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IV. L E TISSU ADIPEUX

2. Développement du tissu adipeux blanc

2.1. Mécanismes généraux de l’adipogenèse

Les adipocytes dérivent des cellules souches mésenchymateuses. Ces cellules

multipotentes peuvent se différencier en ostéoblastes, chondrocytes, myocytes et en

adipocytes. On distingue deux phases dans l’adipogenèse : la détermination et la

différenciation. La détermination consiste en la conversion des cellules souches

mésenchymateuses en pré-adipocytes. Peu d’informations sont actuellement disponibles sur

cette étape. Il semble cependant que la détermination en pré-adipocyte résulte d’une

impossibilité à se différencier en d’autres types cellulaires que l’adipocyte : les pré-adipocytes

possèdent des caractéristiques morphologiques semblables aux cellules souches

mésenchymateuses, mais leur engagement dans la lignée adipogénique ne leur permet plus de

se différencier en un autre type cellulaire. La phase de différenciation est mieux connue car

les études sur l’adipogenèse sont principalement issues de recherches in vitro sur

pré-adipocytes (lignées 3T3-L1 principalement). Cette phase correspond donc à l’acquisition par

les pré-adipocytes des caractéristiques des adipocytes matures.

Récemment, des études in vivo ont permis de localiser les progéniteurs des adipocytes

dans le compartiment périvasculaire du tissu adipeux blanc (Gregoire, 2001 ; Rosen, 2006). Il

a également été montré qu’il était possible reconstituer une masse adipeuse chez des souris

lipodystrophiques en utilisant ces progéniteurs. In vitro, la stimulation des pré-adipocytes

conduit à leur prolifération et leur différenciation en cellules matures. La différenciation

adipocytaire met en jeu de nombreux facteurs de transcriptions parmi lesquels les C/EBP

(CCAAT/Enhancer Binding Proteins), les SREBP (Sterol Regulatory Element binding

Protein), les KLF (Kruppel-Like zinc finger transcription factor) ou encore les PPAR

(Peroxisome Proliferator-Activated Receptor) qui sont à l’heure actuelle considérés comme

les principaux facteurs de transcription impliqués dans l’adipogenèse.

Les PPAR sont des facteurs de transcription de la superfamille des récepteurs

nucléaires. Leur activation dans le foie des rongeurs induit la prolifération des peroxisomes,

ce qui leur a donné leur nom. Il existe trois grands types de PPAR : PPARα, PPARβ/δ et

PPARγ. Les PPARγ jouent un rôle prépondérant dans l’adipogenèse : chez l’homme comme

chez la souris, on retrouve deux isoformes des PPARγ : PPARγ1 et PPARγ2 (Zhu, 1995), qui

ne différèrent que d’une trentaine d’acides aminés. PPARγ active ses gènes cibles en se fixant

aux sites PPARγ Responsive Element (PPRE), après dimérisation avec le récepteur RXR

(9-cis retinoic receptor) (Koppen 2010).

Les deux isoformes PPARγ1 et PPARγ2 sont fortement exprimées durant la

différenciation préadipocytaire (Figure 14). Il a été montré que les PPARγ permettent la

différenciation des adipocytes in vivo et in vitro (Rosen, 1999). Parmi les ligands exogènes,

les thiazolidinédiones (TZD), classe de médicaments anti-diabétiques, sont les plus connus

(Lehrke, 2005) : ils permettent l’augmentation des capacités de stockage des lipides dans les

adipocytes et donc la diminution des quantités d’acides gras circulants. Il a été montré que les

PPAR avaient la capacité de stimuler la différenciation des pré-adipocytes, conduisant ainsi à

une augmentation du nombre de petits adipocytes, plus sensibles à l’insuline (Okuno, 1998).

Les PPARγ sont nécessaires pour induire la différenciation cellulaire (Rosen, 1999) et seraient

également suffisants pour convertir des cellules non adipeuses en adipocytes (Siersbaek,

2010). Récemment il a été montré que les PPARγ pouvaient participer au développement du

phénotype «brown adipocyte-like » (Elabd, 2009).

Figure 14. Implication des PPARγ dans la différenciation adipocytaire.

2.2. Développement du tissu adipeux dans l’obésité : hypertrophie ou

hyperplasie ?

L’obésité correspond à une augmentation excessive de la masse du tissu adipeux.

Cette augmentation peut être due à une hypertrophie ou à une hyperplasie adipocytaires. Les

données de la littérature à ce sujet sont parfois contradictoires. Plusieurs études ont montré

qu’à l’âge adulte, les variations de masses grasses se traduisent principalement par une

variation de la taille et non du nombre des adipocytes : une prise de poids sur plusieurs mois

est associée à une augmentation du volume adipocytaire indépendamment du nombre

d’adipocytes (Salans, 1973). La perte de poids conduit à une diminution du volume

adipocytaire sans modification du nombre d’adipocytes (Spalding, 2008 ; Lofgren, 2005).

L’hypertrophie est retrouvée dès le surpoids et précède l’hyperplasie (Arner, 2010). En

revanche, l’hyperplasie est caractéristique des obésités sévères ou morbides. Les sujets

présentant une hypertrophie adipocytaire ont significativement moins d’adipocytes

indépendamment de leur masse grasse totale. La morphologie du tissu adipeux semble

également être importante du point de vue clinique : dans une étude réalisée sur une

population suédoise, les individus en bonne santé et non-obèses présentant des hypertrophies

du tissu adipeux ont un moins bon index d’insulino-sensibilité et une insulinémie plasmatique

à jeun plus élevée que ceux présentant une hyperplasie du tissu adipeux sous-cutané. En outre,

l’hypertrophie adipeuse est un facteur de risque indépendant de développer un DT2 (Lonn,

2010). Au niveau moléculaire, l’hypertrophie adipocytaire est associée à une altération des

signalisations intracellulaires. In vitro, une augmentation de l’activité de NF-κB a été

observée durant la différenciation et l’hypertrophie de cellules 3T3-L1 (Berg, 2004). Une

augmentation de la réponse au TNF-α a également été observée dans le tissu adipeux de sujets

obèses, or ce phénomène est médié par l’hyperactivation de la voie NF-κB et diminué par les

inhibiteurs de NF-κB (Maury, 2009). En outre, l’administration d’inhibiteur de NF-κB à des

individus obèses permet une diminution de la glycémie, de l’insulino-résistance et des

paramètres inflammatoires (Fleischman, 2008). La taille des adipocytes hypertrophiés peut

atteindre 150 à 200 µm et cette hypertrophie conduit à la dérégulation de la production des

adipokines(Skurk, 2007).

L’hypothèse d’une « taille critique des cellules adipeuses » suggère qu’une taille

donnée des adipocytes conduit à leur multiplication. A l’heure actuelle, on ne sait pas si

l’hyperplasie retrouvée chez les personnes obèses est la conséquence d’un recrutement

d’adipocytes à l’âge adulte ou au contraire si elle est le reflet d’une prédisposition à l’obésité

(par leur nombre important d’adipocytes avant l’âge adulte). Cependant, des études ont

récemment montré l’existence d’un turnover dans les adipocytes : tous les 8 ans environ,

50 % des adipocytes du tissu sous-cutané humain sont ainsi remplacés (Spalding, 2008). Si ce

phénomène semble exister chez les individus sains et obèses, il est également lié à la

morphologie du tissu adipeux : chez les individus obèses présentant majoritairement une

hypertrophie adipocytaire, on constate une diminution de l’adipogenèse et de la mort

cellulaire des adipocytes (Arner, 2010). Cependant, il a été retrouvé chez l’homme et chez la

souris des adipocytes apoptotiques et nécrotiques, sans variation de leur nombre (Cinti, 2005),

ce qui suggère donc l’existence d’un renouvellement des adipocytes sans diminution de leur

nombre. En outre, la nécrose des cellules ainsi que l’activation et le recrutement des

macrophages augmentent avec l’IMC. Cette nécrose adipocytaire semble donc jouer un rôle

important dans le développement de pathologies liées à l’obésité.