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PROJETS DE RECHERCHE

2.3. Développements ultérieurs

Après l’analyse du fonctionnement des particules -kin et -kAAn dans le domaine verbal, j’envisage de poursuivre l’étude dans deux directions. D’un côté, je me pencherai sur les emplois de -kAAn dans le domaine nominal, qui se répartissent, comme les emplois de -kin, en combinaisons lexicalisées et en combinaisons occasionnelles. Les premières sont constituées par les pronoms à polarité négative, formés à partir des bases ku- (~ ken-) et mi-, comme kukaan « personne », mikään « rien », kumpikaan « aucun des deux », et les deuxièmes sont des instanciations de la construction NP-kAAn (12).

(12)

Matti (…) alkoi riisuutua saunaan. Matti commencer.PRET.3 se.déshabiller.INF sauna.ILL

« Matti (…) commença à se déshabiller pour aller au sauna. Ei puhunut mitään eikä Liisakaan puhunut. NEG.3 parler.PPA rien.KAAN NEG.COOR Liisa.KAAN parler.PPA

Il ne disait pas un mot et Liisa ne parlait pas non plus. » (J. Aho, Rautatie, 1884)

De même que dans le domaine verbal, certains facteurs incitent à traiter -kAAn comme une unité à part entière dont les emplois peuvent être complémentaires avec ceux de -kin, mais ne le sont pas obligatoirement. On peut d’abord noter que les pronoms formés à l’aide de -kin et de -kAAn ne s’organisent pas de manière prévisible en couple d’expressions à polarité positive et négative (on a, par exemple, kumpi-kin « chacun des deux » vs. kumpi-kaan « aucun des deux » avec la même base et jo-kin « quelque chose » vs. mi-kään « rien » avec deux bases différentes). Un autre exemple de dissymétrie est celui des expressions à deux proformes (milloin mikin « tantôt un, tantôt un autre ») qui n’ont pas d’équivalent en contexte négatif. Il convient également de préciser que -kAAn est une spécificité du finnois et des dialectes finnois, qui n’existe pratiquement pas dans les autres langues fenniques (Mäkelä 1993 : 23 ; Haspelmath 1997 : 224).

L’objectif de cette partie de l’étude sera de réfléchir à la référence non spécifique en contexte à polarité négative et de déterminer à partir de là en quoi les emplois nominaux de -kAAn sont différents de ceux de -kin. Comme le montre (12), le pronom à polarité négative mitään « rien » (forme partitive de mikään) instancie une place d’argument dans la construction du prédicat verbal négatif pour indiquer que cette place est référentiellement vide (cf. Brown 1985 : 129 ; ISK 2004 : § 757). Compte tenu du fonctionnement de -kAAn adjoint à une base pronominale, on peut formuler l’hypothèse suivante sur la construction NP-kAAn : la particule -kAAn signifie

que l’élément focalisé (Liisa dans 12) est exclu du rôle (‘parleur’) qu’il instancie auprès du prédicat verbal négatif. Dans (12), cette exclusion s’appuie sur la prédication négative précédente qui a consisté à éliminer un premier candidat du même rôle.

Là où l’enclitique -kin marque une opération de parcours dans une classe, ouverte ou fermée, constituée par des éléments discrets, -kAAn fonctionne comme la marque de la construction d’une classe vide – où le parcours n’est pas possible.

D’un autre côté, l’étude sera élargie vers les adverbes porteurs du suffixe -kin ou -kAAn. On peut distinguer, sur la base de critères sémantiques, différentes expressions, telles que les adverbes concessifs (kuitenkin ~ kuitenkaan « cependant »), les adverbes modaux (varmaankin ~ varmaankaan « certainement ») et les expressions négatives (ollenkaan « pas du tout »). Une autre façon de classer ces adverbes consiste à déterminer la classe lexicale et les propriétés morphologiques de la base à laquelle le suffixe -kin/-kAAn est adjoint. La question qui m’intéresse en particulier est de savoir comment expliquer le glissement de -kin et de -kAAn vers les expressions adverbiales et plus généralement la tendance qu’ont ces enclitiques à développer de nouveaux emplois (cf. Vilkuna 1984 : 400 ; Korhonen 2013).

Les différentes phases du projet d’étude sur -kin et -kAAn sont présentées ci-dessus comme successives. Pour avancer la réflexion sur le fonctionnement de ces particules tout en tenant compte de la diversité de leurs emplois, des allers et des retours entre les différents domaines sont prévus lors de la réalisation du projet.

Le corpus de base que j’ai constitué pour la mise en place du projet (voir note 79 et Duvallon, à paraître b*) sera étoffé au fur et à mesure de l’avancement du travail, en fonction des besoins de l’analyse qualitative. Pour ce faire, j’utiliserai principalement les bases de données disponibles en ligne, comme le corpus de textes Kaino81 et le corpus de textes finnois accessible par l’interface Korp de Kielipankki (The Language Bank of Finland)82.

3.CO-OCCURRENCE DES PARTICULES DISCURSIVES ET AGENCEMENT DES CONSTITUANTS

Un autre projet d’étude porte sur la co-occurrence de plusieurs particules discursives au sein d’un énoncé. Les particules sont généralement décrites une par une alors que les énoncés peuvent être marqués par différentes combinaisons de particules. Les exemples cités dans ce chapitre permettent d’observer que -hAn et -kin/-kAAn peuvent apparaître ensemble (les ex. 8

81 http://kaino.kotus.fi/korpus/meta/korpus_coll_rdf.xml

et 10 ; voir aussi A. Hakulinen 2001 [1976] : 67, 73, 79-82). Une autre combinaison possible est celle de -hAn et de nyt (voir Chap. 1, les ex. 18a-b ; Chap. 3, 1.4.). Les énoncés marqués par plusieurs particules se caractérisent aussi par un agencement des constituants non neutre, avec l’élément porteur de -hAn en tête d’énoncé (position K) et un ordre complément(s)-verbe dans le champ final de l’énoncé.

Mon intention est d’étudier ce type d’organisations afin de déterminer la façon dont les différents marqueurs (particules et ordre des mots) interagissent entre eux pour donner à l’énoncé sa valeur textuelle et discursive (concession, confirmation, objection, etc.). Une piste à explorer pour expliquer les co-occurrences de -hAn et de -kin est que ces particules impliquent, chacune à sa façon, une validation première de la relation prédicative qui est exprimée par l’énoncé (voir 2.2. ci-dessus et Chap. 3, 2.).

4.PROJET DAPPLICATION PÉDAGOGIQUE

La description des particules du discours constitue un défi pour une linguistique qui se donne comme objet d’étude la structuration des textes suivis attestés, oraux aussi bien qu’écrits. Ces mêmes éléments représentent aussi un défi pour l’enseignement et l’apprentissage des langues étrangères. Un projet d’application pédagogique auquel je songe depuis plusieurs années consiste à élaborer un manuel sur les particules discursives du finnois, destiné aux apprenants du finnois langue étrangère.

Ce manuel pourra s’appuyer sur le classement des particules proposées par ISK (La grande grammaire du finnois, 2004 : § 792) qui distingue différents groupes d’unités en fonction de leur position dans le tour de parole (particules pouvant former seules un tour de parole, particules au début d’un tour de parole, particules à intérieur d’un tour de parole). Le but sera de réfléchir sur une application pédagogique des résultats des différents travaux sur les particules, menés ces dernières décennies.

Le manuel commencera par une présentation introductive des notions clés liées à l’organisation textuelle et interactionnelle du discours au-delà de l’unité phrastique. Une attention particulière devra être accordée à la polycatégorie des particules et aux critères distributionnels qui permettent à la fois d’expliquer comment se construisent leurs différentes valeurs et de distinguer ces valeurs les unes des autres.

La réalisation de ce projet pourra se faire en collaboration avec un collègue spécialisé dans l’enseignement pratique du finnois langue étrangère.

Chapitre 5

ACTIVITÉS DE RECHERCHE COLLECTIVES, FORMATION