• Aucun résultat trouvé

Chapitre 4 Discussion

4.2. Dendrogéomorphologie

4.2.1. Spécificité des glissements pelliculaires pour la dendrogéomorphologie Les glissements pelliculaires arrachent tout le couvert végétal et la quasi-totalité de la couche de till sur leur passage et les versants affectée passent d’un milieu forestier à un milieu dénudé de végétation au sein des cicatrices de glissements. En charriant une grande quantité de matériel, les glissements pelliculaires causent la majorité des dommages enregistrés par les arbres de la trimline. De plus, les glissements pelliculaires ne se produisent pas à répétition au même endroit puisque la couche de matériel affecté est généralement complètement retirée (Hungr et al., 2001). Ainsi, seuls les signaux dendrogéomorphologiques principaux sont à considérer dans le cas de la datation de glissements pelliculaires. Dans les résultats dendrogéomorphologiques de cette étude, les couplets de signaux principaux sont les seuls à jumeler à la fois les cicatrices d’impact et les séquences de bois de réaction ce qui témoigne que les glissements pelliculaires sont des événements majeurs à avoir affecté les versants.

La portion organique déplacée par les glissements pelliculaires est composée essentiellement d’arbres arrachés lors du mouvement et est beaucoup plus importante que la portion minérale puisque le till est très mince dans la région d’étude. Ainsi, les cicatrices d’impact et l’inclinaison de la tige causées aux arbres de la trimline sont souvent produites suite à la pression exercée par les troncs d’arbres morts déplacés par les glissements. L’inclinaison de la tige des arbres peut aussi parfois être causée par un déracinement partiel. Les dommages enregistrés par les arbres témoins ne sont pas nécessairement cohérent avec le sens d’écoulement du glissement pelliculaire. Les cicatrices d’impact ne sont pas toujours présentes sur le côté amont des arbres ou sur le côté adjacent à la cicatrice de glissement, alors que les séquences de bois de compression ne sont pas toujours situées sur le côté vers le bas de la pente. Les dommages présents sur les arbres affectés peuvent

59 donc être retrouvés dans des directions aléatoires et sur pratiquement tous les côtés des arbres.

4.2.2. Chronologie des événements

Les signaux dendrogéomorphologiques principaux obtenus pour les glissements B, C, E1, E2, F, P1 et P2 indiquent que les cicatrices se sont formées une année donnée et que les séquences de bois de réaction se sont formées l’année suivante. L’analyse des cicatrices d’impact révèle que, pour ces glissements, l’impact sur les arbres témoins s’est produit après la formation du bois final. Puisque les arbres avaient terminé leur saison de croissance, le bois de réaction n’a pu se mettre en place que durant la saison de croissance de l’année suivante. Les dates retenues sont donc les saisons de dormance entre 2003 et 2004 pour les glissements B, C, E1 et E2, entre 2008 et 2009 pour les glissements P1 et P2 et entre 2010 et 2011 pour le glissement F. Le glissement P2 présente aussi un fort pourcentage de bois de réaction en 1981 (38%) mais comme les photographies aériennes affichaient un couvert forestier fermé à cette date, ces résultats ne sont pas jugés significatifs pour la datation du glissement pelliculaire. À la manière des glissements B, C, E1 et E2, le glissement A indique un couplet de cicatrices d’impact en 2003 et de bois de réaction en 2004. Cependant, des pourcentages de cicatrices d’impact aussi fort qu’en 2003 sont présents aux années 2004 et 2007 (25%). Les observations sur le terrain ont montré que beaucoup d’arbres déplacés par ce glissement pelliculaire sont resté debouts en position instable sur la trimline (figure 57). Comme ces arbres ne sont pas tombés immédiatement lors du mouvement gravitaire, ils n’ont pas créé un signal très fort en 2003 mais ont plutôt continué de créer des cicatrices d’impact sur les arbres témoins en tombant durant les années subséquentes. La date retenue pour le glissement A est donc également la saison de dormance entre 2003 et 2004. Seul le glissement D présente des séquences de bois de réaction formées la même année que les cicatrices d’impact puisque ce glissement est survenu durant la saison de croissance en 2006.

60

Figure 57 Les arbres arrachés lors du glissement A ne sont pas tous tombés en 2003 et plusieurs arbres sont restés debouts le long de la trimline pour ensuite tomber durant les années subséquentes (Sébastien Baillargeon donne

l’échelle).

Durant la période couverte par les analyses dendrogéomorphologiques, plusieurs cicatrices d’impact et séquences de bois de réaction ont aussi été enregistrées par les arbres échantillonnés pour des années différentes de celles des glissements pelliculaires. Ces types de dommages sont assez communs en forêt et ne sont pas toujours le résultat d’un mouvement de masse. Les cicatrices d’impact formées sous un couvert forestier fermé sont souvent la conséquence de la chute d’un arbre mort qui frappe le tronc d’autres arbres en tombant, causant des dommages à l’écorce et au cambium. Elles ne sont donc pas utiles dans la datation des glissements pelliculaires. Par contre, les cicatrices d’impact formées après les glissements pelliculaires peuvent témoigner d’une activité géomorphologique accrue au sein des cicatrices de glissements pelliculaires suite au retrait du couvert forestier, comme dans le cas des glissements B et C. Elles pourraient alors être causées par des chutes de blocs et de galets ou par des avalanches de neige. Pour leur part, les séquences de bois de réaction sont très communes sur les arbres poussant dans un versant. Elles sont souvent le résultat de la reptation du sol, du poids du manteau neigeux ou du vent qui déstabilisent les arbres. Ce type de perturbation est très local et c’est pourquoi, en général, seulement un ou deux arbres les ont enregistrés. D’ailleurs, les arbres échantillonnés étaient souvent positionnés en paires sur la trimline et ont habituellement enregistré les mêmes événements. Les signaux deviennent donc plus importants lorsque plus de deux arbres les

61 ont enregistrés, comme dans le cas des glissements D, P1 et P2. Cette instabilité témoigne du caractère instable du sol mince qui recouvre les versants et démontre des signes précurseurs aux glissements pelliculaires. Cependant, puisque la couverture de photographies aériennes multi-dates affiche toujours un couvert forestier dense et mature avant 1999, les possibilités d’un mouvement de masse sont nulles.

4.2.3. Périodes de formation des cernes annuels de croissance pour les conifères de la région d’étude

Comme la majorité des glissements pelliculaires à l’étude se sont produits durant la saison de dormance des arbres témoins, il est important de connaître la période de formation des cernes annuels de croissance afin de pouvoir identifier des scénarios de précipitations probables pour leur déclenchement. Les travaux de Deslauriers et al. (2003) ont décrit la chronologie de la formation des cernes et le développement du bois initial et final pour le sapin baumier dans la forêt boréale, à 100 km au nord du lac Saint-Jean, à une latitude similaire à celle de la Réserve faunique de Port-Cartier-Sept-Îles. La saison de croissance débute entre le 7 mai et le 7 juin, la transition entre le bois initial et le bois final s’effectue entre le 2 et le 19 juillet alors que la saison de croissance se termine entre le 20 août et le 20 septembre. Ces dates permettent de rechercher les scénarios de précipitations responsables du déclenchement des glissements pelliculaires durant les mois de mai, juin ou juillet pour le glissement D et durant les mois de septembre, octobre ou mai pour tous les autres glissements, au cours des années correspondantes (tableau 5).

Tableau 5 Dates retenues pour les différents glissements.

Glissements Dates

A, B, C, E1, E2 Dormance entre 2003 et 2004 D Croissance en 2006

P1, P2 Dormance entre 2008 et 2009 F Dormance entre 2010 et 2011

62