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EVALUER DES RECITS DE CRISE PAR LA FORMALISATION DES DYNAMIQUES DE VEGETATION :

CHAPITRE 2.1 Des modèles biogéographiques pour repenser la "crise"

6- Depuis votre arrivée dans l'établissement, avez-

vous noté des changements dans la végétation ?

Tableau II.5 - Synthèse du guide d'entretien

Une série d'informations était déjà acquise par observations et conversations informelles dans l'exploitation lors de la campagne de terrain. Au moment de l'enquête, on y a déjà passé environ dix jours : lors de la prise de contact, puis lors du travail de relevés. L'entretien devait

donc d'une part confirmer certaines informations notées au hasard de ces jours, mais également apporter une l'information neuve et la plus précise possible en termes de pratiques, dates, lieux : une grande partie des questions devaient donc être "fermées". Mais vu les forts contrastes hiérarchiques, de fonction, et de connaissance des lieux des personnes travaillant dans l'établissement, on ne pouvait préparer un questionnaire fermé qui soit le même pour tous ; un tel type de questionnaire aurait également eu comme défaut de fortement limiter l'apparition de nouvelle information. On a alors opté pour un "guide d'entretien" (Beaud et Weber, 2003) formé de questions très ouvertes permettant cette apparition de nouvelle information291. Des thèmes de relance ou de précision étaient systématiquement prévus au cas où certaines informations capitales n'apparaissaient pas au cours de la conversation (voir annexe II.7 ). Six grandes questions ont donc été posées à chaque enquêté, qui sont présentées ci-dessous. Pour chaque établissement, on a systématiquement cherché à obtenir deux entretiens de personnes occupant des fonctions différentes, de façon individuelle. Cela n'a pas été possible dans les trois établissements où un seul homme travaillait. Enfin, deux établissements n'ont pu être enquêtés292.

Le protocole de l'entretien a été bâti de façon à jouer constamment entre la présentation de nos recherches (travail de terrain et cartographie) aux enquêtés, et le questionnement des acteurs. Afin de fausser au minimum la qualité de l'information recueillie, l'entretien se déroule en trois

parties clairement distinguées : (1) Présentation de la carte de végétation 2004 : ce document

cartographie au 1/20.000 les unités de végétation, et possède une légende rédigée en castillan, en termes vernaculaires répandus dans la campagne uruguayenne. Cette phase permet de faire comprendre le travail antérieur de terrain, durant laquelle les personnes interrogées nous ont vus faire des relevés et parcourir l'établissement. La qualité de cette phase dépend d'une part de la clarté de notre exposition, qui doit mettre en place un vocabulaire d'échange (taxonomie végétale) fluide, et d'autre part du soin à ne pas entrer d'emblée dans des considérations de changement de la végétation. (2) Phase de questions : durant cette phase, l'évocation des formations arborescentes ne doit être que très discrète, afin de ne pas biaiser les réponses de l'enquêté. L'évaluation de l'interaction pratiques-végétation sera le résultat de l'analyse postérieure de l'entretien. Ce n'est qu'à la fin de cette phase que l'on interroge la personne sur ce qu'elle pense des changements de végétation opérés dans la propriété depuis qu'elle y réside. (3) Présentation

des résultats de l'étude de l'évolution de la végétation 1966-2004 et confrontation entre ces

résultats et la perception de la personne interrogée : on explique la construction des cartes et des méthodes d'analyse, si nécessaire en s'appuyant sur les couvertures aériennes. Si les interprétations cartographiques corroborent pleinement les affirmations antérieures de l'enquêté quant aux changements de végétation, on tente seulement d'affiner l'interprétation des facteurs. Si

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Une façon de définir le guide utilisé est de le comparer à ce que ces auteurs appellent une "enquête ethnographique". Le milieu enquêté est bien un "milieu d'interconnaissance", "ensemble de personnes qui disposent, les unes sur les autres, d'un certain nombre d'informations nominales". Mais cette situation intéresse principalement par les possibilités de croisement des informations recueillies qu'elle permet, pas pour élaborer une analyse du système d'acteurs dans des établissements de quelques personnes. La "réflexivité ou l'auto-analyse" a également été un principe directeur pour mener les entretiens. Selon Beaud & Weber, il s'agit de "rapporter l'enquête à ses conditions sociales de possibilité", c'est à dire refuser un cadre trop strict, un guide trop rigide, pour "s'adapter au cadre de l'interaction". Pour l'interprétation des résultats, l'évaluation des conditions dans lesquelles a été mené un entretien est essentielle pour juger de sa qualité. La différence fondamentale réside dans le temps consacré à l'observation directe (environ 15 jours en tout). L'exigence de longue durée, propre à l'enquête ethnographique, n'a donc pu être tenue du fait du nombre de zones retenues et de leur éloignement : l'essentiel était de toute façon de déterminer quelques grandes lignes interprétatives.

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L'un a fait faillite entre la campagne de terrain et le retour pour enquête. L'autre a refusé l'entretien.

on note des divergences, on s'intéresse particulièrement à elles en tentant de déterminer les causes de la divergence : mode de photo-interprétation, typologie adoptée, mémoire de l'enquêté ?

2.1.1 - Les bases d'une analyse régressive des paysages : statut dynamique des espèces et grands agencements de la végétation

L'objet de ce premier paragraphe est de mettre en place une série d'outils qui n'existent pas actuellement dans la région, pour permettre l'interprétation ultérieure des dynamiques observées.

Une esquisse de classification des espèces arbustives et arborescentes selon leur comportement dynamique

Le dynamisme des espèces ligneuses a fait l'objet de très peu d'études spécifiques en Uruguay (Gautreau, 2003)293. Il est fondamental de connaître le statut dynamique de ces espèces, tant pour l'interprétation de ce qu'on observe actuellement que pour mieux comprendre les documents historiques. En l'absence de travaux menés sur de longues périodes, qui puissent nous assurer de conclusions solides, quelle méthode adopter ? La référence au système de classification de Rameau (1991.a)294 est commode, mais à condition de ne pas penser qu'en Uruguay, les dynamiques mènent invariablement à la formation de forêt en absence de perturbation. Les buissonnaies, par exemple, sont toujours présentées en France comme des stades intermédiaires dans les successions menant au développement de la forêt. En Uruguay, dans l'état actuel des connaissances, on ne peut affirmer une telle chose : de nombreuses zones sont embuissonnées depuis plusieurs années sans qu'on y observe pour autant des signes tangibles d'une facilitation d'implantation d'espèces forestières. Cette précaution mise à part, le système Rameau est valable dans la mesure où on travaille dans des aires où la forêt est présente, preuve que le stade forestier, dans certaines conditions, peut être atteint.

La méthode retenue a été de traiter les 473 placettes de relevés cumulées au cours des travaux de terrain, dans les sept secteurs d'étude. Pour chaque espèce retenue, on analyse l'ensemble des placettes où elle apparaît. Dans ce groupe, on met en relation l'expression spatiale de l'espèce (son taux de recouvrement) avec le type d'unité de végétation auquel appartiennent les placettes. Les graphiques obtenus donnent un profil d'expression préférentielle de l'espèce : on identifie ainsi dans quel type d'unité elle possède les plus forts taux de recouvrement, son amplitude d'apparition. La plus grande prudence doit cependant être de mise au moment de formuler des conclusions, car on ne doit pas confondre une disposition statistique dans l'espace

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Deux travaux récents ont amorcé cette étude dans le cadre d'analyses à perspective sylvicole : Grela, 2004 ; Costa Ayre & Delgado Garbarino, 2001. Ces travaux procèdent par approche synchronique, comparant, pour une même forêt, des placettes coupées quelques années auparavant et des placettes n'ayant pas été bûcheronnées.

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Rameau distingue les espèces ligneuses en fonction de leur comportement en quatre classes. Pionnières : espèces héliophiles, frugales, à très grande fécondité (stratégie “r”), anémochores (en Europe). Croissance rapide, taille réduite à moyenne, bois tendre, faible longévité. Elles répondent à un modèle de facilitation, et sont colonisatrices d’espaces ouverts. Exemple de genres européens : Betula, Salix,Populus, Alnus, Laburnum. Postpionnières : espèces héliophiles et/ou de demi- ombre. Energie investie dans de grandes constructions et dans la longévité ; bois plus dur, croissance plus lente, stratégie de type “r” à “k”. Exemples de genres européens : Sorbus, Quercus, Prunus, Carpinus, Fraxinus, Acer,

Ulmus,Tilia,Pinus,Larix. Dryades : espèces à grande longévité, grandes constructions, stratégie plus proche du type “k”.

Espèces d’ombre ou de lumière tamisée dans leur jeune âge. Exemples de genres européens : Fagus, Picea, Abies. Nomades : espèces opportunistes pouvant jouer le rôle de pionnières.

avec un comportement dynamique. Ce type d'approche permet d'avancer des hypothèses, pas de démontrer certains processus (facilitation notamment), qui fondent une classification dynamique assurée. Une fois établie cette pré-classification, on la compare espèce par espèce à la littérature disponible (voire annexe II.11). Bien que généralement non étayées par un protocole décrit, les mentions portées dans divers ouvrages confortent ou infirment nos conclusions. On peut donc distinguer les espèces pour lesquelles on est le plus sûr, de celles qui méritent une étude supplémentaire. L'analyse est réalisée en séparant le régions les unes de autres, ce qui permet de réaliser une vérification supplémentaire. Une même espèce peut avoir un comportement dynamique différent selon les régions et il faut alors déterminer les raisons de cette divergence : est-elle due à des différences de position géographique, de type de milieu, ou simplement de relevé par placettes ? Cette thèse ne constituant pas un travail de phyto-dynamique à part entière, on ne développera pas dans ce paragraphe la discussion pour l'ensemble des espèces. A partir de la pré-classification obtenue, on discutera les résultats au cas par cas, dans le corps même des analyses postérieures, au fur et à mesure que certains espèces poseront question.

Les résultats complets de ce travail, pour 49 espèces ligneuses, sont présentés à l'annexe II.10, et leur interprétation résumée dans le tableau II.6. Pour chacune des deux régions (sierras, Río Uruguay) et du secteur additionnel (Potrerillo de Santa Teresa), on n'a retenu que les espèces apparaissant plus de 10 fois295. Pour les Sierras et Potrerillo de Santa Teresa, la hauteur de la placette est la variable la plus indiquée pour définir l'unité de végétation à laquelle appartient la placette296. On indique comme hauteur la taille de la plus haute strate dont le taux de recouvrement est supérieur ou égal à 10% (un recouvrement inférieur peut être dû au hasard, ou à un arbre très isolé, et fausser les données). Pour le Río Uruguay, il est apparu que 84% des placettes relevées se situaient entre 4 et 8m de haut, la hauteur ne pouvant alors constituer un critère clair de différenciation des faciès. On a donc pris comme variable définissant l'unité de végétation, le taux maximal de recouvrement des strates supérieures à 4m : parmi les quatre strates pouvant dépasser les 4m (4-6 ; 6-8 ; 8-12 ; > 12m), on prend la valeur la plus forte. Ce critère, moins strict que celui utilisé pour les sierras, permet néammoins de différencier trois grandes unités de végétation297. Même si nous proposons une équivalence avec le système Rameau, nous avons préféré une classification particulière des espèces en six classes, dénuées de jugement dynamique : notre classification correspond à la lecture graphique de localisations préférentielles, dont l'interprétation dynamique doit encore être très prudente. On ajoute à ce tableau des données sur la spinescence et la capacité de rejet après une coupe ou un feu, caractères souvent essentiels pour mieux comprendre le comportement en contexte d'exploitation.

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Sierras : 165 placettes relevées sur trois 3 sites (42 espèces). Río Uruguay : 216 placettes relevées sur trois sites auxquelles s'ajoutent 66 placettes disposées dans l'ensemble de la vallée lors d'un voyage exploratoire en août 2003 (41 espèces). Potrerillo de Santa Teresa : 92 placettes (13 espèces). 14 espèces apparaissent dans au moins deux régions différentes.

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Hauteur < 2m : herbages ; 2-4m : buissonnaie ; 6m : matorral ou forêt basse ; 8-12m : forêt.

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Le taux de recouvrement maximal des strates supérieures à 4 mètres détermine l'ambiance de la placette : plus il est fort, plus la placette correspond à une unité de forêt continue, plus il est faible, plus elle appartient à de la forêt-parc très ouverte ou à de la buissonnaie. Les grandes unités sont les suivantes : taux de 0 à 10% : herbages ou buissonnaie ; 10 à 40% : forêt- parc ouverte ou matorral ; taux > 40 % : forêt-parc dense ou forêt continue.

Rejet

souche Spin.* TAXON COMPORTEMENT

Confirmation par la littérature Régions de relevé FS FP B OP OS SL Celtis iguanea S Chusquea sp. S Myrsine laetevirens P Ocotea acutifolia S Schaefferia argentinensis R Styrax leprosum NON S Zanthoxylum rhoifolia OUI S, R

Eugenia uruguayensis S,R

Celtis tala S,R

Eugenia uniflora S,R Sebastiania commersoniana OUI S,R Zanthoxylum hyemale NON S,P Allophylus edulis OUI S,R,P Hexachlamis edulis OUI R Myrcianthes cisplatensis S,R

Myrsine coriacea OUI S Scutia buxifolia OUI S,R,P Blepharocalyx salicifolius OUI S,R,P Schinus longifolius S,R,P Myrceugenia euosma S Schinus engleri S Schinus lentiscifolius S Xylosma tweedianum S,R Berberis laurina S,P Lithraea brasiliensis OUI S,P Myrrhinium atropurpureum S,R Acacia caven OUI R Baccharis punctulata R Colletia paradoxa OUI S,P Dodonaea viscosa OUI S Iodina rhombifolia OUI R Prosopis sp. OUI R Verbesina subcordata R Baccharis trimera S,R,P Eupatorium buniifolium OUI S,R,P Acacia bonariensis OUI R

Aloysia gratissima R

Aspidosperma queb.- blanco R Baccharidastrum triplinervium R Baccharis articulata S Baccharis dracunculifolia S,R Baccharis spicata P Celtis pallida R Heterothalamus alienus S Radkolferotoma cistifolium S Trixis praestans R Daphnopsis racemosa S,P Ligustrum lucidum R Melia azedarach R Dryades Nomades Post-Pionnières Equivalence proposée avec la

classification de Rameau (1991)

Pionnières

Tableau II.6 - Classification de 49 espèces ligneuses en fonction de leur localisation préférentielle

Noms d'espèces : en negrita sont indiqués les arbres, en police normale les arbustes. Rejet de souche - Trame sombre :

espèces dont le rejet de souche est confirmé par la littérature ou des observations personnelles. Trame claire : espèces qui rejettent de souche, mais pour lesquelles on ne possède pas de registre personnel ou de références. Spin. : spinescence.

Régions de relevé : S - Sierras ; R - Río Uruguay ; P - Potrerillo de Santa Teresa (côte Atlantique).

Les espèces à localisation forestière stricte (FS) : elles n'apparaissent pas dans les

formations basses et ouvertes, ou y sont tout au plus présentes (taux de 1%) sans s'y développer. Pour les sierras et Potrerillo de Santa Teresa, on considère comme espèces "FS" celles qui n'ont un taux de recouvrement supérieur à 5% que dans le unités de plus de 6 mètres de haut ; pour le Río Uruguay, que dans les unités de taux supérieurs à 30%. On note la rareté des espèces forestières strictes dans le tableau ci-dessous (6 seulement sont classées uniquement comme telles). Les espèces à localisation préférentielle en forêt (FP) : elle s'expriment le mieux dans les unités forestières, mais apparaissent également, avec un faible taux de recouvrement, dans les formations plus basses (le nuage de points est déporté vers la droite). Les espèces de bordure (B) : la disposition en cloche du nuage de points indique une localisation préférentielle dans les unités intermédiaires, déjà très ligneuses, mais pas totalement fermées. Ces espèces n'apparaissent pas dans les unités extrêmes. Pour les sierras et Potrerillo de Santa Teresa, l'amplitude d'apparition se situe entre 1 et 6 mètres de hauteur, entre 30 et 60% pour le Río Uruguay. Les espèces à

localisation préférentielle en zones ouvertes (OP) : elles s'expriment mieux dans les formations

basses et ouvertes, mais ont un large spectre d'apparition jusque dans des unités forestières (le nuage de points est déporté vers la gauche). Les espèces à localisation stricte en zones ouvertes

(OS) : elles disparaissent dans les formations hautes et fermées. Ce sont pour l'essentiel des

asteracées (genres Baccharis, Baccharidastrum, Eupatorium, Radkolferotoma, Trixis), qui se singularisent par leur absence de spinescence, remarquable dans la région. Elle sont toutes de port buissonnant, à l'exception d'Aspidosperma quebracho-blanco. Espèces à spectre large (SL) : espèces dont l'expression varie peu en fonction de l'unité de végétation dans laquelle elles sont présentes, et qui apparaissent partout. On y trouve Daphnopsis racemosa, sub-arbuste atteignant rarement plus de 2 m, qui abonde tant dans le sous-bois des zones de sierras que dans les herbages, sous forme de buissons en boule à plusieurs individus. Les deux autres espèces sont des arbres exotiques à fort pouvoir de dispersion, qui colonisent actuellement (selon les témoignages des ruraux) de nombreuses zones de la vallée de l'Uruguay.

Au terme de cette classification provisoire, on peut tout d'abord remarquer la part majoritaire des espèces à large amplitude d'expression : sur 49 espèces, seules 20 sont strictement cantonnées à une position298. Les 29 autres sont soit des espèces à spectre large, soit classées comme "préférentielles" (forestières ou de zones basses), et dans plusieurs cas (14 sur 29), leur classement diverge selon les régions. Cette situation indiquerait que dans nos secteurs d'étude, les espèces les plus fréquentes sont pour l'essentiel des pionnières, post-pionnières ou nomades, selon la terminologie de Rameau : comment expliquer alors la présence de ces forêts… sans espèces forestières ?

Le traitement d'images satellites recouvrant nos secteurs d'études permet également de poser quelques jalons cartographiques sur l'agencement des grands types de formations végétales. Les cartes obtenues sont présentées sur la carte hors-texte, tandis que les traitements réalisés et les commentaires sont détaillés à l'annexe 0.2.

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6 espèces "FS", 3 espèces de bordure, 11 espèces "OS".

Figure II.5 - Deux exemples de graphe pour l'identification du comportement dynamique des espèces

2.1.2 - L'évolution de la végétation ligneuse entre 1966 et 2004 dans les sierras : un modèle d'expansion par nucléation : une forte progression ligneuse, plus ou moins accentuée selon les secteurs et les parcs

Les secteurs de sierra retenus pour l'étude présentent tous, bien que selon des modalités différentes, de fortes dynamiques ligneuses d'expansion : globalement, on observe à l'échelle des 40 dernières années une tendance à l'extension des surfaces, et/ou à leur densification, ce qui contredit les arguments majeurs du récit N°4, selon lequel les pratiques rurales causent une dégradation forestière. Ce processus, et c'est ce qui donnera lieu à des questionnements en troisième partie, a lieu sans abandon pastoral : bétail et mises à feu du tapis se sont maintenus et se maintiennent dans les établissements.

Les unités de végétation définies à l'échelle du 1/20.000e

Les unités de végétation des secteurs de sierra ont été définies, selon la méthodologie précédemment évoquée, par adaptation aux contraintes de la photographie aérienne au 1/20.000e. Une observation préalable des photographies avait montré l'importance des phénomènes de nucléation dans les secteurs de sierra299. A l'échelle des 40 dernières années, avec les processus de front (mobilité des lisières), ils constituent un des processus essentiels de la dynamique des

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La nucléation est un phénomène observé également dans les campos des alentours de Porto Alegre (Rio Grande do Sul, Brésil), par Forneck et al. (2003) et Müller (2005).

arbres, tandis que les dynamiques des buissonnaies apparaissent généralement sous forme de nappes. On observe ainsi entre les deux dates la densification de zones d'arbres isolés ou de micro-îlots300. Les figures II.6 et II.7 ci-dessous présentent en exemple quelques stations correspondant aux unités définies, et le tableau II.7 résume leurs caractéristiques.

Tableau II.7 - Caractéristiques et mode de détermination des principales unités de végétation des secteurs de sierra

Tapis bas : la végétation de cette unité reste généralement en deçà des 50 cm, sans dépasser les

1.5 m. Elle présente un aspect continu sur la photographie aérienne301, et couvre entre 30 et 90% du sol. Lorsque le tapis herbacé recouvre moins de 30% du sol, il n'est plus visible photographiquement, et on classe la zone en roche nue. Le principal inconvénient est l'impossibilité de discriminer les formations basses (< 50cm) à graminées prostrées, des formations en touffe de pajonal à Erianthus angustifolius. Cette graminée, qui peut atteindre 1 à 2 m de hauteur, est un vecteur essentiel du feu en secteur de sierra, mais on ne peut cependant la distinguer clairement des autres faciès de tapis bas. Buissonnaie : elle ne dépasse pas les 4m de hauteur. En deçà de 1m, on parlera de fruticée naine, ce type de faciès étant rare302. Le taux de recouvrement de la strate supérieure peut atteindre 80%, cette unité restant généralement ouverte (taux de 50-60%) et pénétrable par le bétail. En-dessous de 30% de recouvrement, on ne distingue plus les buissons sur photographie aérienne, et on classe la zone en tapis bas. On regroupe sous ce nom les rares faciès ligneux monospécifiques de la région, formés par des composées arbustives (Heterotalamus alienus, Baccharis dracunculifolia, Baccharis articulata…), ou une sapindacée pantropicale, Dodonaea viscosa. Les buissonnaies forment soit des ourlets de quelques mètres