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Mathieu Boche –Thèse Université Paris Sud, UMR Art ’Dev – CIRAD – 2014

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Depuis le milieu des années 2000 il y a au Mozambique une forte tendance d’acquisitions foncières et de développement de projets d’exploitations agricoles à grande échelle par des investisseurs étrangers (Boche 2012). La plupart des auteurs qui se sont penchés sur ce phénomène, dans de nombreux pays, ont focalisés leur attention sur les déterminants de ce phénomène, sur les modalités d’acquisition du foncier ainsi que sur le rôle des Etats et des élites nationales dans ce phénomène mais quasiment pas sur les processus en place une fois la terre acquise. Dans cette partie, notre propos sera en ligne avec le constat établi par Hall (2011, p208), lorsqu’elle écrit que le débat sur la question des acquisitions foncières à grande échelle ne doit pas s’arrêter « aux questions sur l’origine de ces acquisitions foncières, leurs implications sur le déplacement de populations et leurs systèmes d’activités (ce qui est menacé ou détruit), mais également questionner ce que ces acquisitions foncières à grande échelle produisent : quelles nouvelles relations sociales, politiques foncières, marchés du travail et modes d’accumulation sont produits ? ». Dans ce chapitre, nous nous pencherons donc sur cette question des formes d’organisation de la production agricole établies, les raisons qui poussent les investisseurs à choisir une forme plutôt qu’une autre et les dynamiques de ces investissements fonciers à grande échelle.

En partant d’un échantillon de projets dans la zone centrale du Mozambique et du cadre analytique développé à partir d’une théorie « complète » de la firme (présentée dans la partie méthodologique), nous avons mis en évidence les nuances économiques et institutionnelles des différentes formes d’agriculture à l’aide d’une typologie. Ce travail nous a permis d’identifier cinq types d’acquisitions foncières: l’agriculteur/entrepreneur indépendant, la firme de transformation foncière, l’agri firme et société de gestion d’actif, l’exploitation industrielle avec partie contractuelle et enfin l’agro-industrie de plantation.

Nous chercherons également à analyser les facteurs influant le choix pour l’une ou l’autre des formes et la dynamique de ces projets. La compréhension des stratégies des investisseurs, dans le contexte institutionnel mozambicain, nous permettra d’analyser si le phénomène de développement de ces exploitations enclenche des transformations agraires ayant un potentiel inclusif pour les populations locales.

Pour cela nous répondrons aux questions suivantes qui alimentent notre hypothèse de recherche :

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Quelle sont les formes d’agricultures mises en place dans le cadre des acquisitions foncières à grande échelle ? Les investisseurs suivent-ils tous le paradigme de la plantation industrielle à grande échelle ?

Quels sont les facteurs permettant d’expliquer le choix pour un type d’exploitation agricole plutôt qu’un autre ?

Est-ce que ces projets sont tous en train de se développer avec succès ? Quels sont les facteurs permettant d’expliquer ces situations de réussite ou d’échec (de maintien) des différents types d’exploitation agricole?

Comment les investisseurs réussissent à développer leurs projets dans un environnement institutionnel imparfait et incertain ? Les contraintes liées à l’environnement institutionnel entraînent-elles une recomposition des formes d’exploitations à grande échelle ?

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I - Vers de nouvelles formes d’agriculture à grande échelle

Dans cette partie nous cherchons à analyser les logiques du choix d’une forme d’exploitation agricole chez les firmes ayant acquis des terres à grande échelle au Mozambique. Au-delà de la présentation des différentes formes d’agriculture et des facteurs influant le choix d’une d’entre elles, nous nous intéresserons également à la question du mode d’organisation de la production agricole afin de comprendre, là encore, les facteurs permettant d’expliquer le recours à une production en propre ou à des arrangements contractuels avec des agriculteurs locaux.

Cette façon de faire nous permettra de comprendre les stratégies des investisseurs et ainsi de pouvoir apporter des éléments concernant le potentiel de transformation des acquisitions foncières en projets d’agriculture contractuelle.

Une vision critique et évolutionniste de la théorie des coûts de transaction (Boissin 1999) et les apports de la théorie adaptative des frontières de la firme seront mobilisées (Gibbons 2005). Nous nous appuierons sur les études de cas de firmes engagées ou ayant été engagées dans l’établissement d’exploitations agricoles à grande échelle dans le corridor de Beira et dans le corridor de Nacala. Nous étudierons le choix des firmes concernant la forme de coordination pour l’accès aux ressources financières et concernant l’externalisation de l’activité de production et la forme contractuelle choisie. Ce faisant, nous mettrons en évidence d’une part l’importance des contraintes auxquelles les firmes font face pour l’accès aux ressources (terre, crédit, intrants et services) et d’autre part les dynamiques de concurrence ou de coopération entre les firmes dans cet environnement.

Trois éléments majeurs émergent de notre analyse des facteurs influant, a priori, le choix pour d’une forme d’agriculture à grande échelle par des investisseurs étrangers dans la partie centrale du Mozambique. Premièrement, le choix d’une forme d’agriculture peut être expliqué par la « compétence foncière » des entreprises ayant acquis le foncier. Le premier facteur fait une référence particulière à la trajectoire d’évolution de l’entreprise alors que les trois autres seront tournés vers les contraintes liées à l’activité productive et l’environnement institutionnel. La spécificité endogène des entreprises/entrepreneurs issus du secteur de la production agricole va les pousser à se tourner vers l’implantation d’une exploitation indépendante. Tandis que les firmes provenant du secteur

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agroindustriel vont miser sur des structures de plus grande taille avec une division du travail entre différentes équipes. Enfin les firmes disposant d’une compétence foncière issue du secteur financier vont établir des formes hybrides de coordination avec sociétés de gestions d’actifs disposant d’une compétence technique afin de mettre en place ces projets et vont raisonner la gestion de leur projet selon des indicateurs financiers. Deuxièmement, les modes de production vont être influencés par les spécificités exogènes des processus de la production et de la commercialisation. Parmi ces dernières on retrouve la technicité, la gestion des risques et la spécificité temporelle des productions

Troisièmement, l’organisation de la production par les entreprises évolue selon les contraintes d’accès aux ressources naturelles, notamment foncières. Certains investisseurs vont devoir établir des arrangements institutionnels avec des agriculteurs locaux ou des communautés locales afin d’obtenir un accès au foncier. Le développement de ces différents arrangements est généralement lié à une spécificité de localisation de ces terres les rendant particulièrement attractives pour les investisseurs.

A - Pas un seul « land grab » mais plusieurs formes d’agriculture et de

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