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Densité locale d’état multi-fractale pour le Kicked Rotor quasi-périodique

quasi-périodique au régime critique

La dynamique de la fonction d’onde critique du Kicked Rotor quasi-périodique ayant pour condition initiale ψqp(p, t = 0) = δ(p = 0) révèle la propriété multi-fractale de la densité locale d’états associée à sa condition initiale. Ainsi la variance du paquet d’ondes varie suivant une diffusion anormale avec exposant 2/3 (voir chapitre 5) :

hl2i(t) ∼ t2/3, (7.77)

ce qui, d’après l’argument heuristique précédemment introduit, indique une dimension de Hausdorff de la densité locale d’états valant :

D0ρ= 1

3 . (7.78)

Cependant, la probabilité de retour à l’origine Π0(t) varie en fonction du temps suivant la loi algébrique :

Π0(t) ∼ t−ds , (7.79)

avec l’exposant ds= 0.29 ± 0.01 (voir figure 7.9). La dimension de corrélation Dρ2 = ds de la densité locale d’états vaut donc :

D2ρ= 0.29 ± 0.01 < Dρ

0 = 1/3 . (7.80)

Le fait que la dimension de corrélation Dρ

2 est strictement inférieure à la dimension de Hausdorff Dρ

0 signifie la multi-fractalité (i.e. au moins la bi-fractalité 1) de la densité locale d’états. Cette multi-fractalité est responsable du “petit pic” observé pour la fonction d’onde critique au voisinage de lt−1/3≈ 0 (voir figure 7.7).

1Nous avons trouvé que les deux dimensions Dρ0 et D2ρétaient distinctes, et ceci atteste du caractère bi-fractal du spectre local. Pour démontrer le caractère multi-bi-fractal attendu pour le spectre local, il faudrait, en toute rigueur, déterminer entièrement le spectre de dimensions {Dρ

q}q. Ceci pourrait être fait en étudiant les corrélations temporelles à q points de la fonction d’onde telles que ψ∗(0, t1)ψ∗(0, t2)ψ(0, t3)ψ(0, t4) (à quatre points ici).

B. Déviations à la théorie auto-cohérente : multi-fractalité 157 Il faut noter que la valeur de Dρ

2 ainsi mesurée à partir de Π0(t) est universelle : elle est indépendante du choix des paramètres ¯k, ω2 et ω3, à compter du fait qu’ils vérifient les conditions d’incommensurabilité nécessaires à l’observation de la transition d’Anderson avec le Kicked Rotor quasi-périodique (voir chapitre 6).

Un autre point important qu’il faut souligner est le suivant. Contrairement à ce qu’elle paraˆıt à première vue, la quantité que nous étudions Π0(t) = |ψqp(p = 0, t)|2 n’est pas égale à la probabilité de retour à l’origine pour le Kicked Rotor 3D avec pour condition

initiale |ψ3(t = 0)i correspondant à l’état initial |ψqp(t = 0)i pour le Kicked Rotor quasi-périodique. Or l’on sait (voir chapitre 5) qu’à l’instant t, l’état |ψ3(t)i vérifie :

ψ3(θ, t) = ψqp1, t) δ(θ2− ω2t) δ(θ3− ω3t) , (7.81) pour l’Hamiltonien H3 du Kicked Rotor 3D, Eq. (7.26), associé au Kicked Rotor quasi-périodique. Ainsi, puisque les fréquences ω2 et ω3 sont incommensurables entre-elles et avec 2π, la probabilité de retour à l’origine pour le Kicked Rotor 3D avec l’état initial

3(t = 0)i est nulle :

|hψ3(t)|ψ3(t = 0)i|2= 0 , (7.82)

pour tout t > 0. L’application directe de la théorie développée aux sous-sections B.1 et B.2 n’est donc pas totalement fondée. Une justification plus rigoureuse du lien entre la dynamique du Kicked Rotor quasi-périodique et sa densité locale d’états reste à établir. Enfin, il faut également noter que les dimensions multi-fractales mesurées pour le Kicked Rotor quasi-périodique ne se comparent pas de façon triviale avec celles mesurées dans le cas d’un système désordonné 3D usuel, au régime critique de la transition d’Anderson et ayant pour condition initiale un état piqué en r = 0 [42]. Ces deux problèmes considèrent en effet des états initiaux très différents : l’état initial du Kicked Rotor quasi-périodique correspond à une source plane, tandis que celui du système désordonné 3D considéré en [42] est une source ponctuelle. Ceci se traduit par des propriétés multi-fractales quanti-tativement différentes. On peut néanmoins faire correspondre les dimensions de Hausdorff mesurées. Dans le cas d’un système désordonné 3D usuel, cette dimension ˜Dρ

0 est l’unité. Elle est en effet reliée à l’expansion du paquet d’ondes via [142] :

hr2i ∼ t2 ˜D0ρ/d, (7.83) où d = 3 (ceci généralise le résultat présenté à la sous-section B.2 en dimension trois). Ainsi, puisque l’on sait que hr2i ∼ t2/d pour un système désordonné au régime critique, la dimension de Hausdorff d’un système désordonné 3D est trois fois celle correspondant au Kicked Rotor quasi-périodique, ceci à cause du fait que le Kicked Rotor quasi-périodique est un système uni-dimensionnel.

CHAPITRE 8

Conclusion

D

ans ce manuscrit, nous avons abordé le problème de la transition d’Anderson sous un jour nouveau : celui du chaos plutôt que du désordre, celui des atomes froids plutôt que des électrons. La pertinence de cette approche peut être vue dans ce qu’elle a permis de réaliser :

– la première observation expérimentale de la transition d’Anderson avec des ondes de matière atomiques,

– la validation expérimentale de la théorie d’échelle à un paramètre de la localisation, – la première détermination expérimentale non-ambigüe de l’exposant critique ν de la

longueur de localisation,

– le calcul et l’observation de l’état critique du système au seuil de la transition.

Les limitations liées au dispositif expérimental, plutôt que d’empêcher l’observation de la transition, nous ont amené à donner une caractérisation beaucoup plus profonde utilisant les idées fondamentales du groupe de renormalisation. La plupart des méthodes dévelop-pées n’auraient sans doute pas vu le jour dans un contexte de travail purement théorique. C’est bien l’interaction forte théorie-expérience qui a motivé notre démarche.

Également, nos travaux de thèse ont été tournés vers l’étude de la correspondence entre le chaos et le désordre, entre le Kicked Rotor quasi-périodique et les systèmes désordonnés 3D tels que modélisés par le modèle d’Anderson. Nous avons pu montrer l’exacte cor-respondence des comportements critiques de ces deux modèles : ils appartiennent à la même classe d’universalité, celle des systèmes désordonnés invariants par renversement du temps. Par ailleurs, la théorie auto-cohérente de la localisation s’applique au cas du Ki-cked Rotor quasi-périodique et donne des prédictions en très bon accord avec les résultats expérimentaux et numériques.

L’intérêt du système considéré dans notre étude est double : Intérêt expérimental d’abord, puisqu’il a permis d’observer des phénomènes aussi fondamentaux que la localisation expo-nentielle, l’expansion diffusive ou la dynamique critique de la fonction d’onde, phénomènes difficiles voire impossibles à observer expérimentalement avec d’autres systèmes. Intérêt numérique ensuite, puisqu’il a permis une étude fine des différentes dynamiques de la localisation.

160 Chapitre 8. Conclusion L’intérêt porté sur ce type de système dynamique pseudo-désordonné ne devrait pas dé-croître. Les perspectives d’étude sont en effet nombreuses et importantes.

A Transition d’Anderson en dimension d > 3 avec le Kicked

Rotor quasi-périodique

Pour une transition de phase thermodynamique du second ordre, il existe une dimension d’espace (la dimension critique supérieure) à partir de laquelle les exposants critiques sont ceux de la théorie de champ moyen. Dans le cas du modèle d’Ising, la dimension critique supérieure est d = 4. Dans le cas de la transition d’Anderson, il semble que la dimension critique supérieure soit infinie [146, 147], bien que certains arguments théoriques militent plutôt en faveur de d = 4 [147]. En outre, une théorie semiclassique de la transition d’Anderson [146] suggère une expression analytique de la variation de l’exposant critique de localisation en fonction de la dimension : ν = 1

2+ 1

d−2. Or jusqu’à présent, aucune mesure précise des exposants critiques en dimension d ≥ 4 n’a pu être effectuée. La simulation d’un échantillon sous forme de barre Ld−1

× L (avec L ≫ L longueur de la barre) ou de cube Ldest en effet extrêmement coûteuse en temps de calcul.

Une autre façon de simuler un système désordonné de dimensionnalité d est de consi-dérer, comme cela a été montré dans ce manuscrit, le Kicked Rotor quasi-périodique à

d fréquences incommensurables. L’avantage du Kicked Rotor quasi-périodique vis-à-vis

du modèle d’Anderson de dimensionnalité d réside dans son caractère unidimensionnel. Ainsi, simuler la dynamique du kicked rotor quasi-périodique plutôt que celle du modèle d’Anderson permet une économie en temps de calcul de l’ordre de Ld−1 [119].

L’étude des différentes dynamiques localisées (phase localisée) ou diffusives (phase mé-tallique) permet, comme on l’a vu (voir chapitre 6), une mesure précise des exposants critiques. Au voisinage du seuil critique, l’ensemble des dynamiques peut être décrit par une loi d’échelle fonction du temps et du “désordre”. C’est sur la caractérisation de cette loi d’échelle que repose la mesure des exposants critiques. En fait, la variable temps t peut-être vue comme l’équivalent du volume d’un échantillon du modèle d’Anderson : t ≡ Ld en dimension d. Comme dans le cas du modèle d’Anderson, la précision de la mesure dé-pend sensiblement de l’ambitus de variation de la variable temps. De ce fait, il nous faut simuler l’évolution du kicked rotor quasi-périodique sur des temps suffisamment grands pour avoir une estimation précise des exposants critiques. En dimension d = 3 nous avons dû atteindre t = 106. En dimension d = 4, il faudrait simuler l’évolution sur un temps correspondant 100 fois plus grand : t = 108. Ceci est accessible, par exemple en utilisant des moyens informatiques tels que ceux de l’IDRIS. Nous avons déjà débuté cette étude. Expérimentalement, l’observation de la transition d’Anderson en dimension quatre ne semble envisageable qu’en augmentant sensiblement les durées d’expérience (qui sont li-mitées à l’heure actuelle à t = 150 kicks - voir chapitre 4), ce qui demande une refonte assez importante du dispositif expérimental. Parmi les pistes envisagées pour permettre d’augmenter ce temps maximal d’expérience, on peut citer le changement de configuration de l’onde stationnaire de la position horizontale à une station verticale, tout en veillant

B. Champ magnétique effectif 161 à accompagner la chute des atomes en déphasant progressivement les faisceaux lasers contre-propageants.

B Effets de la symétrie par renversement du temps sur la

localisation : champ magnétique effectif

Une autre perspective très intéressante est l’étude de l’effet de la symétrie par renverse-ment du temps sur les propriétés de localisation dynamique (voir section E du chapitre 3). Généralement, dans les systèmes désordonnés électroniques, cette symétrie est cassée du fait d’un champ magnétique uniforme. Dans le contexte des atomes froids, la réalisation d’un champ magnétique effectif pour les atomes électriquement neutres n’est pas tâche aisée [148–150]. Or, il semble que l’on puisse introduire un terme de “champ magnétique” effectif dans l’Hamiltonien du Kicked Rotor périodique [voir Eq. (3.61)]. Ce terme brise la symétrie par renversement du temps comme révélé par la statistique des niveaux de quasi-énergie (voir figure 3.8), et affecte la localisation dynamique du Kicked Rotor périodique 1D [101, 102]. En outre, l’introduction d’un tel terme semble réalisable expérimentale-ment. Comment se généralisent ces idées au cas du Kicked Rotor quasi-périodique ? Cette question est d’importance. On pourrait alors étudier expérimentalement les effets de loca-lisation dynamique dans la classe unitaire, et, pourquoi pas, l’effet Hall quantique entier, prédit pour des systèmes faiblement désordonnés 2D en présence d’un champ magnétique transverse intense.

C Approche statistique

Une approche fondamentale de la localisation et de la transition d’Anderson dont nous avons peu fait usage est celle statistique. La transition d’Anderson peut ainsi être révé-lée par un changement dans la distribution statistique des niveaux (voir section A.1 du chapitre 5 et section E du chapitre 3). Également, le régime critique peut être caractérisé par de fortes fluctuations statistiques de la fonction d’onde, intimement reliées au phé-nomène de multi-fractalité. Une telle approche de la localisation dans le Kicked Rotor quasi-périodique est hautement souhaitable et tout à fait envisageable sur le plan numé-rique. Cependant, il ne semble pas, a priori, qu’une étude statistique expérimentale puisse être menée de façon simple : la fonction d’onde expérimentale est effet auto-moyennée, au sens où elle est le résultat d’une moyenne de la dynamique sur un très grand nombre d’atomes indépendants (voir section A.1 du chapitre 4).

D Interactions et désordre

Comment les interactions entre particules affectent la localisation est un problème dont l’analyse est d’une extrême complexité, tant sur le plan théorique que numérique [15–17]. Les expériences avec atomes froids sont très attendues sur ce sujet, entre autres du fait qu’elles permettent de contrôler la force des interactions entre atomes ultra-froids via

162 Chapitre 8. Conclusion des résonances de Feshbach [26]. Le Kicked Rotor réalisé avec un condensat de Bose-Einstein [151,152] est un candidat potentiel à l’étude des effets des interactions mutuelles sur la localisation.

Annexe

A Description diagrammatique du Kicked Rotor périodique

1D

Nous montrons dans ce manuscrit comment calculer, à partir de la théorie auto-cohérente de Vollhardt et Wölfle [44], la fonction d’onde critique du Kicked Rotor quasi-périodique au seuil de la transition d’Anderson (voir section A du chapitre 7). Le fait que nous puissions appliquer cette théorie au cas du Kicked Rotor n’est pas trivial. Le Kicked Rotor diffère en effet d’un système désordonné usuel par sa dynamique classique déterministe qui ne peut pas toujours être assimilée à une marche aléatoire. C’est pourquoi, dans un premier temps, nous préciserons dans quel régime de paramètres le Kicked Rotor peut être considéré comme effectivement désordonné. Nous rappellerons ensuite comment l’on peut formuler une description diagrammatique [131] similaire à celle usuelle des systèmes faiblement désordonnés. Nous définirons alors les équivalents pour le Kicked Rotor de concepts clés de la théorie diagrammatique des systèmes désordonnés tels que le libre parcours moyen ou la fonction de Green moyennée sur le désordre. Nous montrerons enfin comment rendre compte de la diffusion classique à partir de cette théorie diagrammatique, et quelles sont les premières corrections quantiques à cette marche diffusive.