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2. Trajectoire de recherche

2.2. De l'agroforesterie aux dynamiques de mise en valeur du territoire et aux processus

2.2.1. De la gestion des ressources à l’analyse spatiale

Mes recherches ont débuté par des analyses systémiques sur les pratiques d'exploitation et de gestion des arbres. La parcelle est alors le niveau d'analyse privilégié. Elle est le lieu où converge un ensemble de contraintes écologiques, techniques et socio-économiques situées à des niveaux d'organisation supérieurs. L'inventaire ethnobotanique des arbres d'usage courant et l'analyse des modes d'exploitation des différents peuplements ligneux ont été menées à ce niveau (Gautier, 1991 ; Gautier, 1993 ; Gautier, 1994c ; Gautier, 1994d).

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parcelle pouvait être suffisant pour l'étude du fait technique, la gestion des ressources renouvelables a d’autres déterminants qui obligent à mettre en relation le fait technique de niveau parcellaire avec l’organisation des systèmes de production, des systèmes sociaux et des systèmes territoriaux dans lesquels il s’insère. En particulier, son analyse serait incomplète si on ne prenait pas en compte la localisation de la parcelle dans l'unité de production et dans le territoire qui en détermine en partie l'usage et le mode de gestion, tout autant que cet usage et ce mode de gestion contribuent à construire le territoire d’un groupe social donné. Elle serait aussi incomplète si on ne prenait pas en compte l’intégration de la parcelle dans les niveaux d'organisation spatiale où elle interagit avec les autres unités spatiales. Si l'exploitation de l'arbre se fait au niveau de la parcelle, sa gestion est réfléchie globalement par des ménages ruraux au niveau de leur unité d’exploitation, par des communautés rurales au niveau de leurs territoires ou par des groupes d’usagers au niveau de l’espace d’exercice de leurs activités qui peut aller de l’échelle d’une commune à celle d’un bassin d’approvisionnement d’une ville (Brunet, 1969 ; Dollfus, 1971). Elle est par ailleurs conditionnée par des droits d’accès et d'usage (Weber et al., 1993a ; Agrawal, 2001 ; Ribot et al., 2003), des circuits d'écoulement et des réseaux sociaux qui sont révélés par une analyse au niveau des espaces appropriés par le ménage, la communauté rurale ou les groupes d’usagers, c'est-à-dire des territoires qu’ils revendiquent comme leurs.

Ce constat m'a conduit, en premier lieu, à dépasser le cadre de la parcelle, dans lequel s'expriment les pratiques paysannes, pour me placer à des niveaux systémiques englobants, celui du système de production, puis du système rural, qui permettent de mieux prendre en compte les différents facteurs jouant sur la gestion des arbres.

Il m’a ensuite amené à intégrer le facteur spatial dans l'analyse, puisqu’il permet de révéler certains choix de gestion, de les expliquer et de mieux comprendre ainsi les conditions de la cohérence du système rural (qui s’inscrit dans le territoire d’une société), ainsi qu’au niveau inférieur, celle des systèmes de production (qui s’inscrit dans l’espace d’une exploitation agricole ou pastorale). A ce stade, un double changement de posture d’analyse s’est ainsi opéré, touchant à la fois au changement de niveaux systémiques et à une intégration du facteur spatial, sans que des liens formels n’aient été a priori recherchés entre niveaux systémiques et espace.

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emprise spatiale (Gautier, 1994d) a permis d’identifier d'une part des "relations verticales", c’est-à-dire d’articulation, en un lieu donné, entre les facteurs biophysiques, techniques, socio-économiques ou culturels de différents niveaux systémiques qui sont prégnants à un niveau d'organisation spatial donné et influencent la gestion de l’unité territoriale ; d'autre part, des "relations horizontales", c’est-à-dire, à un niveau d’organisation spatiale donné, des interactions systémiques entre unités territoriales. J’ai ainsi pu opérer, au prix d’une réduction argumentée, un glissement du changement de niveau systémique à celui de niveau d’organisation spatiale.

Le jeu de changement de niveau d’organisation spatiale, entre le local et le global, a de fait permis d’enrichir l’analyse systémique :

- du local au global, les recherches sur les pratiques paysannes m’ont permis de m'interroger sur le fonctionnement et la dynamique du bocage (Gautier, 1994a) ;

- du global au local, l'analyse du bocage et de sa cohérence organisationnelle m’a conduit à approfondir mes recherches sur les pratiques paysannes jusqu'à un niveau de connaissance technique qui permette d'expliquer en partie les évolutions de ce bocage (Gautier, 1995c ; Gautier, 1996b).

Figure 6 : Analyse systémique de la gestion des ressources arborées en pays Bamiléké (Ouest-Cameroun et changement d’échelles spatiales

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organisations spatiales, mises en lien avec des systèmes de production et de gestion, m’est apparue comme un complément intéressant de l'analyse des pratiques pour comprendre la gestion des ressources renouvelables. J’ai pu, grâce à l’intégration du facteur “espace” dans l’analyse systémique, mieux comprendre les déterminants des pratiques en un lieu donné par changement de niveau spatial, à travers les relations verticales, qui permettent d’identifier une partie de ces déterminants et d’évaluer leur poids relatifs. J’ai pu également comprendre l’articulation des pratiques dans l’espace, à un niveau spatial donné, en “territorialisant” ces pratiques relativement à des stratégies d’acteurs induites par des représentations, des savoir-faire et des savoirs, mais aussi contraintes par des potentialités écologiques, ainsi que par des droits d’accès et d’usage, à travers des relations horizontales. Dès lors, l'acquisition de concepts, de méthodes et d'outils nécessaires à l'analyse spatiale est apparue comme un complément nécessaire à ma démarche, qui justifiait d’une part un approfondissement en géographie et d’autre part une orientation de mes recherches sur l’articulation entre pratiques de gestion des ressources naturelles et organisation et dynamiques spatiales.

2.2.2. De l’analyse spatiale à l’analyse des dynamiques de mise en