nous pendant
l'année d'internat que nous avons passée aux côtés de notre maître, M. le Dr Saint-Philippe, à l'Hôpital des Enfants.
Quelques-unes d'entre elles lui sont personnelles : c'est à
son obligeance que nous les devons. Toutes ont été résu¬
mées et ne relatent que les points qui ont trait à notre travail.
Observation I
Èroncho-pneumonie d'origine gastro-intestinale.
tlne fillette de dix-huit mois est présentée par sa mère à la con¬
sultation de l'Hôpital des Enfants. Celle-ci déclare que son enfant
traînedepuis quelquesjours déjà, et qu'àlasuite d'une diarrhée légère,
elle a*téprisedephénomènes de dyspnée, d'unetouxopiniâtreetqu'elle
a une or*e fièvre.
Interrogée, la mère nous apprend que son enfant est née à terme, qu'elle a eu une première enfance assez heureuse, qu'elle a percéses premières dents sans difficulté spéciale. Sevrée à quatorze mois, sa nourriture depuis cette époque a consisté en soupes légères, panades,
purées et lait stérilisé. A l'occasion d'un écart de régime, il y a huit
jours, elle a présenté destroubles digestifs (perte del'appétit, vomisse¬
ments,diarrhée profuse).Cestroubless'apaisèrent, pourfaire place aux phénomènes qui conduisent cette enfant à la consultation. Elle a été
vue deuxjoursavant par un médecin,qui prescrivit de la quinine etun vésicatoire. L'état de l'enfant s'aggravant, la mère l'amène à l'hôpital.
Examen au 18 février. — Nous nous trouvons en présence d'une
fillette offrantun aspectgénéral qui indique qu'en dehors de sa maladie actuelle, elle a été sagementalimentée.
Aujourd'hui, sa figure estcrispée, les yeux sont excavés, la face est cyanosée. Lesailes du nez sont animées de battements. La bouche est pâteuse, la langueest sale, fortement chargée.
Le thorax estle siège d'un tirage sus-sternal etépigastrique. La peau estchaude. T. 39°,8. La respirationest à 70. A lapercussion, on cons¬
tate une submatité étendue à tout le côté gauche. L'auscultation donne
dece même côté troisfoyers de râles sous-crépitants avec souffle léger.
A droite, râlesde bronchite.
Lecœurest affolé, le pouls incomptable.
Diagnostic: Broncho-pneumonie d'originegastro-intestinale.
Traitement: Suppression de laquinine. Bains à33°,progressivement
refroidisjusqu'à 28°. Purgatifà l'huile de ricin. Bégime lactéabsolu.
19 février. — La dyspnée a diminué. Pœspiration à 56. T. 38°,6.
Le pouls est moins rapide. Auscultation indique la persistance des
foyers d'induration. Les bains sontcontinués, et larévulsion prescrite à
l'aide de largescataplasmes sinapisés, la surface encore àvif du
vésica-catoireprécédemment placé ayantété protégée.
20février.— L'état général est très satisfaisant. L'enfant suit d'un
œil intéressé les gestes que l'on fait devant lui. La dyspnée est peu marquée. T. 38°. Un des foyers d'induration a disparu. Le souffledes
deux autres est devenudoux, filé.
Les jours suivants, les bains ayant été supprimés depuis le 20,on prescrivitpm peu de benzoate de soude et de caféine,la température
ayant cédé, et le 25 février, c'est-à-dire septjours après le début de sa broncho-pneumonie, l'enfant entraiten convalescence.
Pourquoi, chez celte fillette, la quinine et la révulsion,
trai¬
tementrationnel dans un casdebroncho-pneumoniede
l'adulte,
ont-elles échoué? C'est que l'indication dominante chez
elle
n'était pas d'abaisserla température et de diminuer
la
conges¬tion du poumon, mais bien de combattre l'intoxication
intesti¬
nale et d'ouvrir les voies d'élimination. Pour cela, quelques bains, agissant sur la peau et la circulation
périphérique,
un— 49
-purgatif léger désinfectant le tube digestif, le régime lacté,
ouvrant les reins, ont suffi. Et alors il a été facile d'agir sur la lésion locale et d'amener la régression des phénomènes
d'infection.
Observation II Urémie scarlatineuse.
Étant de garde un dimanche à l'hôpital, nous sommes appelé à la porte auprès d'une enfant qu'on nous dit avoir perdu connaissance depuis deuxoutrois heures environ.
Nous nous trouvons en présence d'une fillette de trois ans et demi, dans le coma le plus absolu.
L'examen nous montre une enfant bien développée. Le corps, en résolution complète, est agité devant nous par instants de convulsions partielles. La face est crispée, les yeux convulsés. La respiration est stertoreuse, saccadée, affectant parfois le type de Cheyne-Stokes. La
peau est froide, couverte de sueurs; par places, nous relevons une
desquamation en lambeaux très nette. Le pouls est petit, serré. La
mère nous apprend que son enfant, qui était souffrante depuis trois
semaines environ, — elleavait été très rouge, comme un homard, nous
dit-elle, — se plaignait depuis quelques jours de troubles vagues du
côté de la tète, des yeux. N'ayant pas jugé à propos de faire soigner
encore son enfant, elle attendit. Enfin, la veille, le samedi, les maux de tèteaugmentèrent, les urines se firent rares etunediarrhée intense
se montra. Un médecin, appelé dans la soirée, prescrivit une potion
avec de l'élixir parégorique. L'enfant en prit deux cuillerées dans la
nuitetle reste dans la matinée du dimanche. Vers dix heures, elle fut agitée de secousses convulsives, et tombait de suite dans le coma où
nous la trouvons.
Les renseignements donnés par la mère nous ayant éclairé, nous
sondons la fillette pour avoir un peu d'urine, dans laquelle une analyse rapide signale de grandes quantités d'albumine. Le diagnostic était fait : il s'agissait d'urémie scarlatineuse.
L'enfant est immédiatement plongée dans un bain sinapisé à 34°.
Lne injection de caféine lui est. faite.
bans la soirée, elle sortait péniblement de son coma, et, grâce au
régimelacté institué de suite, était amélioréequelques jours après...
Voilà une observation typique dans laquelle la suppression
d'un symptôme pourtant bienfaisant avait paru au praticien
quintrie. 4
appelé auprès de cette enfant
l'indication thérapeutique à
poursuivre. Il suffisait
cependant d'interroger la mère
pour apprendre d'elle ledébut de la maladie,
sonmode d'évolu¬
tion, en déduire la cause de cette