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Développement territorial au Brésil :

quelles possibilités pour des

territoires en marge comme le

Cariri ?

Au Brésil, le concept de développement territorial apparait dans la continuité des réflexions sur les politiques publiques destinées au renforcement de l’agriculture familiale. La section 1.1 présente l’évolution des politiques publiques destinées à l’agriculture et la manière dont elles ont progressivement pris en compte l’agriculture familiale, pour arriver à une orientation territoriale. Nous nous intéressons plus particulièrement à l’évolution des politiques dans le semi-aride brésilien, situé dans la région Nordeste. Dans la section 1.2, cette évolution est illustrée au travers des dynamiques sociales qui se sont développées ces dernières années dans le territoire du Cariri, considéré comme l’un des plus pauvres territoires de la région Nordeste. Ceci permet de mieux identifier les attentes des acteurs du Cariri vis-à-vis de l’UniCampo.

1.1

Prise en compte progressive de l’agriculture familiale par les

politiques publiques

1.1.1

Une agriculture duale, mais non reconnue

Dès la colonisation du Brésil, un système dual d’agriculture s’est mis en place (Delgado, 1985). Une agriculture reconnue, celle des grands propriétaires terriens, qui produit des produits destinés en majeur partie à l’exportation (initialement le sucre, puis le café, le cacao, plus tardivement le coton, et aujourd’hui, le soja) cohabite avec une agriculture de « marge », développée par les ouvriers agricoles ou de petits paysans, avec des petits systèmes vivriers

CHAPITRE 1. DEVELOPPEMENT TERRITORIAL AU BRESIL

essentiellement destinés à l’autoconsommation, sur les espaces délaissés par les grands propriétaires (Théry, 2000).

Cette structure est particulièrement visible dans le Nordeste du Brésil, la première région colonisée, où les modes de domination entre grands propriétaires et ouvriers agricoles sont encore marqués (Pessoa, 1990). Sur le littoral, la canne à sucre occupe encore presque toutes les surfaces agricoles qui appartiennent aux mêmes oligarchies depuis près de 5 siècles. Plus à l’intérieur des terres, sur les plateaux du Sertão1, l’élevage bovin extensif s’est développé depuis la deuxième moitié du 17ème siècle, en complémentarité avec le système intensif de canne à sucre. Ces deux systèmes, développés sur d’énormes fazendas (grandes propriétés foncières), s’appuient sur un réservoir important de main d’œuvre peu chère (coupeurs de canne ou vachers). Pour survivre, les « moradores » (ceux qui habitent sur les propriétés et s’en occupent) et les ouvriers agricoles cultivent des petits jardins où ils plantent des haricots et du mais, mais restent dépendants des grands propriétaires, qui tolèrent qu’ils cultivent sur leurs terres, et qui en les payant, leur permettent d’avoir les liquidités nécessaires à leurs achats. Cette petite agriculture est donc précaire, maintenue par le système des fazendas. Elle va de paire avec un système politique paternaliste, où le « colonel », le grand propriétaire, offre ses faveurs contre une garantie de vote. Cependant, un autre type d’agriculture surgit aux franges entre ces deux systèmes, dans l’agreste2, une zone intermédiaire entre le littoral et les grands plateaux du Sertão. Des petits agriculteurs ont réussi à y développer des systèmes autonomes, basés sur une grande variété de cultures (fruits et légumes, manioc).

Bien que la majorité de la population rurale dépende de la petite agriculture, celle-ci a été longtemps délaissée par les politiques publiques. Les seuls politiques à destination des populations rurales étaient des politiques d’émigration organisée, vers les terres « vierges » de l’Amazonie. Par contre, différentes politiques étaient destinées à l’agriculture dite « productive ». A partir des années 1950, le Brésil décide de lancer une phase de modernisation de l’agriculture, pour stimuler le capitalisme à partir de l’agriculture et progressivement transformer les relations sociales « archaïques ». Dans le Sertão, un nouveau type d’agriculture familiale apparait, basé sur le coton. Les grandes propriétés sont placées en métayage : les métayers plantent le coton et le vendent au propriétaire foncier. Les grands propriétaires maintiennent le droit de faire passer leur troupeau bovin dans les plantations de coton après la récolte, pour les nourrir à la période sèche. Dans les années 1960, de grands programmes modernisateurs accompagnent ces transformations, notamment avec la création de la SUDENE (Superintendance pour le Développement du Nordeste) pour lancer des grands investissements pour vaincre la sécheresse, notamment au travers de la construction de barrages associés à des périmètres irrigués. L’objectif était d’intégrer toutes les régions au

développement de la nation en vue d’une plus grande compétitivité économique. De nombreuses techniques modernes ont été diffusées au cours des années 1970, accompagnées de crédit et d’assistance technique pour permettre une révolution verte, mais elles n’avaient pas été pensées par rapport aux risques climatiques de la région et conduisirent souvent à des échecs. L’intensification inadaptée et la mauvaise utilisation d’intrants mena à un endettement des agriculteurs et à des problèmes environnementaux : déforestation excessive, lessivage des sols et salinisation des sols dans les périmètres irrigués. La modernisation réduit le besoin en main d’œuvre et la compétitivité augmente entre « entreprises agricoles », comme sont désormais appelées les grandes propriétés. Les familles habitants sur les grandes propriétés sont expulsées pour utiliser toute la terre productive. Ceci mène à une marginalisation des petits agriculteurs et à un accroissement de l’exclusion sociale.

La crise du système devint vraiment visible à la fin des années 1970. La production de coton s’effondra en raison de l’épuisement des sols, de la crise des prix et d’une invasion de ravageurs. Plusieurs années de sécheresse accentuèrent la crise agricole. Les populations rurales partent massivement vers les villes, à la recherche de moyens de survie. Face à cette crise du modèle de développement agricole durant les années 1980, l'Etat s'est désengagé des politiques agricoles et a concentré son effort et ses moyens sur les politiques sociales et d'infrastructures qui ont eu un impact positif sur les conditions de vie. Il s’agissait de maintenir une « économie sans production » (Gomes, 2001; Veiga, 2001).

Cependant, notamment dans les zones de l’agreste où il existait une agriculture familiale autonome, des mouvements d’agriculteurs sont apparus, d’abord appuyés par l’église catholique puis par des ONG, et ont occupé le « vide de l’Etat » (Bonnal et al., 2007). Après la fin du régime militaire qui avait duré près de 20 ans, de 1964 à 1984, des syndicats ont pu s’affirmer. Ceux-ci ont fait pression pour que les communautés d’agriculteurs soient formalisées juridiquement, permettant d’engager des projets à ce niveau. Même si la plupart des projets ont été réalisés à une échelle locale (voire micro-locale), certains devinrent presque des politiques publiques régionales, placées sous l’égide des syndicats. Parmi celles- ci, dans la zone semi-aride, on peut citer : le programme “ Conviver com a Seca ” (« vivre avec la sécheresse ») qui cherche à affirmer la possibilité de vivre, et pas seulement survivre dans le semi-aride ; l’Articulation du Semi-Aride (ASA), qui rassemble des ONG et syndicats pour affirmer la volonté de s’affranchir des élites politiques (Duqué et Oliveira, 2006) ; ou encore, le Programme 1 Million de Citernes (P1MC), qui vise le développement d’une autonomie hydrique, pour permettre de casser l’ « économie de la sécheresse »3.

2

Agreste, du latin agreste, champêtre, désigne une région intermédiaire entre le littoral et le Sertão (voir les zones géographiques sur la Figure 1.1)

3 L’expression « économie de la sécheresse » désigne les activités lucratives réalisées par certains lors de périodes de sécheresse, par exemple en amenant de l’eau par camion sur les fermes isolées, se faisant alors payer par la municipalité pour le service (Souza E. 1986. Economia da seca, UFRN, Natal (Brasil).

CHAPITRE 1. DEVELOPPEMENT TERRITORIAL AU BRESIL

1.1.2

Prise en compte de l’agriculture familiale dans les politiques publiques

A partir de 1994, la petite agriculture devient enfin une préoccupation des politiques publiques. Même si le gouvernement du sociologue Cardoso (1994-2002) est controversé à cause de ses politiques libérales, il a reconnu l’importance du petit entreprenariat et des petits agriculteurs.

Ce gouvernement lance des politiques qui mettent en avant l’idée d’« agriculture familiale », pour l’opposer à l’agriculture patronale des grands propriétaires (Buainain et Romeiro, 2000). Deux programmes notamment ont marqué cette période : le PRONAF (Programme d’appui à l’Agriculture Familiale) et le PDA (Plan de Développement Agraire).

Le PRONAF a été créé en 1995 pour consolider l’agriculture familiale comme catégorie sociale, avec trois grands axes d’actions :

- le financement de la production de l’agriculture familiale : crédits d’investissement et crédits de campagne aux petits agriculteurs4 ;

- la formation et la professionnalisation des agriculteurs familiaux, accompagnés d’appuis aux services de vulgarisation et de formation ;

- le financement d’infrastructures sociales et économiques dans les régions où l’agriculture familiale est fortement présente, encourageant la création de Conseils Municipaux de Développement Rural (CMDR) pour permettre le développement de partenariats.

Pour mettre en œuvre le PRONAF, un Secrétariat du Développement Agraire a été créé au sein du Ministère de l’Agriculture en 1996.

En plus de cette reconnaissance de l’agriculture familiale, à partir de 1996, un programme de réforme agraire est lancé, basé sur le Plan de Développement Agraire (PDA). Jusque là, la réforme agraire avait toujours été un sujet épineux. L’INCRA (Institut National de la Réforme Agraire), créé au début des années 1960 pour permettre une réforme agraire, avait été mis de côté pendant la dictature. En 1985, un nouveau plan avait été élaboré, mais il était trop ambitieux (1,4 million de familles, 46 millions d’ha) et dû être abandonné en 1987, ce qui entraîna la dissolution de l’INCRA. En 1989, celui-ci fut repris, et enfin, en 1996, il a été incorporé à un tout nouveau ministère, le Ministère Extraordinaire de la Politique Foncière pour réellement lancer la réforme agraire (Stedile et Estevam, 2005).

En 1998, le secrétariat du Développement Agraire qui s’occupait du PRONAF et ce Ministère Extraordinaire de la Réforme Agraire ont été regroupés pour former le Ministère du Développement Agraire (MDA). Sa création marque la reconnaissance de la dualité de

4 Les crédits d’investissements sont destinés au long terme (capitaux) et les crédits de campagne (credito safra) sont uniquement destinés à acheter les intrants pour l’année.

l’agriculture brésilienne : d’un côté, le Ministère de l’Agriculture s’occupe de l’agriculture d’entreprise exportatrice, et de l’autre, le Ministère du Développement Agraire s’occupe de l’agriculture familiale et de la réforme agraire. Il était alors composé de deux secrétariats : le Secrétariat de l’Agriculture Familiale (SAF) et le Secrétariat de la Réforme Agraire (SRA).

Cependant, les évaluations du PRONAF ont montré qu’une grande partie des agriculteurs familiaux n’avaient pas eu la possibilité de bénéficier de ce programme, notamment dans le Nordeste (Abramovay et Veiga, 1999; Aquino et al., 2004; Schneider et al., 2004). En plus des critères de viabilité utilisés pour sélectionner les bénéficiaires, qui excluaient les agriculteurs les plus pauvres, il s’avérait qu’une grande partie des acteurs avait peu d’accès à l’information, ce qui diminuait l’efficacité du programme. Ces auteurs dénoncent également une « municipalisation » des CMDR (Conseil Municipaux de Développement Rural). Ces Conseils devaient décider de manière collégiale (élus et société civile) quels investissements réaliser pour mettre en place des infrastructures sociales et économiques. Cependant, dans la réalité, la participation de la société civile était fortement soumise aux volontés des politiques locaux, restant dans la même logique des politiques municipales habituelles : les investissements sont des faveurs politiques en échange de votes.

Face à ce bilan mitigé qui faisait état de l’ « oubli » d’une partie des populations rurales, l’élection de Luis Inacio Lula Da Silva (2002) a suscité des espoirs en faveur du renforcement des appuis à l'agriculture familiale. L'ascension d'un gouvernement populaire semblait pouvoir favoriser la consolidation de politiques et d’actions négociées avec la société civile (Sabourin et al., 2005; Tonneau et al., 2003). Lula décréta d’abord la création d’un Ministère Extraordinaire de la Sécurité Alimentaire, pour coordonner un Programme Gouvernemental Prioritaire, le programme Fome Zero (Faim Zero). A destination des populations les plus pauvres, urbaine et rurale, il s’agissait d’affirmer le droit à l’alimentation (Grzybowski, 2003). Des actions d’urgence prévoyaient la distribution de nourriture contre des coupons alimentaires, mais des actions plus structurelles faisaient aussi partie du programme, notamment pour inciter la production agricole des agriculteurs familiaux (Cazella et al., 2005).

Le PRONAF a aussi été élargi pour prendre en compte d’autres segments de la société qui n’avaient pas encore été considéré (jeunes, femmes) ou pour répondre à des objectifs de projets agricoles plus variés (agro-écologie, forêt, semi-aride).

D’un point de vue opérationnel, le programme restait toutefois polémique (Cazella, Mattei et Cardoso, 2005): l’articulation entre les institutions impliquées était encore très fragile, notamment pour les actions inter-municipales. Par ailleurs, il existait peu d’initiatives basées sur des concertations réelles, les CMDR étant otages des élus locaux. D’autres auteurs montrent que malgré la multiplication d’actions de développement local entreprises par les

CHAPITRE 1. DEVELOPPEMENT TERRITORIAL AU BRESIL

mouvements sociaux (associations, syndicats, ONG), les responsables locaux n’étaient pas engagés dans la négociation des politiques publiques (Tonneau et al., 2005). Ainsi, même si l’agriculture familiale avait été reconnue, les pratiques assistencialistes et clientélistes n’avaient pas été modifiées et les petits agriculteurs restaient dans un rapport de dépendance face aux élites politiques.

1.1.3

Vers une territorialisation des politiques publiques

Face à la difficultés d’impliquer les acteurs, le MDA décida en 2003 de créer en son sein un Secrétariat du Développement Territorial (SDT), pour construire une politique centrée sur des territoires, qui permettraient de s’affranchir du poids des élites locales et d’engager une communication entre société civile et élus, au travers de forums territoriaux (Duncan, 2003).

Progressivement, de nombreuses politiques ont pris une orientation territoriale. En 2002, le gouvernement précédent avait lancé un programme appelé DLIS (lire « délice ») pour encourager un Développement Local Intégré Durable. Piloté par le SEBRAE (Agence d’Appui aux Petits Entrepreneurs), ce programme visait à encourager des activités artisanales pour diversifier l’économie au niveau des territoires. Les lignes du programme étaient définies dans un Pacte pour un territoire donné. Ce Pacte devait être défini par un collectif. Souvent, ce collectif était constitué uniquement d’élus politiques et de grands entrepreneurs, les élites habituelles des territoires.

Le Ministère de l’Intégration Nationale adopta aussi une perspective territoriale notamment pour repenser le rôle de la SUDENE (l’organisme planificateur des grands investissements pour le Nordeste qui avait surtout contribué à construire des éléphants blancs) (Ministério da Integração Nacional, 2003).

Cependant, ces deux initiatives restaient dans une perspective très économique des territoires. L’objectif du SDT était d’aller au-delà et de modifier les dynamiques politiques, reconnaissant le droit des acteurs à contribuer activement à l’élaboration des politiques publiques et à leur mise en œuvre (FLS/Contag-Sebrae, 2003). Le défi était de faire en sorte que les projets soient l’expression des nécessités de populations. Faire face à ce défi suppose de trouver de bonnes solutions aux anciens problèmes des programmes de développement : rapprocher les preneurs de décision des réalités sociales, garantir la participation des organisations de la société civile, dynamiser les administrations municipales déficientes en ressources humaines et financières et viabiliser le fonctionnement des conseils municipaux (Tonneau et Cunha, 2005).

Le SDT a identifié sa mission comme étant « d’appuyer les organisations et le renforcement

institutionnel d’acteurs sociaux locaux dans la gestion participative du développement durable des territoires ruraux et de promouvoir la mise en place et l’intégration de politiques

publiques » (SDT/MDA, 2005b). Sa proposition était d’établir une nouvelle culture politique,

centrée sur les hommes, et permettant de nouvelles articulations institutionnelles (Cazella, Mattei et Cardoso, 2005). Dans le document présentant sa stratégie, le SDT (2005b) propose de « dépasser la vision conventionnelle du capital, en mettant l’accent sur le capital humain,

en tant que capacité de transformation inhérente à la connaissance des personnes ; du capital social, en tant que relations horizontales (réseaux) ou verticales (contrat d’intégration), pour rendre viable la gouvernance ; du capital naturel, comme base des ressources naturelles. ».

Les objectifs fixés sont :

- « renforcer la capacité des acteurs d’un territoire à se coordonner, à définir ensemble

des orientations et à mettre en œuvre les moyens de les atteindre »

- « renforcer les capacités des acteurs de l’agriculture familiale à contribuer de manière

active à la définition et mise en œuvre de projets et d’instruments de politiques publiques territorialisés ».

Pour le SDT, le territoire est un « espace physique, géographiquement délimité, comprenant

des villes et des campagnes caractérisées par des critères multidimensionnels, au travers de l’environnement, l’économie, la société, la culture, la politique et les institutions et une population avec des groupes sociaux relativement distincts, où peuvent être identifiés des éléments d’identité, de cohésion sociale, culturelle et territoriale » (SDT, 2005). Dans les

faits, c’est autour de projets que le SDT propose de renforcer les territoires, même si ces territoires sont plus ou moins « pré-définis ».

En 2003, le SDT lance le PRONAT (Programme National de Développement Durable des Territoires Ruraux) et choisit 118 territoires pilotes pour y développer cette politique. Il se base sur deux critères : qu’il s’agisse d’un territoire rural (densité < 80 hab/km², population moyenne par municipalité : 50.000 habitants) ; que ce territoire corresponde aux priorités du MDA, à savoir avec une forte présence de l’agriculture familiale et l’émergence d’une organisation du territoire au travers de partenariats entre société civile et gouvernants au sein de conseils.

A partir de 2004, le SDT a affecté un coordinateur dans chaque état fédéré, pour mener une délégation chargée d’appuyer dans les territoires la mise en place d’une Commission d’Implantation des Actions Territoriales (CIAT), basée sur une parité entre institutions civiles et gouvernementales. Ces commissions sont provisoires et doivent déboucher sur des Forums Territoriaux, aussi nommés CODETER (Collège de Développement Territorial), qui rassemblent l’ensemble des représentants des institutions (société civile et élus) du territoire. Pour orienter le processus, le SDT propose quelques grandes lignes d’organisation, mais chaque territoire doit définir lui-même son mode de fonctionnement au travers d’une charte.

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A partir d’un inventaire des activités du territoire et des actions de gestion déjà existantes (notamment les forums municipaux, les CMDR), le Forum (CODETER) est chargé d’élaborer un Plan Territorial de Développement Rural Durable (PTDRS) pour fixer ses priorités. A partir de ce plan, le Forum définit différents projets sur une base annuelle, le SDT allouant un budget de 500.000 reais (environ 150.000 euros) par an à chaque territoire. Mais la condition du déblocage de ce budget est que les municipalités du territoire s’engagent à payer la moitié des projets, les obligeant ainsi à se mettre d’accord entre elles et à définir un projet territorial. Une commission technique veille au respect des procédures pour les projets, et différentes commissions d’appui (définies par thème) discutent et mettent en œuvre les projets.

En 2008, après 5 ans d’expérimentation avec les territoires pilotes, le SDT a lancé un nouveau programme, appelé « Territoires de la Citoyenneté » (Territorios da Cidadania), pour consolider les actions commencées. Même s’il est encore tôt pour faire une évaluation de cette politique territoriale, des dynamiques intéressantes ont commencé à émerger à travers tous ces territoires. Le Cariri en est un exemple intéressant.

1.2

Le territoire du Cariri : mise en place de dynamiques sociales

1.2.1

Le Cariri : un territoire du semi-aride brésilien

Les deux grandes contraintes à dépasser pour permettre un développement durable du territoire sont résumées dans le diagnostic réalisé pour le « Plan de Développement Durable du Cariri de la Paraiba » (Bazin et Cardim, 2003) :

- « le manque d’activités économiques qui puissent générer de l’emploi et du revenu pour la population qui habite la région, notamment pour les jeunes » ;

- « la dégradation accélérée des fragiles ressources naturelles, causée essentiellement par les activités économiques existantes, dont la durabilité est fortement menacée. »

Le territoire est classé parmi les territoires les plus menacés par la désertification dans le Nordeste du Brésil. Cette situation résulte en partie des caractéristiques pédoclimatiques de la région mais aussi par les systèmes d’exploitation ancrés historiquement ou plus récents (Duarte, 2001).

Figure 1.1. Situation géographique du territoire du Cariri5

Le Cariri est une microrégion de l’état de la Paraíba, situé sur le plateau de la Borborema. Les

Cariris Velhos, du nom d’un peuple indigène qui habitait dans la région semi-aride, sont une

chaine de reliefs qui vont du Pernambouc (état au sud) au Ceara (état à l’ouest), en passant par la limite sud-ouest de ce territoire. Ces montagnes délimitent d’ailleurs la frontière sud et ouest du territoire, qui sépare la Paraíba du Pernambouc. Ainsi, le Cariri est apparu assez tôt comme une entité géographique distincte, même si le Cariri Oriental et le Cariri Occidental

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