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23Depuis les années 1970, cette logique

de « pantouflage administratif » en forme de couronnement d’une carrière ingrate effectuée dans l’enseignement a engendré l’organisation macrocéphale et portée sur le dilettantisme qui est tant décriée aujourd’hui (Oliart, 2011).

Obscurs, les critères d’ascension pro-fessionnelle sont, de surcroît, laissés à l’appréciation discrétionnaire des cadres de l’institution. Arrivés à leurs postes en même temps que le ministre qui les a désignés et dont ils deviennent les obligés, ces derniers touchent des salaires relativement élevés – longtemps financés à partir des fonds alloués par les créanciers internationaux –, mais dépendent de contrats précaires renou-velables chaque année.

Au-delà du fait que cette différence de statut entre fonctionnaires mal payés et cadres contractuels très bien rémunérés ne va pas sans créer des fric-tions internes, ces logiques clientélistes ont abouti à une « bureaucratie de pactes » (bureaucracy of pacts) profon-dément stérile. De fait, compte tenu de l’anémie politico-partisane d’une part (absence d’un programme politique cohérent à l’échelle nationale) et de l’instabilité gouvernementale d’autre part – les ministres sont révocables à tout moment –, le nouveau ministre de l’éducation tâche de faire ses preuves en conduisant, le plus rapidement possible et en toute indépendance, le projet qu’il a lui-même défini comme prioritaire. À cette fin, il s’entoure de ses partisans avec lesquels il noue, en quelque sorte, un pacte politico-admi-nistratif. Or, dès lors que le ministre est remplacé (en moyenne chaque année durant les présidences de Fujimori et de Toledo), le pacte est rompu et un nouveau projet prioritaire est lancé par l’intermédiaire d’une nouvelle équipe.

Malgré l’arrivée au pouvoir du gouver-nement de gauche incarné par Ollanta Humala (2011-2016), la traditionnelle cooptation politique a perduré. Le turn-over administratif demeure très important au sein du Minedu, ce qui n’est pas sans affecter la continuité de l’action publique. Au cours des huit dernières années, le Minedu a connu six ministres différents.

Par ailleurs, la culture institution-nelle est si singulière qu’il n’y a pas de transmission de savoir-faire entre deux administrations. En conséquence, les programmes éducatifs se répètent ou entrent en contradiction inlassable-ment. En substance et concernant les ressources humaines, la politiste déplore le défaut de sélection méritocratique des agents publics, l’irrationalité des processus d’ascension professionnelle ainsi que l’absence d’une classe de fonctionnaires de type intermédiaire qui, garante de la mémoire institutionnelle, aurait à charge de faire l’articulation entre la décision politique et l’exécution administrative.

Pour ce qui est du cadre légal, María Balarin regrette encore que les pro-cédures d’approbation soient sources d’embrouillaminis bureaucratiques, car très rigides et soumises à l’aval de plu-sieurs personnes qui constituent autant d’acteurs-veto (veto players). Cette difficile coordination s’avère d’au-tant plus exacerbée que le processus de régionalisation a débouché sur une armature juridico-institutionnelle inex-tricable : les doublons se multiplient et les responsabilités entre différents niveaux de gouvernement se téles-copent. L’inertie administrative trouve enfin son origine dans les problèmes de collaboration avec d’autres ministères.

Très concrètement, le ministère de l’éco-nomie et des finances (MEF) est

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vent accusé d’interférer, par défiance, en défaveur des initiatives les plus oné-reuses proposées par le Minedu. Dans un tel contexte, les politiques éducatives sont portées à ne rester que purement rhétoriques (Cuenca, 2012).

Les défis contemporains de l’éducation péruvienne

Au terme de ce rapide état des lieux, il nous semble que quatre défis s’imposent au système éducatif péruvien. Or, seul le troisième a été considéré dans le plan sectoriel pluriannuel d’éducation qui a fixé, en 2016, les grandes orientations stratégiques pour les cinq années à venir.

En premier lieu, la revalorisation de l’éducation publique ne peut se passer d’un investissement plus conséquent en sa faveur. Selon les chiffres de la Banque mondiale, le Pérou y consacre 3,9 % de son produit intérieur brut (PIB), contre 4,4 % en Colombie, 5 % au Chili et 5,2 % au Mexique, pour ne citer que ses trois partenaires commer-ciaux au sein de l’Alliance du Pacifique.

En second lieu, la régulation des structures d’enseignement privé constitue une condition sine qua non de l’amélioration de l’éducation péru-vienne. La prolifération de ces éta-blissements, sans cadre juridique clair ni contrôle de la part des autorités, contribue à miner la crédibilité de l’en-semble du système et porte préjudice aux familles les moins informées, les-quelles se retrouvent à s’endetter pour des formations dont la médiocrité n’a d’égale que leur coût abusif.

En troisième lieu, si le changement de perception à l’égard du métier d’ins-tituteur passe très certainement par un renforcement de la formation – tel que le prévoit le plan 2016-2021 –, il semble opportun que cette rééva-luation des exigences académiques

s’accompagne également d’une revalo-risation salariale et d’une amélioration des conditions de travail. Mieux payer les instituteurs permettrait, en toute logique, de juguler les comportements répréhensibles, ou tout du moins peu éthiques, auxquels se livrent certains.

Enfin, sur le plan institutionnel, le défi le plus important reste vraisem-blablement celui de la rationalisation du fonctionnement administratif.

L’introduction de dispositifs de sélec-tion méritocratique des agents publics doit permettre de dépolitiser le minis-tère, où la mémoire institutionnelle, reposant sur l’agrégation des savoir-faire individuels et collectifs acquis, se transmet moins qu’elle ne réini-tialise de manière perpétuelle. Sous cette optique, la continuité de l’action publique s’avère illusoire.

Damien Larrouqué, INAP-Université du Chili

Bibliographie

BALARIN M. (2016) : « La privatización por defecto y el surgimiento de las escuelas privadas de bajo costo en el Perú. ¿ Cuáles son sus consecuencias? », Revista de la Asociación de Sociología de la Educación-RASE, vol. 9, n° 2, p. 181-196.

CUENCA R. (2012) : « Desencuentros entre el discurso del derecho a la educación y las políticas educativas en el Perú de la década del 2000 », Documento de Trabajo IEP, n° 170, p. 1-76.

LYNCH N. (2006) Los últimos de la clase.

Aliados, adversarios y enemigos de la reforma educativa en el Perú, Lima : Fondo Editorial de la UNMSM.

MUELLE L. (2018) : « Desigualdades regio-nales y sociales del rendimiento escolar al término la educación primaria en el Perú », Revista peruana de investigación educativa, n° 10, p. 127-157.

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OLIART P. (2011) : « Mediocridad y cor-rupción : los enemigos de la educación pública », in L. Pásara (dir.), Perú ante los desafíos del siglo XXI, Lima : Fondo Editorial PUCP, p. 295-325.

Le système éducatif de l’Azerbaïdjan

La République d’Azerbaïdjan est une ancienne république soviétique, qui a gagné son indépendance au moment de l’éclatement de l’URSS, en 1991. Ce pays est aujourd’hui membre de plus de quarante organisations internationales, dont l’ONU, le Conseil turcique, la Communauté des États indépendants, l’Organisation de la coopération islamique et le Conseil de l’Europe.

C’est un pays à revenu intermé-diaire, situé entre la Russie (au nord), l’Iran (au sud), l’Arménie, la Turquie et la Géorgie (à l’ouest). En raison de la richesse de ses ressources naturelles, la croissance avance à grands pas et le niveau de vie de la population aug-mente ; l’Azerbaïdjan pourrait bientôt rejoindre le groupe des pays à revenu élevé. Le pays a connu une croissance importante au cours de la dernière décennie, grâce aux recettes tirées du pétrole et du gaz, qui représentent 95 % de ses exportations et 75 % des recettes de l’État.

En 2019, sa population a atteint 10 millions d’habitants pour une superficie de 86 600 km2. Le conflit non résolu dans et autour de la région du Haut Karabakh a provoqué le déplace-ment d’environ 7,4 % de la population.

Selon les autorités du pays, environ

20 % du territoire actuel sont considé-rés comme étant occupés par l’Arménie.

96,5 % de la population sont musul-mane (à prédominance shiite) et on trouve également une petite minorité de chrétiens (3 %) ; 92 % de la popula-tion sont azéris, les autres groupes eth-niques présents étant lezghine (2 %), russe (1,3 %), arménien (1,3 %), taly-she (1,3 %) et autres (2,4 %).

Le niveau d’alphabétisation est élevé. Il est quasiment universel pour la population âgée de 15 ans et plus (97,8 %). Une différence entre le milieu urbain et le milieu rural existe cepen-dant (98,9 % vs 96,4 %). Ce taux est également plus faible pour la popula-tion féminine (92,6 %), avec seulement 88,6 % pour la population féminine en milieu rural.

La langue azérie est la langue natio-nale pratiquée par 92,5 % de la popu-lation. La langue russe, pratiquée par une importante partie de la popula-tion en raison du passé soviétique, est aujourd’hui enseignée à l’école comme une langue étrangère. L’enseignement dans les établissements scolaires et à l’université peut être dispensé en lan-gues azérie, russe ou anglaise (par exemple, dans les écoles internatio-nales).

Dans la continuité de l’époque soviétique, le système éducatif azéri a gardé son caractère laïque et l’en-seignement est gratuit et obligatoire pour tous les enfants âgés de 6 à 15 ans.

L’enseignement de base est divisé en trois niveaux (primaire, secondaire général et secondaire) et concerne les élèves âgés de 6 à 17 ans. Au niveau de l’enseignement préscolaire, la classe préparatoire (destinée aux enfants de 5 ans) est en cours de généralisation

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progressive1. Le secteur de la forma-tion professionnelle est divisé en deux niveaux : formation professionnelle initiale (délivrée par des lycées profes-sionnels transformés récemment en

« centres polyvalents ») et la formation professionnelle secondaire (dispen-sée par des « colleges »). Au niveau de l’enseignement supérieur, le grade de bachelor est délivré après quatre années d’études et celui de « master » après deux années supplémentaires, soit six années d’études à l’université ou dans un établissement d’enseignement supérieur. Au niveau des études de 3e cycle, l’ancien système soviétique en deux niveaux (candidat des sciences et docteur ès sciences) est encore en place, mais son remplacement par un système d’études doctorales avec délivrance du diplôme de « docteur » est actuelle-ment en cours.

Réformer le système éducatif dans un nouvel État indépendant : un processus en deux étapes

L’avènement d’un nouvel État indé-pendant a nécessité de redéfinir les fondements du secteur éducatif, afin de le rendre compatible avec les prin-cipes démocratiques et de l’économie de marché dorénavant en vigueur.

L’éducation est déclarée domaine prio-ritaire de la politique nationale du nou-veau gouvernement (voir l’article 42 de la Constitution et la Loi sur l’éducation) et une première vague de réformes se met en place dans les années 1990.

Cependant, les difficultés de la transition économique secouent for-tement le pays et le secteur éducatif en fait les frais. Les subventions publiques, source principale de son financement

1. Ceci permettrait de porter la durée de l’enseigne-ment général à 12 ans, comme dans la plupart des pays occidentaux.

jusqu’alors, baissent subitement de façon drastique. L’image sociale et les conditions de travail de la profession enseignante se dégradent rapidement et beaucoup d’enseignants quittent le secteur pour des emplois plus lucratifs.

Les bâtiments scolaires, sans finance-ments publics, tombent en ruines dans certaines régions, rendant l’accès à l’éducation difficile pour certaines caté-gories de la population. Les manuels scolaires ont besoin d’être remis à jour et les méthodes pédagogiques utilisées par les enseignants nécessitent d’être modernisées, en adéquation avec les standards internationaux.

Les résultats décevants de l’Azer-baïdjan dans les enquêtes interna-tionales dix ans après le début des premières réformes sont probablement la conséquence de ces turbulences. Dans le PISA 2009, l’Azerbaïdjan se situe en avant-dernière position (64e place sur 65 pays participants) pour les épreuves de lecture, en 45e position pour les épreuves de mathématiques et en 63e pour les épreuves de sciences. Fort de l’ambition de développer le pays et de lui donner sa juste place dans l’éco-nomie mondiale, le gouvernement azéri est conscient de l’urgence de soutenir et réformer à nouveau le secteur éducatif.

Une deuxième vague de réformes se met en place dans les années 2010.

Elle est accompagnée de financements publics plus conséquents, que l’écono-mie pétrolière plus solide peut doréna-vant permettre.

La stratégie nationale pour le déve-loppement du secteur éducatif, adop-tée par décret présidentiel en 2013, indique cinq axes pour la rénovation du système éducatif. Le premier axe, qui concerne la mise en place de l’édu-cation basée sur l’approche par com-pétences et centrée sur l’apprenant,

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