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MAPN: First-in-Class Reagent for Kinetically Resolved Thiol-to-Thiol Conjugation

Chapitre 1 Développement de méthodes instrumentales en MS native

La pertinence des informations structurales déduites en phase gazeuse implique que la nature et intensité des ions détectés reflètent l’équilibre des espèces en solution [23, 65]. Cette condition requiert tout d’abord que les complexes spécifiquement formés en solution puissent être ionisés efficacement et proportionnellement à leur abondance. Dans un second temps, les complexes non-covalents ainsi ionisés doivent pouvoir être maintenus en phase gazeuse, transmis et détectés selon la même efficacité. Le succès de ces étapes clés repose sur la mise en place d’expériences de contrôle, ainsi que sur une optimisation fine des paramètres expérimentaux et instrumentaux [66]. Dans ce chapitre, l’influence de certains paramètres instrumentaux est discutée à travers l’étude de systèmes protéine-ligand par MS native sur l’instrument Synapt G2 HDMS (High Definition Mass Spectrometry, Waters).

1. Présentation du spectromètre de masse Synapt G2 HDMS (Waters).

Le Synapt G2 HDMS est un spectromètre de masse de type ESI-Q-TOF, pourvu d’une cellule de mobilité ionique de type TWIMS (Fig.3). Cet instrument, constitué de guides d’ion équipés de la technologie T-Wave TM, se décline en 5 compartiments, dont le vide est régulé par une pompe primaire et 6 pompes turbomoléculaires:

Ø Le bloc source de type Z-spray TM, orthogonal à la source d’ionisation électrospray, constitue le point d’entrée des ions. L’application d’une différence de potentiel électrique, ici entre la puce microfluidique d’une source nanoESI automatisée (Triversa Nanomate, Advion) et le cône d’échantillonnage, puis le cône d’extraction de l’instrument, permet de drainer les ions générés à pression atmosphérique au sein de l’instrument placé sous vide. L’introduction d’une vanne de fuite dans le circuit de pompage de la pompe primaire permet de contrôler le gradient de pression (2-8 mbar) dans cette première zone d’interface [67]. La trajectoire empruntée par les ions (« Z ») favorise l’élimination des espèces non chargées et élargit la tolérance aux sels non volatils.

Ø Un premier guide d’ion, constitué d’une succession de lentilles annulaires (SRIG), assure la focalisation et la transmission des ions incidents [68]. La superposition d’un potentiel radiofréquence (RF) et d’une tension continue (DC) entre paires de lentilles permet un

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confinement des ions au centre du faisceau et leur drainage sous forme de vagues de potentiel (T-Wave) jusqu’au quadripôle.

Ø L’analyseur quadripolaire dispose de deux modes de fonctionnement. Dans les expériences présentées, l’application d’un unique potentiel radiofréquence en opposition de phase entre barreaux adjacents (mode « RF only ») assimile le quadripôle à un guide d’ions. Ce dernier permet ainsi la transmission d’ions dans une large gamme de rapports m/z, jusqu’au

compartiment Triwave TM [69]. Cependant, la superposition d’une tension continue permet

d’utiliser cet analyseur comme filtre de masse dans le cadre d’applications MS/MS [70].

Ø Le compartiment Triwave se compose de 3 guides d’ion SRIG de type T-Wave [71]. Les cellules de collision Trap et Transfer, confinées dans la même enceinte, sont alimentées par une pression d’argon proche de 10-2 mbar, quelle que soit l’application réalisée (MS native ou IM-MS). L’optimisation de cette pression et de l’énergie de collision communiquée aux ions dans ces cellules (Trap et Transfer CE) permettent d’en contrôler l’énergie interne. Ces paramètres conditionnent ainsi la transmission, préservation ou fragmentation de ces ions. Le fonctionnement de la cellule centrale IMS diffère des 2 précédentes en fonction du type d’application :

• En mode MS, une pression résiduelle d’argon de 10-4 mbar est délivrée dans cette cellule,

agissant alors comme un simple guide d’ion à l’image des cellules Trap et Transfer.

• En mode IMS, cette cellule, subdivisée en 2 sous-compartiments non isolés, est approvisionnée en hélium et en azote (1 à 6 mbar), permettant une séparation des ions selon leur mobilité ionique. Dans ce contexte, la cellule d’hélium assure une thermalisation préalable des ions injectés, dont l’énergie cinétique est régulée par la tension Trap Bias. Le transport de ces ions dans la cellule d’azote se poursuit par leur séparation IM, contrôlée par la nature des potentiels de vague T-Wave appliqués (hauteur, vitesse) et la pression en azote. Les cellules Trap et Transfer assurent alors respectivement le stockage des ions avant séparation IM et le transfert des ions échantillonnés par IM. Une description approfondie du mode de fonctionnement IM-MS est rapportée au chapitre 2.

Ø Les paquets d’ions, fractionnés ou non par mobilité ionique depuis le compartiment Triwave, sont séparés en fonction de leur temps de vol (proportionnel au rapport m/z) dans

un vide poussé (1.10-6 mbar) au sein de l’analyseur TOF [72]. La détection de ces espèces

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fonctionnement (haute résolution, résolution, sensibilité). En mode sensibilité et résolution, la distance parcourue par les ions dans l’analyseur décrit un « V », se traduisant par une résolution FMWH respective de 10000 et 20000. Cette distance est doublée en mode haute résolution (« W »), permettant une résolution en masse accrue (FMWH : 40000). Le gain de résolution s’effectuant au détriment de la sensibilité, les études de MS native privilégient le mode résolution pour l’analyse de protéines inférieures à 30 kDa, et le mode sensibilité au-delà de cette masse.

Figure 3 : Représentation schématique du spectromètre de masse Synapt G2 HDMS (Waters) utilisé au cours de ces travaux, adaptée de [73].

2. Influence des paramètres instrumentaux.

Le transfert de complexes non-covalents en phase gazeuse et leur détection par MS native impliquent une préservation de l’intégrité des ions associés tout au long de leur transmission. Une optimisation des conditions instrumentales doit ainsi permettre de contrôler l’énergie interne de ces ions à travers un contrôle de leur énergie cinétique et de leur libre parcours moyen. Dans ce contexte, deux principaux types de paramètres nécessitent d’être ajustés sur l’instrument Q-TOF utilisé : les tensions d’accélération et les pressions en gaz dans l’interface. Bien que l’influence individuelle de ces paramètres soit reliée à la géométrie de l’instrument, leur importance s’avère d’autant plus marquée au sein de l’interface. Une discussion de leur impact sur la désolvatation et la préservation de systèmes protéine-ligand est rapportée.

106 2.1. Influence de la tension d’accélération à l’interface.

Les ions générés à pression atmosphérique par ionisation électrospray dans la source, transitent au sein du spectromètre de masse placé sous vide. En plus d’un phénomène de succion, une différence de potentiel électrique entre la puce microfluidique et le cône d’échantillonnage permet l’accélération des ions en direction de ce dernier. L’influence de la tension de ce cône

sur l’analyse d’un complexe non-covalent constitué de l’enzyme (QR2-FAD)2 et de son ligand

mélatonine est ici décrite (Fig.4a-f). A pression en source fixe (8mbar), l’application d’une faible tension de cône (20-40V) restreint l’accélération des ions, limitant le transfert d’énergie par collision avec les molécules de gaz résiduelles. L’élargissement des signaux et la faible intensité de signal traduisent une désolvatation inoptimale et une faible transmission, limitant l’identification des espèces et la persistance d’adduits non volatils. L’augmentation modérée de cette valeur (60-70V) assure une élimination optimale des molécules de solvant sans altérer la composition du complexe, l’affinement des pics permettant une mesure de masse précise et la détermination non ambiguë d’une stœchiométrie unique 2:2 (Fig.4c). Cet équilibre est progressivement rompu à de plus fortes tensions (90V-110V), la conversion d’un excès d’énergie cinétique en énergie interne conduisant à une désolvatation et transmission accrue des ions, mais à la dissociation du ligand.

Figure 4 : Influence de la tension d’accélération (Vc) sur la désolvatation et préservation du complexe (QR2-FAD)2 -(mélatonine)2 par MS native. L’incubation de 5$M de dimère QR2 saturé en cofacteur FAD et de 20$M de ligand mélatonine en tampon AcNH4 200mM pH7.5 est suivie par MS native (Synapt G2, Pi = 8mbar) à une tension de cône de a) 20, b) 40, c) 60, d) 70, e) 90 et f) 110V. L’intensité de l’ion majoritaire 14+ est exprimée en nombre de coups sommés (30 scans de 4s).

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2.2. Stabilité des complexes non-covalents en phase gazeuse (Vc50).

Cette dissociation induite par collision peut se révéler informative, la stabilité des complexes en phase gazeuse reflétant la contribution des interactions de type polaire [26, 28]. Afin d’illustrer ces propos, une comparaison de la stabilité en phase gazeuse des complexes 2:2 formés entre

(QR2-FAD) et ses ligands mélatonine ou resvératrol est ici décrite (Fig.5). Pour cela, une

quantification relative de l’intensité des états de charge (13,14 et 15+) associés aux espèces apo et holo est réalisée à différentes tensions d’accélération pour chaque ligand. La masse négligeable apportée par ces ligands (< 1% de la masse des complexes) et la conservation de la distribution de charges lors de leur fixation (Fig.4e), permettent de considérer un facteur de réponse identique entre espèces apo et holo lors de ces expériences [22].

Figure 5 : Comparaison de la stabilité en phase gazeuse des complexes (QR2-FAD-mélatonine)2 et (QR2-FAD-resvératrol)2.

La comparaison des proportions de complexes 2:2 mesurées à différentes tensions de cône (Vc) met en évidence une différence de stabilité en phase gazeuse entre complexes associés à la mélatonine ou au resvératrol. En effet, la tension nécessaire à la dissociation de 50% de ces

complexes (Vc50) apparait plus élevée en présence de resvératrol (93V) que de mélatonine

(83V). La résolution cristallographique de ces 2 complexes permet de relier cette différence à la nature des interactions supramoléculaires mises en jeu, le resvératrol établissant des interactions électrostatiques supplémentaires avec l’enzyme [74, 75].

108 2.3. Influence de la pression à l’interface.

L’intégration d’une vanne de fuite dans le circuit de pompage de la pompe primaire permet de moduler la pression dans la première zone de pompage de l’interface. Le contrôle de cette pression, indispensable au maintien des complexes non-covalents, joue un rôle similaire à celui de la tension de cône. Le libre parcours moyen des ions dans la source peut ainsi être modulé. A tension d’accélération fixe, l’augmentation de cette pression diminue le libre parcours moyen des ions. L’augmentation de la fréquence de collision diminue ainsi l’énergie accumulée par les ions entre deux chocs, minimisant leur énergie interne [67, 76, 77]. L’influence de ce paramètre est illustrée dans le cadre d’une caractérisation de l’interaction entre la myoglobine et son hème (Fig.6). L’application d’une pression en source de 7 mbar (Fig.6a) préserve l’intégrité du complexe holo-myoglobine. La diminution de cette valeur (5 à 4 mbar, Fig.6b-c) s’accompagne successivement d’une optimisation de la désolvatation, puis de la dissociation de l’hème, matérialisée par la recrudescence des formes apo-myoglobine.

Figure 6 : Influence de la pression en source (Pi) sur la désolvatation et maintien du complexe myoglobine-hème (holo-myoglobine) par MS native. L’infusion de 10$M d’holo-myoglobine en tampon AcNH4 150mM pH7.5 est suivie par MS native (LCT, Vc = 100V) à une pression en source de a) 7, b) 5 et c) 4 mbar.

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2.4. Influence de la température de la source et de l’intensité du spray.

Dans de moindres mesures, la température appliquée dans la source et l’intensité du spray généré peuvent affecter la désolvatation des ions [78]. Une illustration de l’effet de l’intensité du spray sur l’analyse d’un mélange sous-stœchiométrique entre la protéine PDF1b et son ligand actinonine est ici décrite (Fig.7). Une augmentation de l’intensité du nanospray, de 50 (Fig.7a) à 200 nA (Fig.7b), diminue la proportion d’adduits fixés, sans modifier la distribution entre espèces apo et holo. L’intensité de spray optimale à une telle désolvatation dépend de la nature des complexes étudiés et de la composition du tampon.

Figure 7 : Influence de l’intensité du nanospray (Nanomate, Advion) sur la désolvatation des complexes apo et holoPDF1B. Les acquisitions obtenues sur le mélange sous-stœchiométrique (Synapt G2, Vc = 30V, Pi = 6.6mbar) sont générées à partir du même spray, dont l’intensité de a) 50 et b) 200 nA, est contrôlée par la tension et la pression appliquée sur la puce microfluidique.

3. Conclusions.

L’optimisation des conditions instrumentales en MS native constitue un prérequis à l’obtention d’informations fiables sur la structure de complexes non-covalents protéine-ligand en solution. La diversité de ces molécules (nature, compatibilité ESI, affinité, stabilité en phase gazeuse) nécessite une optimisation récurrente des paramètres présentés pour chaque système étudié. L’application de ces développements méthodologiques à l’étude de complexes protéine-ligand par MS native est abordée dans les chapitres 3 et 4 suivants.

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Chapitre 2 : Développement de méthodes