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D/ Modalités d’intégration des JEEQ dans les entreprises

Dans notre précédent travail de recherche, nous avions distingué deux grands volets d’actions des entreprises en faveur de l’insertion des personnes éloignées de l’emploi. Le premier, dénommé « volet caritatif », regroupe les actions visant à venir en aide à distance à des personnes en difficulté, via le mécénat financier, le mécénat de compétence, le bénévolat de salariés, les politiques d’achats et d’investissements responsables etc. Nous mettons ici de côté la plupart de ces activités, qui, par essence, engagent peu les entreprises, touchent des volumes faibles de bénéficiaires, pour des résultats qui ne sont pour ainsi dire jamais évalués.

Le second volet, dénommé « volet intégratif », regroupe les actions visant à intégrer les personnes au sein même des entreprises engagées. Ce sont ces modalités qu’il nous paraît intéressant de rappeler ici, rapportées à l’insertion durable des jeunes éloignés de l’emploi de qualité :

• Signer des textes publics attestant d’une volonté d’agir en matière d’intégration des JEEQ. Exemple : la Charte de la Diversité (mentionnée plus haut), ou encore la Charte de l’Apprentissage. Celle-ci incite les entreprises signataires à l’usage des contrats d’apprentissage, des contrats de professionnalisation et des CIVIS. La Charte de l’apprentissage se décline différemment selon qu’elle est signée par une grande entreprise ou une PME. Dans les grandes lignes, elle engage l’entreprise signataire à accueillir plus d’alternants, à respecter la diversité de leurs profils sociodémographiques, à encourager les tuteurs des alternants et valoriser leur rôle, à associer les partenaires sociaux à la démarche d’intégration des alternants, enfin à publier des chiffres sur les efforts consentis.

• Former en entreprise, sans obligation d’embauche (simples visites, stages, participation à des programmes de formation hors alternance). Exemple : les Evaluations en Milieu du Travail proposées par l’ANPE.

• Elargir ses viviers de recrutement en développant des partenariats avec les dispositifs recensés dans la troisième partie de ce cahier de recherche : Missions Locales, Plans Locaux pour l’Insertion et l’Emploi (PLIE), Ateliers et Chantiers d’Insertion, SPE, Ecoles de la 2ème Chance, Centres Défense 2ème Chance, etc. Cet élargissement peut prendre la forme d’une sous-traitance d’une partie du recrutement, en recourant à des Associations Intermédiaires ou à des Entreprises de Travail Temporaire d’Insertion (ETTI). Il peut également passer par une mutualisation d’une partie du recrutement, en participant à des Groupements d’Employeurs pour l’Insertion et la Qualification (GEIQ)124.

• Faire évoluer ses méthodes de recrutement, en diffusant une culture de la diversité au sein de l’entreprise. Concrètement, il s’agit de travailler avec les cadres opérationnels sur le

124 Il existe aussi des « Plates-formes Interentreprises de Qualification et d’Insertion » (PIQI), qui poursuivent un objectif

proche de celui des GEIQ, mais fonctionnent de façon beaucoup plus légère : aucun engagement financier de la part des entreprises, pas de structure juridique. Autrement dit, elles visent simplement la constitution d’un vivier partagé de compétences (en faisant appel au SPE et au tissu associatif local).

dépassement de leurs préjugés, de recruter des personnes convaincues à des postes clé (notamment dans les services de ressources humaines, quand ils existent) et d’intégrer des méthodes de gestion de la diversité dans les processus de recrutement. En voici trois exemples :

- L’usage de CV anonymes ;

- L’objectivation des embauches par le biais d’un recrutement par habileté125 ;

- L’intégration de la notion de suivi post emploi pour les jeunes en rupture nouvellement embauchés : période d’accueil et d’intégration, tutorat en entreprise, appel à un suivi extérieur pour la résolution d’éventuelles difficultés personnelles.

• S’implanter dans des quartiers sensibles (Zones Urbaines Sensibles, Zones Franches Urbaines), non seulement pour les avantages fiscaux qu’on y trouve, mais aussi pour participer au développement du territoire en embauchant des jeunes salariés issus du bassin local. A signaler : en mai 2008, dans le cadre du Plan Espoir Banlieue, une cinquante d’entreprises et une dizaines de fédérations professionnelles (la plupart dans les métiers en tension) ont signé pour trois ans « un engagement national pour l’emploi des jeunes des quartiers, destiné à promouvoir le recrutement des jeunes de moins de 26 ans domiciliés en ZUS ou en zone couverte par un CUCS (Contrat Urbain de Cohésion Sociale) »126. Les entreprises signataires se sont engagées sur des objectifs de recrutement suivants (pour la période 2008-2010) : 70 000 emplois en CDI ou CDD, 9 000 contrats en alternance et 36 000 stages.

Il est remarquable que les entreprises, notamment les plus grandes, participent volontiers à des événements ponctuels en faveur de l’intégration de publics éloignés de l’emploi, en particuliers de jeunes. On peut rappeler ici les diverses opérations évoquées plus haut : « Jobs & Cité », « 100 Chances 100 Emplois », « Quartiers Libres pour l’emploi », « Les nuits de l’orientation », etc. Il s’agit généralement de forums de rencontre entre jeunes et entreprises, donnant lieu à des moissons de CV et des journées d’entretiens rapides, mais dont les retombées sont minces en termes d’emploi de qualité. A l’inverse, rares sont les entreprises travaillant sur le long terme à l’intégration durable des jeunes éloignés de l’emploi de qualité.

Les enjeux de la qualité de l’emploi

Au-delà de la question primordiale de l’intégration à proprement parler des JEEQ dans les entreprises, soulignons ici les enjeux relatifs à la qualité des emplois proposés aux jeunes. De nombreux acteurs de terrain insistent en effet sur la raréfaction des postes en CDI à temps plein, sur les excès du recours à l’intérim et au temps partiel, ou encore sur la faible mobilisation de la formation continue, autant de domaines où les employeurs ont un rôle essentiel à jouer.

125 Le recrutement par habileté consiste à tester les compétences du candidat en lui faisant faire des exercices en situation

réelle de travail. En théorie, il est censé remplacer l’étape du CV, pour contourner l’écueil de l’insuffisance de diplômes. Cf. la Méthode de Recrutement par Simulation (MRS) développée par l’ANPE pour les jeunes envoyés par les Missions Locales.