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non-covalents.

Initialement réservée à la caractérisation de la structure primaire des protéines, l’émergence de la spectrométrie de masse au cours des 20 dernières années a permis d’étendre son potentiel à l’étude des structures secondaires, tertiaires et quaternaires de ces biomolécules [68-70]. Profitant d’un développement instrumental continu, les performances de cette technique (sensibilité, résolution, rapidité, faible consommation d’échantillon, transmission d’ions de hauts rapports m/z, tolérance aux détergents etc.) facilitent son application à l’étude de systèmes non-covalents complexes et hétérogènes [71-73], de taille [74] et insolubilité croissantes [75]. Les perspectives offertes par la MS et ses différents couplages pour la caractérisation structurale et dynamique de ces complexes, sont ici présentées.

1. La spectrométrie de masse structurale : généralités.

Le couplage de la MS à différentes approches séparatives (chromatographie liquide, mobilité ionique) et analytiques (marquage ou pontage covalent en solution, protéolyse ménagée) permet l’obtention d’informations structurales à différents niveaux de caractérisation (protéines intactes, fragments, peptides, acides aminés). Une présentation des principales méthodes de MS structurale et de leurs applications est ici illustrée sur un complexe modèle constitué de 3 partenaires (Fig.3). Ces approches peuvent être regroupées en 2 catégories :

Ø Les approches MS en milieu non marqué couplées à l’analyse supramoléculaire (MS native, IM-MS native, « Top down native MS »), permettant une analyse directe des complexes non-covalents.

Ø Les approches MS en milieu non marqué (protéolyse ménagée) ou marqué (échange hydrogène/deutérium ou HDX-MS, marquage covalent radicalaire ou FPOP/HRF-MS, pontage covalent ou XL-MS) couplées à l’analyse protéomique, permettant une étude indirecte des complexes non-covalents.

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Figure 3 : Présentation des principales méthodes de MS structurale appliquées à la caractérisation de complexes multi-protéiques. L’analyse d’un complexe modèle, constitué de 3 partenaires (vert, gris, violet), peut être adressée à différents niveaux de caractérisation (protéine, peptide, acide aminé) en fonction de la méthode employée. Les informations structurales de basse résolution obtenues à partir de ces différentes approches sont ici indiquées.

2. Les approches MS en milieu non marqué, couplées à l’analyse supramoléculaire. 2.1. La spectrométrie de masse native (MS native).

L’analyse de complexes non-covalents entiers par MS native permet une détermination de leur masse intacte. Cette mesure de masse, dont la justesse peut être améliorée à haute résolution (partie 2) [76, 77], permet d’accéder à la stœchiométrie d’interaction en partenaire et en ligand des complexes [78, 79]. L’analyse des sous-complexes purifiés [80, 81], reconstitués [80, 82] ou générés par dénaturation partielle en solution [83, 84] et dissociation en phase gazeuse [85, 86] du complexe entier, fournit des informations sur les connectivités entre sous-unités [82]. La dynamique d’interaction entre ces espèces peut être explorée par MS native en temps réel [78, 87], tandis que leur titrage en ligand permet une détermination de leur spécificité et affinité d’interaction [88, 89]. Présentant une faible tolérance aux tampons non volatils (ex : NaCl,

Na2HPO4, Tris, HEPES), la MS native nécessite un dessalage préalable des échantillons dans

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force ionique) [90]. Le recours à des détergents de faibles CMCs (concentrations micellaires critiques) rend néanmoins possible l’analyse en milieu micellaire, facilitant l’étude de complexes membranaires [91]. Une description approfondie de cette approche et de ses limites est proposée en parties 2, 3 et 4 de ce manuscrit.

2.2. La spectrométrie de masse native couplée à la mobilité ionique (IM-MS native).

Le couplage de la MS native à la mobilité ionique (IM-MS) étend la caractérisation de ces complexes et sous-complexes à leurs conformations globales [92, 93]. La mesure de leurs sections efficaces (CCSs, partie 3) offre une quantification du volume projeté par ces espèces sur une surface 2D, permettant l’identification de conformères [94, 95], le suivi de changements conformationnels associés à l’assemblage de complexes multiprotéiques [81, 82] ou encore la mise en évidence de subtils changements de conformation induits par la fixation de ligands [96, 97]. La nature dynamique de ces informations [98] permet de suivre la flexibilité conformationnelle de tels complexes [99] et d’en étudier les mécanismes de reploiement/déploiement (« folding/unfolding ») [100, 101]. Plus récemment, l’activation de ces conformations en phase gazeuse (approches CIU, partie 3) a permis de révéler des différences de stabilité conformationnelle induites par la fixation de ligands [102, 103]. Néanmoins, la détermination de CCSs par mobilité ionique n’est techniquement possible qu’en présence d’un champ électrique faible (« low-field regime », partie 3) [104, 105]. Parmi les interfaces IM-MS actuellement commercialisées, seules les cellules IM de type « Drift Tube » (DTIMS) et « Travelling Wave » (TWIMS) vérifient ce prérequis et disposent d’une application en biologie structurale [93, 98]. A contrario, les cellules de type FAIMS (« High-Field Asymmetric Waveform Ion Mobility Spectrometry ») ou DMS (« Differential Mobility Spectrometry »), s’appuyant sur un champ électrique intense, ne fournissent ici « qu’une » dimension de séparation supplémentaire, exploitée notamment en analyse protéomique [106, 107]. Une présentation détaillée de la technologie TWIMS, de son application en IM-MS native et de ses limites, est rapportée en parties 3 et 4 de ce manuscrit.

2.3. La spectrométrie de masse native couplée à la fragmentation en phase gazeuse (« Top-Down Native MS »).

L’analyse de complexes non-covalents par approche « Top-Down Native MS » étend la caractérisation de ces édifices intacts à l’échelle de leurs fragments [108]. Le recours à des techniques de fragmentation en phase gazeuse non ergodiques, comme l’ETD (Electron Transfert Dissociation) ou l’ECD (Electron Capture Dissociation), favorise le maintien d’interactions non-covalentes lors de la fragmentation des complexes intacts [109, 110].

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L’assignation des ions fils générés par MS native en tandem permet une détermination des interfaces protéine-protéine [111-113] et protéine-ligand [114-117]. La fragmentation concomitante du squelette protéique offre l’opportunité d’étudier la séquence primaire des partenaires au sein de la même expérience, rendant cette méthode complémentaire aux approches protéomiques de type « bottom-up » couramment utilisées [118-120].

3. Les approches MS couplées à l’analyse protéomique. 3.1. La protéolyse ménagée.

Les informations structurales ainsi obtenues à l’échelle des protéines entières, peuvent être adressées à l’échelle peptidique par protéolyse ménagée. La digestion ménagée de ces assemblages en conditions natives restreint l’activité protéolytique aux sites de coupures accessibles, permettant de distinguer le cœur des complexes des zones périphériques [121]. L’analyse MS des fragments ainsi générés permet d’identifier les interfaces d’interaction entre sous-unités [122, 123] et étudier la dynamique conformationnelle de ces complexes (flexibilité, changements de conformation), par comparaison des profils de digestion obtenus à différents temps de réaction et en présence de différents partenaires [124, 125].

3.2. Le pontage covalent (« Cross-Linking », XL-MS).

Le pontage covalent (encore appelé « Cross-Linking ») des complexes en conditions physiologiques permet leur analyse par approche protéomique XL-MS [126]. La proximité spatiale des acides aminés ciblés permet l’établissement d’une liaison covalente entre leurs chaînes latérales, à partir d’un agent pontant (« cross-linker ») de longueur et spécificité variables [127-130]. La digestion enzymatique du complexe en conditions dénaturantes s’accompagne d’un séquençage peptidique par analyse protéomique LC-MS/MS. La caractérisation des peptides pontés permet ainsi de localiser les proximités inter- et intra-peptides au sein du complexe natif, précisant l’architecture de ces assemblages [131-134].

3.3. L’échange hydrogène/deutérium (HDX-MS).

L’échange hydrogène/deutérium (HDX-MS) permet de sonder l’accessibilité au solvant deutéré des protons amidiques situés sur le squelette carboné des protéines [135, 136]. L’analyse comparative du profil d’incorporation en deutérium de chaque peptide (ou résidu), obtenu à différents temps de marquage ou en présence/absence de différents partenaires, permet d’étudier la dynamique de ces assemblages [137, 138], identifier les interfaces d’interaction entre partenaires [139, 140] ainsi que l’existence de changements conformationnels [141, 142]. De manière alternative, l’échange H/D peut être réalisé en phase gazeuse au sein du

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spectromètre de masse, par application d’un gaz enrichi en deutérium (ex : gaz ND3, CD3OD)

[143, 144]. Cette approche complémentaire, sondant les propriétés conformationnelles des complexes en phase gazeuse, permet notamment d’étudier l’accessibilité des hydrogènes situés sur les chaînes latérales par application de temps de marquage plus courts (0.1-10ms). Néanmoins, la résolution spatiale de ces informations (protéine, fragment, résidu) dépend de l’efficacité de fragmentation des ions intacts en phase gazeuse (approches « Top-Down »), limitant cette application à l’étude de complexes de taille intermédiaire (≈ 25 kDa) [145, 146].

3.4. Le marquage radicalaire (HRF-MS, FPOP-MS).

Le recouvrement spatial des informations précédentes peut être complété par des approches de marquage aspécifiques radicalaires (« Hydroxyl Radical Footprinting » ou HRF-MS, « Fast Photochemical Oxidation of Proteins » ou FPOP-MS) [147, 148] ou spécifiques [149], ciblant les chaînes latérales des résidus. A nouveau, l’analyse différentielle des profils de marquage de chaque peptide ou résidu, obtenus dans différentes conditions, peut être appliquée à l’étude des interfaces d’interaction protéine-protéine [150] et à la dynamique conformationnelle des complexes [151, 152].

3.5. Les techniques de protéomique quantitative.

Ces principales méthodes de MS structurale sont aujourd’hui rejointes par les outils de protéomique quantitative (« Selected Reaction Monitoring » ou SRM, « Label-Free Quantification » ou LFQ). La quantification absolue (SRM-MS) ou relative (Label-Free) des peptides protéotypiques associés à chaque sous-unité d’un complexe, purifié sous forme intacte par immuno-affinité, donne ainsi accès à la composition de ces assemblages et à leur stœchiométrie d’interaction [153, 154].

4. Conclusions.

Le potentiel des différentes techniques de MS structurale offre des perspectives analytiques prometteuses pour la caractérisation dynamique de complexes protéiques non-covalents. La complémentarité de ces approches aux principales techniques biophysiques (chapitre 1) élargit la palette d’outils applicables en biologie structurale, facilitant l’étude d’assemblages supramoléculaires jusqu’alors réfractaires. Néanmoins, chacune de ces techniques présente ses propres inconvénients, associés aux conditions expérimentales (efficacité de pontage en XL-MS, de dessalage en MS native, échange inverse D/H et recouvrement de séquence en HDX-MS, reproductibilité en digestion ménagée), instrumentales (maintien des complexes non-covalents et de leurs conformations natives en MS et IM-MS native, efficacité de fragmentation

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en « Top Down Native MS ») et au retraitement informatique des données (identification des peptides pontés en XL-MS, assignation des fragments en protéolyse ménagée, interprétation manuelle en MS native, IM-MS native, « Top-Down Native MS »). D’autre part, ces approches présentent une résolution limitée (résidu) au regard des techniques à résolution atomique disponibles, nécessitant la combinaison de ces données orthogonales.

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