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DE l'ORIGINE ET DE LA NATURE DES PASSIONS

PROPOSITION XLIX

III. DE l'ORIGINE ET DE LA NATURE DES PASSIONS

PRÉFACE

Quand on lit la plupart des philosophes qui ont traité des passions et de la conduite des hommes, on dirait qu'il n'a pas été question pour eux de choses naturelles, réglées par les lois générales de l'uni-vers, mais de choses placées hors du domaine de la nature. Ils ont l'air de considérer l'homme dans la nature comme un empire dans un autre empire. A les en croire, l'homme trouble l'ordre de l'univers bien plus qu'il n'en fait partie ; il a sur ses actions un pouvoir absolu et ses déterminations ne relèvent que de lui-même. S'il s'agit d'expliquer l'impuissance et l'inconstance de l'homme, ils n'en trouvent point la cause dans la puissance de la nature universelle, mais dans je ne sais quel vice de la nature humaine ; de là ces plaintes sur notre condition, ces moqueries, ces mépris, et plus souvent encore cette haine contre les hommes ; de là vient aussi que le plus habile ou le plus éloquent à confondre l'impuissance de l'âme humaine passe pour un homme divin.

Ce n'est pas à dire que des auteurs éminents (dont j'avoue que les travaux et la sagacité m'ont été très-utiles) n'aient écrit un grand nombre de belles choses sur la manière de bien vivre, et n'aient don-né aux hommes des conseils pleins de prudence ; mais personne que je sache n'a détermidon-né la vérita-ble nature des passions, le pouvoir qu'elles ont sur l'âme et celui dont l'âme dispose à son tour pour les modérer. Je sais que l'illustre Descartes, bien qu'il ait cru que l'âme a sur ses actions une puissance absolue, s'est attaché à expliquer les passions humaines par leurs causes premières, et à montrer la voie par où l'âme peut arriver à un empire absolu sur ses passions ; mais, à mon avis du moins, ce grand esprit n'a réussi à autre chose qu'à montrer son extrême pénétration, et je me réserve de prou-ver cela quand il en sera temps. Je reviens à ceux qui aiment mieux prendre en haine ou en dérision les passions et les actions des hommes que de les comprendre. Pour ceux-là, sans doute, c'est une chose très-surprenante que j'entreprenne de traiter des vices et des folies des hommes à la manière des géomètres, et que je veuille exposer, suivant une méthode rigoureuse et dans un ordre raisonna-ble, des choses contraires à la raison, des choses qu'ils déclarent à grands cris vaines, absurdes, di-gnes d'horreur. Mais qu'y faire ? cette méthode est la mienne. Rien n'arrive, selon moi, dans l'univers qu'on puisse attribuer à un vice de la nature. Car la nature est toujours la même ; partout elle est une, partout elle a même vertu et même puissance ; en d'autres termes, les lois et les règles de la nature, suivant lesquelles toutes choses naissent et se transforment, sont partout et toujours les mêmes, et en conséquence, on doit expliquer toutes choses, quelles qu'elles soient, par une seule et même méthode, je veux dire par les règles universelles de la nature

Il suit de là que les passions, telles que la haine, la colère, l'envie, et autres de cette espèce, considé-rées en elles-mêmes, résultent de la nature des choses tout aussi nécessairement que les autres pas-sions ; et par conséquent, elles ont des causes déterminées qui servent à les expliquer ; elles ont des propriétés déterminées tout aussi dignes d'être connues que les propriétés de telle ou telle autre chose dont la connaissance a le privilège exclusif de nous charmer.

Je vais donc traiter de la nature des passions, de leur force, de la puissance dont l'âme dispose à leur égard, suivant la même méthode que j'ai précédemment appliquée à la connaissance de Dieu et de l'âme, et j'analyserai les actions et les appétits des hommes, comme s'il était question de lignes, de plans et de solides.

DÉFINITIONS

I. J'appelle cause adéquate celle dont l'effet peut être clairement et distinctement expliqué par elle seule, et cause inadéquate ou partielle celle dont l'effet ne peut par elle seule être conçu.

II. Quand quelque chose arrive, en nous ou hors de nous, dont nous sommes la cause adéquate, c'est-à-dire (par la Déf. précéd.) quand quelque chose, en sous ou hors de nous, résulte de notre nature et se peut concevoir par elle clairement et distinctement, j'appelle cela agir. Quand, au contraire, quelque chose arrive en nous ou résulte de notre nature, dont nous ne sommes point cause, si ce n'est partiellement, j'appelle cela pâtir.

III. J'entends par passions (affectus) ces affections de corps (affectiones) qui augmentent ou dimi-nuent, favorisent ou empêchent sa puissance d'agir, et j'entends aussi en même temps les idées de ces affections.

C'est pourquoi, si nous pouvons être cause adéquate de quelqu'une de ces affections, passion (affec-tus) exprime alors une action ; partout ailleurs, c'est une passion véritable.

POSTULATS

I. Le Corps humain peut-être affecté de plusieurs modifications par lesquelles sa puissance d'agir est augmentée ou diminuée, et aussi d'autres modifications qui ne rendent sa puissance d'agir ni plus grand, ni plus petite

Ce Postulat ou Axiome est fondé sur le Post. 1 et les Lem. 5 et 6, qu'on peut voir après la Propos. 13 de la partie 2.

II. Le corps humain peut souffrir plusieurs changements et retenir néanmoins les impressions ou tra-ces des choses (voir à ce sujet le Post. 5, partie 2), et par suite leurs images (pour la définition des-quelles, voyez le Schol. de la Propos. 17, partie 2).

PROPOSITION I

Notre âme fait certaines actions et souffre certaines passions ; savoir : en tant qu'elle a des idées adé-quates, elle fait certaines actions ; et en tant qu'elle a des idées inadéadé-quates, elle souffre certaines passions.

Démonstration : Les idées d'une âme quelconque sont, les unes adéquates, les autres mutilées et con-fuses (par le Schol. de la Propos. 40, partie 2). Or, les idées qui sont adéquates dans une certaine âme, sont adéquates en Dieu, en tant qu'il constitue l'essence de cette âme (par le Corollaire de la Propos. 11, partie 2) ; et quant à celles qui, dans l'âme, sont inadéquates, elles sont, comme les au-tres, adéquates en Dieu (par le même Corollaire), non pas, il est vrai, en tant seulement qu'il contient l'essence de cette âme, mais en tant qu'il contient aussi en même temps les autres âmes de l'univers.

Maintenant, une idée quelconque étant donnée, quelque effet doit nécessairement s'ensuivre (par la Propos. 36, partie 1) ; et cet effet, Dieu en est la cause adéquate (voyez la Déf. l, part. 3), non pas en tant qu'infini, mais en tant qu'affecté de l'idée donnée (voyez la Propos. 9, partie 2). Or, ce même ef-fet dont Dieu est la cause, en tant qu'affecté d'une idée qui est adéquate en une certaine âme, cette âme en est aussi cause adéquate (par le Coroll. de la Propos. 11, partie 2). Donc notre âme, en tant qu'elle a des idées adéquates, doit (par la Déf. 2, partie 3) nécessairement opérer quelque action. Et c'est là le premier point qu'il fallait démontrer. De plus, tout effet qui suit nécessairement d'une idée qui est adéquate en Dieu, en tant qu'il contient en soi non pas seulement l'âme d'un seul l'homme, mais avec elle en même temps les autres âmes de l'univers, tout est de cette espèce, dis-je, l'âme de cet homme n'en est pas la cause adéquate (par le même Corollaire de la Propos. 11, part. 2), mais seulement la cause partielle ; et en conséquence (par la Déf. 2, partie 3), l'âme, en tant qu'elle a des idées inadéquates, est nécessairement affectée de quelque passion ; c'est le second point que nous voulions établir. Donc enfin, etc. C. Q. F. D.

Corollaire : Il suit de là que l'âme est sujette à d'autant plus de passions qu'elle a plus d'idées

inadé-quates ; et au contraire, qu'elle produit d'autant plus d'actions qu'elle a plus d'idées adéinadé-quates.

PROPOSITION II

Ni le corps ne peut déterminer l'âme à la pensée, ni l'âme le corps au mouvement et au repos, ou a quoi que ce puisse être.

Démonstration : Tous les modes de la pensée ont pour cause Dieu, en tant que chose pensante, et non en tant qu'il se développe par un autre attribut (par la Propos. 6, partie 2) ; par conséquent, ce qui dé-termine l'âme a la pensée, c'est un mode de la pensée, et non un mode de l'étendue ; en d'autres ter-mes (par la Déf. 1, partie 2), ce n'est pas le corps. Voilà le premier point. De plus, le mouvement et le repos du corps doivent provenir d'un autre corps qui lui-même est déterminé par un autre corps au mouvement et au repos ; et, en un mot, tout ce qui se produit dans un corps a dû provenir de Dieu, en tant qu'affecté d'un certain mode de l'étendue, et non d'un certain mode de la pensée (en vertu de la même Propos. 6, part. 2) ; en d'autres termes, tout cela ne peut provenir de l'âme, qui (par la Propos.

11, partie 2) est un mode de la pensée. Voilà le second point. Donc, ni le corps, etc. C. Q. F. D.

Scholie : Cela se conçoit plus clairement encore par ce qui a été dit dans le scholie de la Propos. 7, part. 2, savoir, que l'âme et le corps sont une seule et même chose, qui est conçue tantôt sous l'attri-but de la pensée, tantôt sous celui de l'étendue. D'où il arrive que l'ordre, l'enchaînement des choses, est parfaitement un, soit que l'on considère la nature sous tel attribut ou sous tel autre, et partant, que l'ordre des actions et des passions de notre corps et l'ordre des actions et des passions de l'âme sont simultanés de leur nature. C'est ce qui résulte aussi d'une façon évidente de la démonstration de la Propos. 7, partie 2.

Mais, quelle que soit la force de ces preuves, et bien qu'il ne reste véritablement aucune raison de douter encore, j'ai peine à croire que les hommes puissent être amenés à peser avec calme mes dé-monstrations, à moins que je ne les confirme par l'expérience ; tant est grande chez eux cette convic-tion, que c'est par la seule volonté de l'âme que le corps est mis tantôt en mouvement, tantôt en re-pos, et qu'il exécute enfin un grand nombre d'opérations qui s'accomplissent au gré de l'âme et sont l'ouvrage de la pensée. Personne, en effet, n'a déterminé encore ce dont le corps est capable ; en d'autres termes, personne n'a encore appris de l'expérience ce que le corps peut faire et ce qu'il ne peut pas faire, par les seules lois de la nature corporelle et sans recevoir de l'âme aucune détermina-tion.

Et il ne faut point s'étonner de cela, puisque personne encore n'a connu assez profondément l'écono-mie du corps humain pour être en état d'en expliquer toutes les fonctions ; et je ne parle même pas ici de ces merveilles qu'on observe dans les animaux et qui surpassent de beaucoup la sagacité des hom-mes, ni de ces actions des somnambules qu'ils n'oseraient répéter durant la veille : toutes choses qui montrent assez que le corps humain, par les seules lois de la nature, est capable d'une foule d'opéra-tions qui sont pour l'âme jointe à ce corps un objet d'étonnement. Ajoutez encore que personne ne sait comment et par quels moyens l'âme meut le corps, ni combien de degrés de mouvement elle lui peut communiquer, ni enfin avec quelle rapidité elle est capable de le mouvoir. D'où il suit que, quand les hommes disent que telle ou telle action du corps vient de l'âme et de l'empire qu'elle a sur les orga-nes, ils ne savent vraiment ce qu'ils disent, et ne font autre chose que confesser en termes flatteurs pour leur vanité qu'ils ignorent la véritable cause de cette action et en sont réduits à l'admirer. Mais, diront-ils, que nous sachions ou que nous ignorions par quels moyens l'âme meut le corps, nous sa-vons du moins par expérience que si l'âme humaine n'était pas disposée à penser, le corps resterait dans l'inertie.

Notre propre expérience nous apprend encore qu'un grand nombre d'actions, comme parler et se taire, sont entièrement au pouvoir de l'âme, et par conséquent nous devons croire qu'elles dépendent de sa volonté. Je répondrai en demandant à mon tour, premièrement, si nous ne savons pas par expérience que l'âme est incapable de penser quand le corps est dans l'inertie ; car enfin, aussitôt que le corps est endormi, l'âme ne tombe-t-elle pas dans le sommeil ? et conserve-t-elle le pouvoir de penser qu'elle avait durant la veille ? Ce n'est pas tout ; je crois qu'il n'est personne qui n'ait éprouvé que l'âme n'est pas toujours également propre à penser à un même objet ; mais à mesure que le corps est mieux dis-posé à ce que l'image de telle ou telle chose soit excitée en lui, l'âme est plus propre à en faire l'objet de sa contemplation. On répondra sans doute qu'il est impossible de déduire des seules lois de la na-ture corporelle les causes des édifices, des peinna-tures et de tous les ouvrages de l'art humain, et que le corps humain, s'il n'était déterminé et guidé par l'âme, serait incapable, par exemple, de construire un temple. Mais j'ai déjà montré que ceux qui parlent ainsi ne savent pas ce dont le corps est capable, ni ce qui peut se déduire de la seule considération de sa nature ; et l'expérience leur fait bien voir que beaucoup d'opérations s'accomplissent par les seules lois de la nature, qu'ils auraient jugées impossi-bles sans la direction de l'âme, comme les actions que font les somnambules en dormant et dont ils sont tout étonnés quand ils se réveillent. J'ajoute enfin que le mécanisme du corps humain est fait

avec un art qui surpasse infiniment l'industrie humaine ; et, sans vouloir ici faire usage de cette propo-sition que j'ai démontrée plus haut, savoir, que de la nature considérée sous un attribut quelconque il résulte une infinité de choses, je passe immédiatement à la seconde objection qu'on m'adresse.

Certes, j'accorderai volontiers que les choses humaines en iraient bien mieux, s'il était également au pouvoir de l'homme et de se taire et de parler ; mais l'expérience est là pour nous enseigner, malheu-reusement trop bien, qu'il n'y a rien que l'homme gouverne moins que sa langue, et que la chose dont il est le moins capable, c'est de modérer ses appétits ; d'où il arrive que la plupart se persuadent que nous ne sommes libres qu'à l'égard des choses que nous désirons faiblement, par la raison que l'appé-tit qui nous porte vers ces choses peut aisément être comprimé par le souvenir d'un autre objet que notre mémoire nous rappelle fréquemment ; et ils croient au contraire que nous ne sommes point li-bres à l'égard des choses que nous désirons avec force et que le souvenir d'un autre objet ne peut nous faire cesser d'aimer.

Mais il est indubitable que rien n'empêcherait ces personnes de croire que nos actions sont toujours li-bres, si elles ne savaient pas par expérience qu'il nous arrive souvent de faire telle action dont nous nous repentons ensuite, et souvent aussi, quand nous sommes agités par des passions contraires, de voir le meilleur et de faire le pire. C'est ainsi que l'enfant s'imagine qu'il désire librement le lait qui le nourrit ; s'il s'irrite, il se croit libre de chercher la vengeance ; s'il a peur, libre de s'enfuir. C'est encore ainsi que l'homme ivre est persuadé qu'il prononce en pleine liberté d'esprit ces mêmes paroles qu'il voudrait bien retirer ensuite, quand il est redevenu lui-même ; que l'homme en délire, le bavard, l'en-fant et autres personnes de cette espèce sont convaincues qu'elles parlent d'après une libre décision de leur âme, tandis qu'il est certain qu'elles ne peuvent contenir l'élan de leur parole. Ainsi donc, l'ex-périence et la raison sont d'accord pour établir que les hommes ne se croient libres qu'à cause qu'ils ont conscience de leurs actions et ne l'ont pas des causes qui les déterminent, et que les décisions de l'âme ne sont rien autre chose que ses appétits, lesquels varient par suite des dispositions variables du corps. Chacun, en effet, se conduit en toutes choses suivant la passion dont il est affecté : ceux qui sont livrés au conflit de plusieurs passions contraires ne savent trop ce qu'ils veulent ; et enfin, si nous ne sommes agités d'aucune passion, la moindre impulsion nous pousse çà et là en des directions diver-ses.

Or, il résulte clairement de tous ces faits que la décision de l'âme et l'appétit ou détermination du corps sont choses naturellement simultanées, ou, pour mieux dire, sont une seule et même chose, que nous appelons décision quand nous la considérons sous le point de vue de la pensée et l'expliquons par cet attribut, et détermination quand nous la considérons sous le point de vue de l'étendue et l'expli-quons par les lois du mouvement et du repos ; mais tout cela deviendra plus clair encore par la suite de ce traité. Ce que je veux surtout qu'on remarque ici avec une attention particulière, c'est que nous ne pouvons rien faire par la décision de l'âme qu'à l'aide de la mémoire. Par exemple, nous ne pouvons prononcer une parole qu'à condition de nous en souvenir.

Or, il ne dépend évidemment pas du libre pouvoir de l'âme de se souvenir d'une chose ou de l'oublier.

Aussi pense-t-on que cela seulement est au pouvoir de notre âme, savoir, de nous taire ou de parler à volonté sur une chose que la mémoire nous rappelle. Mais, en vérité, quand nous rêvons que nous parlons, ne croyons-nous pas que nous prononçons certaines paroles en vertu d'une libre décision de l'âme ? et cependant nous ne parlons effectivement pas ; ou, si nous parlons, c'est par un mouvement spontané de notre corps. Nous rêvons aussi quelquefois que nous tenons certaines choses cachées en vertu d'une décision semblable à celle qui nous fait taire ces choses durant la veille. Enfin nous croyons en songe faire librement des actions qu'éveillés nous n'oserions pas accomplir ; et puisqu'il en est ain-si, je voudrais bien savoir s'il faut admettre dans l'âme deux espèces de décisions, savoir, les décisions fantastiques et les décisions libres. Que si on ne veut pas extravaguer à ce point, il faut nécessaire-ment accorder que cette décision de l'âme que nous croyons libre n'est véritablenécessaire-ment pas distinguée de l'imagination ou de la mémoire, qu'elle n'est au fond que l'affirmation que toute idée, en tant qu'idée, enveloppe nécessairement (voir la Propos. 49, partie 2). Par conséquent, ces décisions de l'âme naissent en elle avec la même nécessité que les idées des choses qui existent actuellement. Et tout ce que je puis dire à ceux qui croient qu'ils peuvent parler, se taire, en un mot, agir, en vertu

Aussi pense-t-on que cela seulement est au pouvoir de notre âme, savoir, de nous taire ou de parler à volonté sur une chose que la mémoire nous rappelle. Mais, en vérité, quand nous rêvons que nous parlons, ne croyons-nous pas que nous prononçons certaines paroles en vertu d'une libre décision de l'âme ? et cependant nous ne parlons effectivement pas ; ou, si nous parlons, c'est par un mouvement spontané de notre corps. Nous rêvons aussi quelquefois que nous tenons certaines choses cachées en vertu d'une décision semblable à celle qui nous fait taire ces choses durant la veille. Enfin nous croyons en songe faire librement des actions qu'éveillés nous n'oserions pas accomplir ; et puisqu'il en est ain-si, je voudrais bien savoir s'il faut admettre dans l'âme deux espèces de décisions, savoir, les décisions fantastiques et les décisions libres. Que si on ne veut pas extravaguer à ce point, il faut nécessaire-ment accorder que cette décision de l'âme que nous croyons libre n'est véritablenécessaire-ment pas distinguée de l'imagination ou de la mémoire, qu'elle n'est au fond que l'affirmation que toute idée, en tant qu'idée, enveloppe nécessairement (voir la Propos. 49, partie 2). Par conséquent, ces décisions de l'âme naissent en elle avec la même nécessité que les idées des choses qui existent actuellement. Et tout ce que je puis dire à ceux qui croient qu'ils peuvent parler, se taire, en un mot, agir, en vertu