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Développement d’intermédiaires

ENTRE ŒUVRE ET PUBLIC, QUELQUES MOTS SUR L’ART POUR L’INDIVIDU-SPECTATEUR

C- Développement d’intermédiaires

« Ecrire, parler sur des tableaux ? Les tableaux ne parleraient donc pas d’eux-mêmes ? Ne serait-ce

pas ajouter un bavardage inutile, un obstacle au libre plaisir des images ? Justement, non. Le paradoxe n’est qu’apparent. […] Sans énonciation, pas d’éveil de l’image. Engendrés par des textes donc, les tableaux engendrent eux-mêmes des textes, à l’infini, comme dans une énumération de générations bibliques. Montrer, décrire, énumérer, narrer, comparer, interpréter, juger. Toute image est déjà discours. Tout montage d’images n’est qu’un montage de textes. 435» Alain Jaubert, écrivain et journaliste

La réputation de l’art a connu des jours meilleurs. Si les scandales ont sans doute largement influé sur l’émergence de la médiation, ils ont dans leur sillage provoqué des remises en question dont nous ne pourrons juger qu’avec le recul. En attendant, « . » préfère se concentrer sur son dispositif, ses spectateurs muets, son absurde et incessante boucle. Et gérer ses propres intermédiaires.

Parler en premier lieu du développement d’intermédiaires et non de médiation n’est pas anodin. L’utilisation de ce synonyme, formé du latin inter : entre et media-us : milieu, associe la médiation à ce qui se cale, s’interpose entre deux éléments. La médiation elle-même, du latin mediatio, est l’entremise, elle sert « d’intermédiaire entre deux ou plusieurs choses 436». Nous allons cependant développer l’hypothèse selon laquelle son rôle ne

se réduit pas à cette définition.

Les scandales nous ont permis de souligner le pouvoir que l’on peut attribuer à l’individu-

434 Olivier Blanckart, « Le piège des institutions culturelles », op. cit., p. 83 435 Alain Jaubert, Palettes, op. cit., p. 12

spectateur accusateur ; nous allons désormais nous intéresser aux actes de prévention des institutions afin de contrer ces attaques ; quels boucliers, intermédiaires, moyens de défenses ?

« . » met en scène l’intermédiaire sous plusieurs formes. La plus évidente est sans doute le texte de médiation

qui défile sur ses murs et recouvre les pratiques exposées. Les détourés des Démarches consultent ou véhiculent une feuille de salle, cette fiche de médiation que l’on retrouve dans une grande majorité de lieux d’art. Quelques cartels apparaissent sur les maquettes, matérialisés quand ils étaient présents sur les photographies ayant servi à modéliser les espaces ; certains cartels provoquent sur les projections des

Démarches des regroupements de visiteurs, on devine leur présence bien que les silhouettes les masquent.

Cependant, un potentiel intermédiaire demeure invisible dans « . ». Il s’agit de l’artiste. J’ai choisi de ne pas développer la question de l’autocensure de l’artiste dans le paragraphe précédent car à juste titre, peu d’entre eux revendiquent cette pratique ; pourtant, le

plasticien peut devenir un premier intermédiaire actif entre le regardeur et l’œuvre, il peut atténuer la forme qu’il envisageait initialement pour l’œuvre et la rendre plus accessible, plus exposable aux yeux du public.

a- l’artiste précautionneux

« Aujourd’hui, l’art apparaît de plus en

plus comme un aimant qui rend possible la communication, et l’artiste ou le médiateur est une sorte d’interface qui permet l’échange de différentes formes d’expérience et de perception. Et l’art s’apparente de plus en plus à une zone d’import de méthodes et de concepts 437» Pierangelo Maset, professeur à

l’Université de Lüneburg,

Les nombreux cas de censure indiquent que les artistes contemporains ne sont pas plus libres de leur création que ne l’étaient leurs confrères des siècles précédents ; les multiples actes de dépassement des limites opérés par les avant-gardes au XXème siècle, puis par les plasticiens jusque dans les années 1980

semblent avoir eu pour conséquence un durcissement des opinions, puis des règles que se doivent aujourd’hui de respecter les artistes s’ils souhaitent être exposés. Claude Lévêque se souvient avec nostalgie de la liberté créatrice des années 1980 ; les censures à l’heure actuelle souligne un renforcement de l’éthique et un rapprochement des frontières du supportable : « Maintenant, c’est la frustration, l’hypocrisie, un certain mal de vivre ensemble et le politiquement correct qui l’emportent. Les artistes sont devenus méfiants. Ils

437 Pierangelo Maset, Médiation de l’art contemporain, perspectives européennes pour l’enseignement et l’éducation artistiques, 2000, Paris,

savent qu’on peut tout faire mais jusqu’à un certain point. 438»

Lorsque je filmais les visiteurs dans les lieux d’art contemporains, je me suis bien souvent posé la question de la légitimité à utiliser l’image d’individus. En de rares occasions en effet, certains visages sont reconnaissables, et dans l’hypothèse où les modèles seraient un jour confrontés à « . », ils auraient la possibilité de se plaindre car je n’ai pas demandé leur accord avant enregistrement. Certains, s’apercevant que la caméra était dirigée vers eux, ont marqué leur désapprobation. Par la suite j’ai modifié les conditions de prise de vue, masquant la caméra, la posant négligemment sur un banc ou un mur sans qu’elle paraisse fonctionner. Le but n’était pas de rechercher l’agression ou la confrontation. L’aspect flou des visages dans les Démarches a ensuite été accentué numériquement ; cet acte souligne l’ineptie des précautions à prendre même lorsqu’on manipule des silhouettes de tout au plus quelques centimètres de haut, ne demeurant que quelques secondes projetées sur une maquette. Notons qu’en 2007, le photographe François-Marie Banier a pourtant gagné ses procès contre trois plaignantes. Les deux premières étaient représentées par une association, accusant l’artiste d’atteinte à la vie privée et à la dignité. La troisième, attachée de presse du monde de l’art, affirmait avoir refusé d’être photographiée, et déplorait d’être exposée parmi des individus plus marginaux dans le livre Perdre la tête 439. Le juge a pourtant reconnu le travail artistique de François-Marie Banier tout comme

en 2004, les photographies d’usagers du métro (série « L’Autre ») de Luc Delahaye avaient échappé aux plaintes, en tant que productions d’artiste.

La récurrence des procès contre des photographes et vidéastes – qu’ils soient journalistes ou plasticiens – initiés par des anonymes souvent attirés par l’appât du gain, a incité à réfléchir sur le préjudice réel de telles images pour leurs modèles. Peuvent-elles réellement avoir un impact sur le grand public, confrontées à toutes celles que diffusent en continu la télévision, Internet, les affiches publicitaires, les journaux ? La législation change. Mais à juste titre, Françoise Dargent, journaliste, s’interroge sur les conséquences de ces attaques perpétuelles sur les photographes : « Si la législation semble évoluer favorablement pour les photographes, il faudra du temps, dans la pratique, pour

que ceux-ci retrouvent leur spontanéité. 440» Et de citer

l’exemple de Rip Hopkins, qui pour ne plus avoir à faire signer d’autorisations de prise de vue à chaque personne apparaissant sur ses images, a choisi de faire poser des personnes affublées d’un masque blanc. La série se nomme « Paris anonyme », et s’annonce comme geste de contestation. « Aujourd’hui, », déplore l’artiste, « les gens voudraient donner une image d’eux-mêmes qui ne correspond finalement pas à la réalité. Notre vie devient de plus en plus artificielle, et on construit de plus en plus sur le virtuel 441»

438 Claude Lévêque, Beaux-Arts magazine n° 302, op. cit., p.65

439 François-Marie Banier, Perdre la tête, 2005, Paris, Londres, Ed. Gallimard/Steidl, 256 p.

440 Françoise Dargent, « Le sacro-saint droit à l’image battu en brèche » Le Figaro, 27 août 2007 441 Rip Hopkins, idem

52. Rip Hopkins, Ligne 5, 75011 Paris, série « Paris anonyme », 2005

Ainsi, et comme le craignait en 2007 Claude Lévêque 442, ses confrères plasticiens se voient incités à

s’autocensurer afin d’échapper à des accusations disproportionnées. Ayant participé à l’exposition « Présumés innocents », il constate :

« cela va obligatoirement orienter les choix des commissaires dans les expositions de groupe ou dans les choix des thématiques. On ne pourra plus montrer certaines choses, on ne pourra plus aborder des sujets tabous comme la sexualité, la guerre, la famille, etc. On va être dans le politiquement correct, on va pouvoir y aller dans la bonne conscience et ne plus poser de problème de société. L’artiste est quand même là pour poser des questions, interroger la société, et s’il l’interroge, ce n’est pas forcément complaisant. S’il n’y a pas de débat, les choses restent enfouies et les gens sont vraiment livrés à eux-mêmes dans la prise de conscience individuelle ou collective. 443»

Quelques rares artistes ne se sentent pas concernés par ce propos, et Fred Forest pense nécessaire que ses semblables, tout comme les journalistes, suivent des règles éthiques strictes lorsqu’ils traitent de drames humains. La forme de l’œuvre doit être réfléchie, afin d’amortir le traitement trop cru de certaines réalités444. Sans doute de cette seule manière, les plasticiens parviendront-ils à se faire comprendre sans

quiproquo. Néanmoins Fred Forest est un cas isolé, et les plasticiens considèrent leur liberté essentielle à la création.

« La très grande liberté que la société contemporaine offre à ses artistes », déclare Catherine Millet, « est une liberté conditionnelle. 445» Les artistes contrôlant leur expression plastique, sont peut-être les premiers

intermédiaires entre le public et l’œuvre. Le fait de penser en amont la réception du public, de l’inclure dans la démarche artistique, nécessite un positionnement de la part du créateur ; conscient des risques que court son œuvre d’être blâmée ou refusée par les structures, il peut se sentir en devoir, ainsi que le préconise Fred Forest, de respecter certaines règles éthiques.

La crainte des réactions du public s’additionne à celle de ne pas bénéficier des aides à la création, dont Bernard Lamizet constate la signification double : « celle d’un encouragement à la pratique esthétique, mais aussi celle d’une limitation institutionnelle de la création. 446»

En ce sens, l’artiste inquiet se fait également le premier intermédiaire entre l’œuvre telle qu’il la conçoit

initialement, et le récepteur. « . » met en scène la méfiance d’un créateur qui, craignant les reproches extérieurs

et redoutant également l’interprétation de l’institution sur son contenu, inclut sa propre médiation et se nimbe d’informations incompréhensibles ou préventives. « . » préfère parasiter la réception, plutôt que se livrer sans protection. De même, l’artiste peut décider de modérer ses ambitions afin d’être en phase avec certaines attentes.

C’est une conséquence certaine des scandales, puis de l’indifférence du public à l’encontre de l’art contemporain ;

442 Claude Lévêque, « Messieurs les censeurs, bonjour », 04-2007, http://www.humanite.fr/2007-04-11_Cultures_Messieurs-les-

censeurs-bonjour, 2-10-09

443 Idem

444 Fred Forest, Fonctionnement et dysfonctionnements de l’art contemporain, un procès pour l’exemple, 2000, Paris, Ed. l’Harmattan,

p.174

445 Catherine Millet, L’art contemporain en France, op. cit., p. 246 446 Bernard Lamizet, La médiation culturelle, op.cit, pp. 318-319

l’artiste d’une certaine manière se prive d’un peu de sa liberté pour que son art ne soit pas rejeté a priori, pour que la rencontre entre l’œuvre et le visiteur s’engage dans heurt. Mais qu’il endosse ce rôle préventif ou s’y refuse, il peut néanmoins compter, à l’heure actuelle, sur (ou avec) d’autres intermédiaires prêts, si le besoin s’en fait sentir, à ménager une distance entre le spectateur et l’œuvre.

b- La médiation en art contemporain : une pratique spécifique

« Par la médiation, l’art se socialise, mais selon des mécanismes qui lui sont propres. 447», Jean-Jacques

Gleizal

Bien que la préoccupation portée à la réception se manifeste chez certains artistes par une temporisation de leur expression, tous ne sont pas prêts à adapter leur œuvre au public. Afin de pouvoir exposer des œuvres risquant de se heurter à l’incompréhension, les structures développent la médiation sur l’exposition sous différentes formes. Elle a pour vocation essentielle – et idéale – de réduire la distance séparant l’œuvre du regardeur, en proposant des pistes de lecture.

« . » met en scène un double refus,

celui de se livrer aux spectateurs en

adoptant une forme plus accessible, mais également celui de se voir accompagné d’outils issus de son lieu d’exposition : nulle fiche de salle, nul cartel. Les seules informations proviennent de l’installation même (le

Manifeste, les Minimums, les étiquettes « Ne pas toucher » et l’indication du titre suivie de la date). Or, ces

écrits ne peuvent faire office de médiation.

Christian Ruby observe que les sociétés contemporaines d’individuation et de services, ont largement développé les médiations, notamment en matières sociale et culturelle 448. Une fois de plus l’importance apparemment

accordée à l’individu provoque des modifications dans la manière de gérer les conflits, d’atténuer les désaccords.

447 Jean-Jacques Gleizal, L’art et le politique, 1994, paris, Ed. Puf, p. 48

448 Christian Ruby, « Le nouvel objet de la médiation culturelle et artistique », colloque « Avec le temps », op. cit., p. 5

Car c’est essentiellement sous cet aspect que se définit la médiation – dans des domaines aussi variés que la vie professionnelle, la justice, la psychologie, la scolarité, la culture, etc. –, comme « Entremise destinée à concilier ou à faire parvenir à un accord, à un accommodement des personnes ou des parties ayant des différends. 449»

C’est notamment la raison pour laquelle j’ai accordé une telle importance à l’évocation des scandales, qui apparaissent comme une raison essentielle de l’acceptation d’une médiation dans les lieux d’art contemporain. Mais la gestion du conflit n’est pas seule à caractériser la médiation, notamment culturelle : le groupe de recherche sur la médiation culturelle 450 développe une vision plus positive de la pratique :

« La médiation culturelle est une forme plus récente et élaborée de l’animation culturelle – tant sur le plan de la pratique professionnelle et de la relation avec le public que du discours et de l’action étatiques – du fait de sa portée politique et civique. En effet, la médiation culturelle, telle que conçue par les décideurs politiques et par les intervenants culturels, ambitionne de travailler conjointement au niveau du sens (la vie avec la pensée) et au niveau du vivre ensemble. […] Elle implique donc une transformation des rapports sociaux en même temps qu’une évolution importante des transmissions culturelles 451».

Le rapport à l’animation est fréquemment formulé, bien que les médiateurs cherchent à se détacher de cette parenté (ce sujet sera occasionnellement approfondi). Les propos du groupe de recherche mettent surtout l’accent sur l’importance des décisions politiques dans le développement de la médiation ; elle permettrait notamment, au-delà de son apport culturel, de favoriser la vie “ensemble’’. Selon Jean Caune, « Aujourd’hui, l’usage indifférencié de la notion de médiation vaut comme symptôme d’une société qui craint de reconnaître les conflits, recherche les espaces de dialogue et du consensus et, enfin, aspire à renouer le tissu social déchiré par le développement incontrôlé de la logique marchande. 452» Cette conception éclaire largement

l’importance que l’état accorde aux intermédiaires, auxquels il prête une mission susceptible de dépasser les frontières de leur discipline.

Nous le constatons, la médiation n’est bien sûr pas réservée au domaine de l’art contemporain, elle touche des professions très variées.

Elle s’avère une des réponses à l’utopie d’une culture pour tous qui depuis plus de cinquante ans habite et remet en question les projets culturels français. Rendre accessible ce qui était réservé à une élite, amener l’art au peuple sans le vulgariser à outrance, n’étaient et ne demeurent possibles que par la présence d’intermédiaires ; les médiations ont la mission d’apporter au public des éclairages sur ce qu’il voit, tout en se préservant des marques d’une hiérarchie séparant celui qui explique de celui qui écoute : « C’est même, fondamentalement, le rôle majeur de la médiation culturelle de faire exister le public, en donnant au populus la consistance esthétique et la symbolique d’un acteur de la signification et de la représentation. 453» précise

Bernard Lamizet.

Lorsqu’elles s’appliquent au champ de l’art contemporain, les médiations cependant sont chargées

449 http://www.cnrtl.fr/definition/mediation, 12-2010

450 Groupe de travail formé par l’association « Culture pour tous » de Montréal.

451 « Nouveaux territoires de l’art », février 2002, in Médiation culturelle et politique de la ville : un lexique, op. cit., p. 115

452 Jean Caune, Pour une éthique de la médiation : le sens des pratiques culturelles, 1999, Grenoble , Presses universitaires de Grenoble,

pp. 11-12

d’une mission spécifique, sur un objet qui ne l’est pas moins. Le site Internet de Muséopolis, politique des publics des musées d’art contemporain, nous en apprend davantage sur ce sujet :

« Médiation et art contemporain : des spécificités ?

Les musées d’art contemporain ont fait partie des pionniers de la médiation et de la relation au public, du fait de la difficulté à communiquer l’art contemporain. L’art contemporain a besoin en effet, d’une médiation qui prenne en compte la complexité de ses significations qui ne sont pas figées.

Le rôle de la médiation consiste à accompagner le spectateur pour assurer le sens des œuvres en révélant leurs aspects contextuels par rapport au lieu et au moment de l’exposition. La médiation consistera principalement à mettre à disposition du public, des compléments d’informations sur les œuvres et les artistes 454»

Le texte de Muséopolis soulignent un aspect essentiel de la médiation de l’art actuel : sa mission est complexe car elle se fonde sur des interprétations non figées. Les informations à communiquer au spectateur sont de deux ordres : il peut s’agir de présupposés que l’artiste pense partager avec le public, ou encore de “présupposés’’ concernant ses œuvres antérieures. L’utilisation même de ce terme par les auteurs du texte souligne l’incertitude entourant l’œuvre contemporaine, qui oblige à formuler des hypothèses afin de construire l’un de ses sens.

Marie-Luz Ceva complète ces informations en reprécisant le rapport entre médiation et spectateur : « La médiation de l’art est conçue comme un moyen de faire accéder le grand public à l’art. Elle explicite son sens par des apports extérieurs nécessaires à sa compréhension, ou pour éveiller la sensibilité du spectateur. Elle apporte un supplément de signification à des œuvres qui ne seraient pas assez “signifiantes’’ pour le public, compensant ainsi une lacune chez le spectateur, ou dans l’œuvre elle-même. Ces remarques présupposent que l’œuvre a une existence autonome, et que la médiation culturelle est un ajout à l’œuvre parce qu’elle intervient effectivement dans une temporalité différente de celle où l’œuvre fut produite. On la pense donc à côté, et extérieure à l’œuvre. C’est pourquoi on considère que l’on peut mener des actions de médiation, mais qu’elles sont facultatives. […]

Si la médiation a pour finalité de faire prendre sens aux œuvres pour le spectateur, elle peut être amenée à se modifier avec l’art contemporain. Le sens des œuvres contemporaines n’est achevé que si leurs conditions communicationnelles se réalisent, or la médiation ne construit- elle pas elle-même les conditions contextuelles dans lesquelles l’œuvre est donnée à voir ? Ce jeu de l’art contemporain avec son contexte remet en cause une conception de la médiation comme extérieure à une œuvre déjà dotée de sens autonome. 455»

Il convient avant d’analyser ces propos, de noter qu’une œuvre (de quelque époque date-t-elle) ne peut être dite “lacunaire’’ sous le prétexte qu’elle ne fournit pas les clefs de sa lecture. Du latin lacuna, trou, la lacune ne semble pouvoir désigner l’œuvre ; reconnaître qu’une œuvre possède des manques, des absences, des oublis

454 « Médiation et art contemporain : des spécificités ? »

http://artcompublics.wordpress.com/2009/06/10/mediation-et-art-contemporain-des-specificites/, 12-2010

semble être l’aveu qu’elle est un objet soumis aux règles de tout objet usuel. L’œuvre s’enveloppe tout au plus de non-dits, d’un mystère, mais le terme lacune semble bien mal adapté à son statut. Cette précision va dans le sens de la réflexion d’Anne Cauquelin concernant les “objets à notice’’, dont elle précise que leur fonction