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IV. RÉSULTATS

4. Résultats complémentaires non publiés

4.8 Développement d’un modèle d’administration répétée de peptide Aβ soluble

Au cours de mon travail de Thèse, j’ai tenté de développer un autre modèle d’exposition aux oligomères solubles d’Aβ. Le modèle précédemment développé (Youssef et al., 2008) est basé sur l’effet toxique de l’administration d’un bolus d’Aβ. Or, l’apparition des troubles cognitifs dans la MA est le résultat d’une exposition prolongée et chronique au peptide Aβ soluble. Nous avons donc souhaité reproduire cet aspect chez la souris.

Dans un premier temps, l’effet de l’administration icv de différentes doses d’Aβ a été étudié. Cette étude, bien que ne visant à l’origine qu’une meilleure caractérisation du modèle d’injection unique, m’a influencé sur le choix de la dose à administrer de façon répétée. La deuxième étape a consisté à valider la procédure d’injection par les canules en étudiant l’effet comportemental d’une injection unique d’Aβ de 500 pmol. À la dernière étape, les effets comportementaux induits par l’administration répétée d’une dose de 300 pmol d’Aβ ont été étudiés.

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4.8.1. Effet de l’administration de doses croissantes d’Aβ

Notre modèle d’altération cognitive par l’exposition aux oligomères d’Aβ consiste en l’administration d’une dose unique icv de 500 pmol. Nous avons étudié les effets de l’administration, soit de la moitié (250 pmol), soit du double (1 nmol) de la dose habituellement administrée.

Figure 55 : L’effet de doses croissantes d’Aβ administrées en icv sur les performances comportementales a été étudié selon la procédure d’évaluation comportementale standard (N=48, n=12 par condition) (schéma de l’expérience F). A) 4 jours après l’administration de peptide Aβ, le pourcentage d’alternance spontanée a été évalué dans le labyrinthe en Y. B) Entre 7 et 11 jours post-injection, les animaux ont participé à la procédure d’apprentissage dans la piscine de Morris et les latences d’échappement ont été mesurées. Pour plus de clarté, seules les sommes des latences sont illustrées. C) La mémoire à long terme a été testée 14 jours après l’injection d’Aβ lors d’un essai test sans la PF. Le nombre de passages sur la position de la PF a été mesuré. *,**,*** : p<0,05 ;p<0,01,p<0,001 respectivement avec le test de Mann Whitney en comparaison du groupe 0nmol injecté avec le véhicule.

L’administration icv d’1 nmol d’Aβ diminue significativement l’alternance spontanée dans le labyrinthe en Y (figure 55, A), augmente la somme des latences (figure 55, B) et diminue le nombre de passages sur la position de la PF lors de l’essai-test (figure 55, C). Cette dose provoque les mêmes déficits comportementaux que la dose de 500 pmol pour tous les indices comportementaux évalués.

L’administration d’une dose de 250 pmol tend à diminuer le comportement d’alternance spontanée dans le Y de manière non significative (p=0,06) (Figure 55, A). En revanche, la somme des latences dans la piscine de Morris du groupe traité avec 250 pmol n’est pas différente de celles du groupe témoin (Figure 55, B) et est significativement plus basse que celle des animaux injectés avec 500 pmol ou 1 nmol (p<0,01). Enfin, l’analyse du nombre de passages sur la position de la PF de l’essai met en évidence une diminution faible mais significative des performances de mémoire à long terme en comparaison du groupe témoin (figure 55, C). Ces performances sont toutefois significativement meilleures que celles des animaux traités avec 500 pmol ou 1 nmol (p<0,01). La dose de 250 pmol induit donc des déficits légers de mémoire à court et long terme, mais pas de l’apprentissage spatial.

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4.8.2. Validation de la procédure chirurgicale d’implantation des canules

L’implantation d’un guide-canule à demeure est une procédure chirurgicale lourde : elle peut s’avérer douloureuse et comporter des risques infectieux. Ces paramètres peuvent influer sur le comportement des animaux ou interférer avec le traitement. Nous avons donc souhaité valider la procédure chirurgicale et sa compatibilité avec nos approches comportementales en administrant par les canules une dose unique de 500 pmol d’Aβ ou de son véhicule.

Figure 56 : Validation du système d’injection par les canules. L’administration par un système de canule d’une dose de 500 pmol d’Aβ reproduit la plupart des altérations comportementales induites par l’injection directe de peptide Aβ (Expérience G). Des souris (N=12) C57 de 13 semaines ont été implantées au dessus du ventricule latéral droit avec un guide canule. Après 10 jours de repos post opératoire, les animaux ont reçu une dose de 500 pmol d’Aβ (n=6) ou de son véhicule (n=6) par les canules avant d’être testés selon la procédure comportementale standard. A) 4 jours après l’administration d’Aβ, le pourcentage d’alternance spontanée a été mesuré dans le labyrinthe en Y. B) Entre 7 et 11 jours post-injection, les latences d’échappement au cours de la phase d’apprentissage spatial dans la piscine de Morris ont été mesurées. C) La somme des latences a été déterminée pour mettre en relief les différences observées lors de l’apprentissage. D) 14 jours après l’injection d’Aβ, le nombre de passages sur la PF virtuelle a été comptabilisé lors de l’essai test. Les données ont été analysées avec le test de Mann-Whitney.

L’administration par le guide canule de 500 pmol d’Aβ induit une diminution du pourcentage d’alternance, ce qui n’est pas le cas du véhicule (figure 56, A). L’apprentissage dans la piscine est altéré (Figure 56, B et C) mais de manière non significative : le groupe témoin a montré des difficultés d’apprentissage comme en témoigne l’absence d’évolution des latences pour ce groupe (figure 56, B). La somme des latences est tout de même inférieure chez les animaux témoins en comparaison des animaux traités. Bien que cette différence n’apparaisse pas significative, les valeurs obtenues sont similaires à celles obtenues classiquement (voir par exemple la figure précédente, B). Le nombre de passages sur la PF virtuelle est presque significativement diminué dans le groupe traité avec l’Aβ (figure 56, D). Le petit nombre d’animaux utilisés dans cette étude et la variabilité interindividuelle sont certainement à l’origine de la faiblesse de l’analyse statistique. Si l’on prend en compte cet aspect, l’ensemble des mesures est congruent avec les caractéristiques du modèle d’injection déjà

164 établi. La procédure chirurgicale semble donc compatible avec la procédure d’évaluation comportementale que nous utilisons dans nos travaux. Pour des raisons éthiques et techniques, nous n’avons pas estimé nécessaire de reproduire cette expérience.

4.8.3. Effet de l’exposition répétée au peptide Aβ soluble.

Nous avons souhaité reproduire l’effet d’une exposition à long terme au peptide Aβ induisant une mort cellulaire modérée et des troubles cognitifs.

Figure 57. L’administration répétée d’oligomères solubles d’Aβ induit des troubles cognitifs. Des souris C57 (N=17) ont été équipées d’un guide canule au dessus du ventricule latéral selon la procédure décrite au chapitre matériels et méthodes. Après 10 jours de repos postopératoire, les souris ont reçu 1 injection icv de 300 pmol d’Aβ (n=9) ou de véhicule (n=8) tous les deux jours pendant 3 semaines avant d’être testées dans notre procédure standard. A) 4 jours après la dernière injection, le pourcentage d’alternance a été mesuré dans le labyrinthe en Y. B) Entre 7 et 11 jours après la dernière injection, les latences d’échappement dans la piscine de Morris ont été mesurées. C et D) Au 14ème jour lors de l’essai test, le nombre de passages sur la position de la PF (C) et la latence de premier passage ont été mesurés (D). E) 18 jours après la dernière injection, le pourcentage d’alternance dans le labyrinthe en Y a été mesuré. F) A l’issue de l’expérience, les animaux ont été sacrifiés et les cerveaux disséqués pour réaliser des synaptosomes. Le profil protéique de synaptosomes d’hippocampe a été visualisé par immunoblot.

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L’injection répétée de 300 pmol icv diminue le pourcentage d’alternance dans le labyrinthe en Y (Figure 57, A), augmente significativement la latence d’échappement lors de l’apprentissage dans la piscine (figure 57, B). La mémoire de travail et de la mémoire spatiale sont altérées par le traitement. Lors de l’essai test, la diminution du nombre de passages sur la PF virtuelle (figure 57, C) et l’augmentation de la latence du premier passage (figure 57, D) sont presque significatives. Afin de déterminer si les déficits perdurent dans le temps, 4 jours après l’essai test les animaux ont été testés à nouveau dans le labyrinthe en Y (figure 57, E). Aucun déficit lié au traitement n’a pu être mis en évidence. L’analyse par immunoblot des synaptosomes d’hippocampes suggère cependant une faible diminution des marqueurs post synaptiques.

Ce modèle d’injections répétées reproduit les altérations de la mémoire à court terme, spatiale et à long terme du modèle d’injection unique. Toutefois des observations non publiées de notre équipe suggèrent que les altérations dans le labyrinthe en Y perdurent jusqu’à deux mois après l’injection unique de 500 pmol d’Aβ. Or dans cette expérience, aucun déficit n’est encore détectable dans ce test 18 jours après la dernière injection. L’aspect transitoire des effets de l’administration répétée d’oligomères solubles a déjà été rapporté dans la littérature (Cleary et al., 2005). Le paramètre de la mort cellulaire dans ce type d’approche est à évaluer. Les travaux de Yamada et al. (2005) ont montré que l’administration de 10x300 pmol d’Aβ 25-35 induisait une mort des neurones cholinergiques du septum. Il est également possible que le peptide injecté finisse par s’agréger. À la suite d’injection intre-hippocampales répétées, Cleary et al. ont pu visualiser la formation de dépots amyloïdes en procédant à unecoloration à la thioflavine S.

La procédure chirurgicale et la méthode d’entretien des guides implantés sont à améliorer. Des animaux ont été écartés pour des raisons techniques : une canule s’est bouchée, un animal a perdu l’implant à la 7ème injection, et deux animaux témoins ont présenté des comportements atypiques réduisant l’effectif de l’étude à 13 animaux. À la dissection, certains cerveaux présentaient un aspect (œdémateux) suggérant un état inflammatoire.

Des travaux complémentaires sont donc à conduire pour achever ce modèle, mais ces premières données suggèrent un potentiel intéressant.

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V. DISCUSSION