Pour décrire les différentes étapes de la fertilisation au stade juvénile, nous nous
baserons sur la description d’Ott et al. (2012). Ces auteurs définissent deux périodes
différentes : la période embryonnaire et la période larvaire (Tableau 5, Figure 14). Le
changement entre ces deux périodes est caractérisé par le passage à une alimentation exogène,
l’apparition de la vessie natatoire et le positionnement horizontal des nageoires pectorales
stabilisant la nage de la larve. Ce changement est corrélé avec des changements
morphologiques, physiologiques et comportementaux.
Le stade embryonnaire est très court. Les embryons éclosent entre 8 et 10 jours
post-fécondation (à 13-14°C). L’embryon mesure alors 4,2 ± 0,3 mm. Cependant, la taille est très
variable entre les populations (entre 4,5 à 7,0 mm pour Lappalainen et al. (2003) et entre 3,9
et 4,8 mm pour Lehtonen et al. (1996) et Craig (2000)) et en fonction des conditions
d’élevage. Après l’éclosion, le sac vitellin et le globule lipidique diminuent, la segmentation
est complète et les nageoires apparaissent sans différenciation. A la fin du stade
embryonnaire, le poisson a une bouche fonctionnelle et les nageoires caudales et pectorales
sont différenciées. La première étape (L1- Tableau 5) du stade larvaire est caractérisée par
l’apparition de la vessie natatoire, de certaines dents sur la mâchoire et des nageoires
pectorales en position verticale. La non-inflation de la vessie natatoire est commune et est un
des problèmes majeurs dans la culture intensive des larves de sandre (Summerfelt, 1996).
L’alimentation exogène est une étape clé qui correspond au passage du stade embryonnaire au
stade larvaire (Lehtonen et al., 1996 ; Craig, 2000 ; Ott et al., 2012). A ce stade, les larves ont
une taille comprise entre 6,5 et 9 mm (Lehtonen et al., 1996 ; Figure 12). Le passage de larve
à juvénile est caractérisé par la différentiation et la formation complète des nageoires (Figure
14), correspondant à la métamorphose. Il y a également une dégénérescence de
caractéristiques temporaires larvaires et le juvénile ressemble à un petit adulte.
MATERIEL ET METHODES
Tableau 5. Etapes principales du développement du sandre (Ott et al., 2012).
Période Stades Caractères principaux
Embryonnaire
E6
L’embryon est dans l’œuf. La tête et le corps sont repliés sur le
sac vitellin. Développement de la région caudale mais sans la
segmentation des myotomes caudaux postérieurs. Présence du
cœur, de la lentille dans l’œil et des otolithes dans les vésicules
auditives. Légère pigmentation autour de la rétine.
E7
Début de l’éclosion. Seule la tête est repliée sur le sac vitellin.
Le sac vitellin et le globule lipidique commence à rétrécir. La
segmentation du corps est complète. Apparition des bordures de
la protoptérygie. Formation des nageoires pectorales.
E8
La tête n’est plus que légèrement repliée sur le sac vitellin. La
notochorde est droite. La mâchoire inférieure forme un creux,
les nageoires pectorales immobiles sont en position oblique, le
sang est rouge à cause de la synthèse de l’hémoglobine.
E9 La bouche forme un trou et les mâchoires sont mobiles. La protoptérygie commence à se différencier en lobes pour la
future nageoire caudale, les nageoires pectorales sont mobiles.
Larvaire
L1
Début de l’alimentation exogène. L’alimentation est donc mixte
(nourriture endogène et exogène). Apparition de la vessie
natatoire. Les nageoires pectorales sont en position verticale.
Les dents apparaissent sur les mâchoires.
L2
Transition vers l’alimentation exclusivement exogène, le sac
vitellin et le globule lipidique ont totalement disparu. La vessie
natatoire est gonflée. Le mésenchyme de la protoptérygie se
rassemble en lobes caudaux.
L3 mésenchyme dans les lobes dorsal et anal. Premier actinotrichia Début de la flexion de la notochorde. Condensation du
dans la nageoire caudale, oblique et parallèle.
L4 La flexion de la notochorde est complète, incisant légèrement la nageoire caudale. Actinotrichia se forment dans les nageoires
dorsale et anale.
L5
La nageoire caudale est profondément incisée. Développement
total des rayons des nageoires dorsale et anale, début des rayons
dans les nageoires pectorales et développement de la première
dorsale et de la nageoire ventrale.
L6 ventrales sont clairement allongées. Formation de la cloison Rayons développés dans toutes les nageoires, les nageoires
dans le bulbe olfactif.
Juvéniles
J1
La tête est fuselée et le corps allongé. La bouche est totalement
développée. Les nageoires pectorales s’allongent et tous les
rayons sont divisés. Les écailles commencent à se développer
au niveau du tronc caudal.
J2
La forme définitive et la couleur du corps sont atteintes. Deux
rayures dorso-ventrales entre la seconde dorsale et la nageoire
anale apparaissent. La pigmentation est complète et la ligne
MATERIEL ET METHODES
Figure 14. Stades embryonnaire (E6-E9), larvaire (L1-L6) et juvénile (J1-J2) du sandre.
D’après Ott et al., 2012.
Les systèmes visuel et digestif se développent pendant les stades embryonnaires et ont été
particulièrement bien étudiés chez le sandre.
De manière générale, la rétine des poissons est composée de deux structures photosensibles :
les cônes et les bâtonnets. A l’éclosion, les yeux des larves de sandre sont pigmentés et
visibles. La différentiation des couches rétiniennes au niveau morphologique se met en place
à l’éclosion et est complète à 7 jours post-éclosion (Kamaszewski et Ostaszewska, 2015 ;
Figure 15). La rétine est composée de plusieurs couches : l’épithélium pigmentaire, la couche
de photorécepteurs (cônes et bâtonnets), la couche nucléaire externe, la couche plexiforme
externe, la couche nucléaire interne, la couche plexiforme interne et la couche de cellules
ganglionnaires. Les photorécepteurs permettent de capter la lumière. Chez le sandre, espèce
active au crépuscule et la nuit, les bâtonnets sont majoritairement développés, donnant une
vision grossière mais plus sensible et adaptée aux faibles intensités lumineuses (Ali et al.
1977). Le signal lumineux est ensuite traité par les couches rétiniennes internes et les cellules
ganglionnaires permettant une intégration des mouvements, des couleurs ou encore des
formes.
MATERIEL ET METHODES
Figure 15. Développement de l’œil chez le sandre.
(a) Coupes longitudinales de l’œil de sandre à l’éclosion. (b) Section longitudinale de l’œil de
sandre à 2 jours post-éclosion. La lentille (le) et le nerf optique sont visibles (flèche). (c)
Coupe transversale de l’œil de sandre à 7 jours post-éclosion. Les couches rétiniennes sont
complétement différentiées. La lentille (le), le corps vitreux (VB), la couche de
photorécepteurs (cônes et bâtonnets) (*) et l’épithélium pigmentaire (pe) sont visibles. (d)
Coupe transversale de l’œil de sandre à 13 jours post-éclosion. La lentille (le), le corps
vitreux (VB) et la rétine sont visibles. Pour toutes les images, l’échelle est 10 µm. D’après
Kamaszewski et Ostaszewska, 2015.
A la fin du stade embryonnaire, l’estomac, l’intestin, le foie et la vessie sont totalement
développés. Au stade E9-L1 (90 degrés jours (°C. J
-1) à 16°C), les larves montrent deux
résidus du sac vitellin sous la partie antérieure de l’intestin : le globule lipidique et le vitellus.
La résorption du vitellus commence deux jours après l’éclosion chez le sandre (Hamza et al.,
2007) et est totale à 400°C. J
-1. Le foie est également développé : c’est une réserve de
glycogène. Après cette étape, les larves peuvent se nourrir de zooplancton. Ce mode
d’alimentation est possible car d’autre organes sont développés : l’estomac possède de larges
cellules muqueuses et une zone avec des microvillosités, et l’intestin possède une partie
antérieure avec des anthérocytes (Mani-Ponset et al., 1994). L’épuisement total des réserves
vitellines, entre 14 et 16 jours après fertilisation (Diaz et al., 2002), oblige la larve à passer à
une alimentation exogène. Chez le sandre, le développement de l’estomac se déroule entre 15
et 20 jours post-éclosion avec en particulier l’apparition des glandes gastriques (Hamza et al.,
MATERIEL ET METHODES
2015). Autour de 20 jours post-éclosion, l’estomac est totalement développé au niveau
morphologique. Cependant, le développement des glandes gastriques n’est pas forcement
accompagné de la mise en place de l’activité enzymatique (Hamza et al., 2015). En effet, chez
le sandre, l’activité digestive de l’estomac commence environ 10 jours après le
développement des glandes gastriques (Hamza et al., 2015) soit environ 30 jours
post-éclosion.
Dans le document
Étude multi-traits du cannibalisme intra-cohorte chez les premiers stades de vie du sandre (Sander lucioperca)
(Page 59-63)