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CHAPITRE 1 INTRODUCTION

1.4 Développement de nouvelles prothèses

Les points du cahier des charges initial (Tableau 1-1) associés à la compliance et aux propriétés biologiques ne sont donc pas vérifiés par les prothèses standard (PET et PTFE). Le choix du biomatériau et de sa structure est alors à redéfinir dans l'élaboration de prothèses de petit diamètre. Cette quête de la prothèse idéale, efficace à faible diamètre, constitue encore aujourd’hui le Saint Graal (Holy grail) du domaine vasculaire (Campbell & Campbell, 2007; Chlupáč et al., 2009; Walpoth & Bowlin, 2005).

1.4.1 Changements de paradigme

Différentes stratégies ont été développées au cours des 50 dernières années pour répondre à cette problématique, en s’éloignant plus ou moins des prothèses standard de large diamètre (Baguneid et al., 2006; Campbell & Campbell, 2007; Chlupáč et al., 2009; Pankajakshan & Agrawal, 2010; Peck, Gebhart, Dusserre, McAllister, & L'Heureux, 2012; Schmedlen, Elbjeirami, Gobin, & West, 2006; Vara et al., 2005). Pour comprendre d’où viennent les solutions proposées, il faut remettre en perspective les différentes avancées du siècle dernier (Tableau 1-3).

Tableau 1-3 : Événements marquants du développement de prothèses vasculaires (tirés de (Chlupáč et al., 2009; Peck et al., 2012))

Année Leader Découverte 1906 Carrel

Goyannes

1er pontage veineux (animal) (humain) 1952 Voorhees 1ère prothèse en polymère

1957 Ku Prothèse en Dacron (PET)

1966 Rosenberg 1ère structure décellularisé 1975 Norton &

Eiseman Prothèse en Teflon (PTFE) 1978 Herring Idée d’ensemencer avec EC 1986 Weinberg &

Bell

Gels de collagène + cellules vasculaires (EC, SMC et fibroblastes) + structure de Dacron

1987 Zilla Ensemencement avec EC humaines sur structure PTFE

1998 L’Heureux Construction sans structure matérielle à partir de cellules vasculaires humaines (feuillets cellulaires)

1999 Niklason Ensemencement avec EC bovines sur structure biorésorbable (PGA) 2001 Kaushal Ensemencement avec EPC bovines sur vaisseau décellularisé

2001 Shin’oka Ensemencement de cellules souches sur structure biorésorbable

L’idée née en 1978 d’ensemencer les prothèses synthétiques avec des cellules endothéliales avant implantation est au cœur d’une majorité de stratégies encore en développement aujourd’hui. De

grandes avancées ont été faites depuis, avec la découverte de nouvelles sources de cellules souches et progénitrices (cf. partie 2.3.2.1) qui ont commencé à être exploitées au début du siècle. À cette idée s’est ajoutée celle de l’utilisation de biomatériaux naturels pour former une prothèse reproduisant la paroi artérielle. Le collagène, l’élastine la fibrine de l’ECM sont ainsi au cœur de ces constructions dont le défi est d’obtenir des propriétés mécaniques suffisantes (Seifu, Purnama, Mequanint, & Mantovani, 2013). Plusieurs solutions ont été proposées dont la combinaison à une matrice polymérique synthétique, permanente (e.g. Dacron) ou dégradable, ou encore la formation d’un tissu musculaire au sein de la matrice via l’ensemencement de SMC (Sorrentino & Haller, 2011). Le problème de la thrombogénicité intrinsèque du collagène persiste néanmoins (van Lith & Ameer, 2011). Suite aux travaux pionniers de Bell et L’Heureux, d’autres stratégies biomimétiques visant à se débarasser de la structure synthétique ont été développées, soit en la choisissant biorésorbable, soit en utilisant une structure naturelle comme les tissus décellularisés, soit en abandonnant complètement l’idée de structure matérielle préalable et en utilisant des

feuillets cellulaires (Tableau 1-4).

Tableau 1-4 : Stratégies pour le développement de prothèses artérielles performantes.

Paradigme Prothèse vasculaire (TEVG) Néo-vaisseaux sanguins (TEBV)

Structure

Structure synthétique Structure naturelle Sans structure

Permanente Biorésorbable À base de protéines

Tissu

décellularisé Feuillets cellulaires

Exemple PET, PTFE, PU PGA, PCL Collagène,

fibrine, élastine Artère bovine ou porcine EC, SMC, fibroblastes Avantage Reproductibilité Mécanique Naturel Non immunogène Structure ECM Non immunogène Résistants Désavantage Pas remodelable Polymère présent à long terme Propriétés variables durant la dégradation Faibles propriétés mécaniques Thrombogénicité Immunogé- nicité Non reproductibilité Préparation complexe Temps de préparation Variable (cf. partie 2.3.2.2) Jusqu’à 12 semaines 3 semaines Jusqu’à 12 semaines Revues

(Ercolani, Del Gaudio, & Bianco, 2013; Kannan, Salacinski, Butler,

Hamilton, & Seifalian, 2005)

(Stegemann, Kaszuba, & Rowe, 2007)

1.4.2 Travaux majeurs en étude clinique

Différentes revues présentent un tableau listant les prothèses en développement rendues en étude clinique ou proches de l’être (Bajpai & Andreadis, 2012; Kannan et al., 2005; Kapadia, Popowich, & Kibbe, 2008; Peck et al., 2012). Nous citerons ici les principaux exemples.

Les travaux de Zilla et al. sur l’ensemencement de prothèse de PTFE avec des cellules endothéliales ont montré des résultats cliniques prometteurs. Des prothèses de faible diamètre ont été implantées sur plus de 300 patients, suivis pendant plus de 15 ans. Les résultats montrent une perméabilité de l’ordre de 78% (resp. 62%) à 5 ans et de 71% (resp. 55%) à 10 ans pour les prothèses de 7 mm (resp. 6 mm). De plus, la quasi-totalité des prothèses (97.5%) présentaient effectivement un endothélium autologue grâce à l’ensemencement de cellules (Deutsch et al., 2009).

Les travaux de Shin’oka et al. sur les prothèses biorésorbables ensemencées avec des cellules souches sont également en étude clinique, bien que se limitant pour le moment à des larges diamètres (12 à 24 mm). Au total, 25 patients ont été suivis pendant 6 ans, avec aucune complication majeure reportée pour le moment (un cas de thrombose et 4 resténoses, toutes traitées avec succès). Notons que cette étude reste limitée (patients jeunes, peu nombreux et provenant d’une seule institution) (Hibino et al., 2010).

Les travaux de l’Heureux et al. ont mené à l’élaboration de la prothèse LifeLine, composée uniquement de cellules du patient et requérant 10 semaines de culture en bioréacteur. Des prothèses de 4 à 8 mm de diamètre ont ainsi été testées cliniquement pour l’hémodialyse. Cette première étude permettait de limiter les risques pour les patients et de faciliter l’observation du comportement des prothèses. Il est difficile de tirer des conclusions pour le moment car l’étude ne comprenait que 10 patients mais les premiers résultats sont assez encourageants (perméabilité de 76% à 3 mois) (McAllister et al., 2009).

1.4.3 Statut actuel

De manière générale, l’utilisation du génie tissulaire est au cœur des stratégies développées pour concevoir des structures hybrides endothélialisées et donc hémocompatibles. Le défi est alors de déterminer une combinaison matrice/cellules structurellement appropriée pour satisfaire à la fois aux exigences mécaniques et biologiques du substitut vasculaire.

“The enormous variety of biomaterials that have been reported for vascular repair in combination with the virtually stagnant translation to clinical practice raises the question whether further development of novel materials for vascular repair is still warranted. Reevaluation of the rationale for vascular repair strategies may be necessary to make valid judgments on what type of research to embark upon. One not only needs to consider theoretical feasibility, but also practical and cost-based issues, as well as how current healthcare regulations may or may not support novel technologies” (van Lith & Ameer, 2011)

Aussi innovantes et prometteuses soient elles, les stratégies s’approchant du vaisseau purement biologique (TEBV) présentent en effet plusieurs défis, notamment quant au contrôle des propriétés mécaniques et biologiques qui évoluent au cours de la formation du néotissu (van Lith & Ameer, 2011). La manipulation chirurgicale de ces vaisseaux est également problématique et l’on retrouve des problèmes similaires aux autogreffes (Baron et al., 2010), en particulier aux niveaux des anastomoses où les perturbations hémodynamiques contribuent à la thrombose et l’hyperplasie (van Lith & Ameer, 2011). À cela s’ajoutent des questions de mise en place clinique, de par le matériel, le temps et l’expertise nécessaires à leur fabrication ainsi que les questions sous-jacentes de reproductibilité (Seifu et al., 2013; Sorrentino & Haller, 2011; van Lith & Ameer, 2011; Vara et al., 2005).

Dans l’étude clinique menée par l’équipe de Zilla, un tiers des patients n’étaient pas en mesure d’attendre la procédure de préparation des prothèses, qui n’était pourtant que de 28 jours (Deutsch et al., 2009). On est pourtant bien loin des 12 semaines nécessaires dans la plupart des approches « biologiques » (TEBV) revues récemment par Seifu et al. (Seifu et al., 2013). Ainsi, même si elles ne restaurent pas la fonctionnalité biologique du tissu, les stratégies « synthétiques » continuent d’exister car elles sont plus réalistes d’un point de vue clinique.

“Therefore, the hope remains that the use of synthetic grafts will be a bridging technology until TEBVs become a reality.” (van Lith & Ameer, 2011)

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