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Développement des conquêtes vers les contrées occidentales

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 120-125)

Une réflexion sur la chronologie des évènements historiques

– ant perdu le

B. Développement des conquêtes vers les contrées occidentales

Au cours de la dernière décade du IIe siècle av. J.-C., l’Empire Han consolide sa position dans le Hexi. Les routes centrales sont contrôlées par des tours d’observation, des forteresses sont bâties là où les nœuds de communication sont les plus importants427. De nouvelles routes apparaissent également afin de faciliter les accès aux différentes installations Han et d’améliorer les voyages entre les étapes journalières de progression entre l’est et l’ouest. Au nord, depuis les bords du fleuve jaune sont progressivement étendues les lignes

425 Consulter la chronologie des empereurs Han en annexe n°2.

426 Dès les années 90 av. J.-C., les courriers envoyés le long de la route principale de communication dans le Hexi transitaient nécessairement par Xuanquan. Le relais avait d’ailleurs une position primordiale dans le suivi des relations diplomatiques avec certains des royaumes du Xiyu (on trouvera de beaux exemples dans Wang Su : 2004, p. 149-163 ; Zhang Defang : 2004, p. 147-149 ; Zhang Defang et Hao Shusheng : 2009, p. 177-259.

427 Wu Rengxiang : 2005, p. 21 et suiv ; Takatori : 2012, p. 328-351.

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défensives428. Dans la plaine, chaque installation militaire et administrative est accompagnée d’un développement des terres agricoles429.

En occupant le Hexi, les Han trouveront un grand avantage économique. Sur ce territoire d’une superficie de près de 700 000 km², les ressources riches et variées tant agraires qu’industrielles (bois, textiles, minerais) deviennent peu à peu une importante source de richesses pour l’Empire. Cela explique la concentration des moyens militaires mobilisés vers les contrées occidentales. Les trente-six royaumes du Xiyu sont en effet toujours placés sous le contrôle Xiongnu, du moins officiellement, depuis l’année 176 av. J.-C.430. Ces cité-états, toutes des oasis situées le long des routes sud et nord du Taklamakan, sont une source de richesse incontournable pour cette confédération pastorale. Le « duwei des serfs » (tongbu duwei 僮

僕 都 尉) Xiongnu, installé au sein de ces cités, permettait de lever la levée des

taxes431. Jusqu’en 59 av. J.-C., les Han engagent de nombreux combats dans le but d’avoir le contrôle sur les échanges entre ces états432. Dès 108 av. J.-C., les Han sont confrontés à des difficultés avec Loulan (樓蘭) (à l’ouest du Lop-Nor) et Jushi (姑師) (oasis actuelle de Turfan), deux des principales cités-états du Xiyu. Le passage qui suit nous éclaire sur le contraste historique régional à cette date :

« Les deux petits royaumes de Loulan et Jushi obstruaient la route ce qui rendait les accès difficiles, ils dérobaient Wang Hui433 et les autres envoyés Han. Des embuscades Xiongnu surprirent les envoyés, bloquant ainsi leurs routes tout en lançant périodiquement des attaques [sur eux]434. Chaque envoyé tenta de l’emporter sur l’autre en décrivant les dangers des cités-états [des Contrées occidentales ], indiquant qu’elles sont toutes pourvues de villes fortifiées.

428 Le processus de développement du Hexi est un sujet très souvent abordé depuis le début du XXe siècle. Voir Stein : 1921, vol. 2, p. 722-752 ; Chavannes : 1913, p. iv-viii ; Loewe : 1967, p. 48-57 ; Li Zhengyu : 1986 ; Wu Rengxiang : 1990, p. 45-61 et 2005 ; Chang : 2007, vol. 1, p. 206-213.

429 Dans le courrier sur bois n°60 (DHHJ : 1780) découvert par Stein au niveau de la tour T.VI.b (D3) et traduit par Chavannes, il est clairement indiqué les étapes qui mènent à la construction d’une colonie militaire dans le Hexi : on commence par examiner les lieux, on analyse ensuite les obstacles naturels pouvant renforcer la position sélectionnée, on établit un rempart pour exercer une surveillance au loin. Voir Chavannes, op. cit., p. 25.

430 HS : 94a/3757.

431 HS : 96a/3872

432 HS : 96a/3874 ; Yu Taishan : 2006, p.47.

433 Wang Hui 王恢 fut l’assistant du général Zhao Ponu 趙破奴 dans la guerre que ce dernier fut chargé de mener contre ces oasis. Par son implication dans la capture du roi de Jushi en 107 av. J.-C., on l’annoblit en tant que Hao hou 浩候 ; titre qu’on lui retira quelques mois plus tard après qu’il eu envoyé à Jiuquan un décret impérial sans l’autorisation de l’empereur. En 104 av. J.-C., il rejoignit en qualité de conseillé le général Li Guangli dans le cadre de son expédition punitive dans le Dayuan. Sur ce personnage, voir SJ :123/3171 et 3175 ; HS : 17/660, 61/2695 et 96A/3876.

434 Les événements se déroulent entre 108 et 107 av. J.-C. (HS : 96a/3874). Sur Loulan, voir Hulsewé et Loewe : 1979, p. 81, note 77 ; Matsushita : 1981 ; Paula : 1994, p. 132-134 ; Hansen : 2015, p. 25-56.

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121 | P a g e En raison de la faiblesse [des envoyés Han], il était facile de les attaquer. Ainsi, le Fils du ciel envoya [Chao] Ponu435, noble de Congpiao, de commander la cavalerie des états annexés [à l’Empire] et les hommes qui vinrent par dizaine de milliers des commanderies afin d’attaquer les nomades qui tous s’en fuirent. L’année suivante [107 av. J.-C.], les Han attaquèrent et vainquirent Jushi de même qu’ils capturèrent le roi de Loulan. La ligne des postes [de surveillances] et de défenses de Jiuquan se prolongea jusqu’à Yumen »436.

Par conséquent, les missions chinoises lancées dans le Xiyu impactent directement – ou devrions nous dire logiquement – dans le développement du Hexi. Suite aux succès Han entre 108 et 107 av. J.-C., l’Empire peut continuer à développer les installations défensives jusqu’à Yumen, située 80 km environ à l’ouest de Jiuquan, au sein de l’oasis de Chijinbao437. À cette date on ne fait aucune mention de Dunhuang. C’est un territoire de passage qui servait de base pour mener à bien ces missions offensives ou diplomatiques avec les Contrées occidentales. À l’inverse, Jiuquan, situé à l’intérieur du Hexi, a pu très vite se développer comme commanderie438.

Quelques années plus tard, entre 104 et 101 av. J.-C., une nouvelle expédition militaire est mise sur pied depuis le Hexi : la conquête du Dayuan (actuelle vallée du Ferghana (fig.29)). Une force considérable est engagée pour attaquer un royaume distant de plus de 2000 km depuis Jiuquan. Cette conquête aura un effet en retour dans la mise en défense du Hexi et, en ce qui concerne notre recherche, dans le développement de la partie occidentale du corridor là où sera fondée la commanderie de Dunhuang. Elle confirmera notamment que Jiuquan gouvernait jusqu’à la fin du IIe siècle av. J.-C. toute la partie occidentale du Hexi.

V. La conquête du Dayuan et ses conséquences pour Dunhuang A. Relations diplomatiques entre Han, royaumes et peuples du Xiyu

Après le succès des premières opérations militaires Han au-delà du Hexi, les Han raffermissent les échanges diplomatiques avec les royaumes et peuples des Contrées

435 Sur Zhao Ponu (趙破奴), voir Loewe : 1995, p. 710.

436 HS : 96a/3876. Cette traduction est basée sur celle de Hulsewé : 1979, p. 223. Cette traduction s’appuit sur celle de Hulsewé, op. cit., p. 223.

437 La mention de « Yumen » ne doit pas être confondu avec la « Passe de Jade » (Yumenguan), celle-là même qui sera jusqu’à la fin du IIe siècle av. J.-C. située à l’est de Dunhuang avant de passer à l’ouest, là où débute la route médiane menant vers le Lop-Nor. Voir Chavannes : 1913, p. vi ; Stein, op. cit., p. 683-697; Hulsewé, op.

cit., p. 71, note 7 ; Ma Yong : 1981, p. 134-137 ; Li Zhengyu : 1997, p. 106-114 ; Li Bingcheng : 1998, p. 237-241 ; Wu Rengxiang : 2003 ; Pan Fajun et Pan Jinghu : 2006, p. 10-13 ; Li Yanyun et Bo Weicheng : 2006, p.

67-71.

438 Théorie largement partagée par les spécialistes de cette question. Voir Li Bingcheng, op. cit., p. 31-33 ; Itaru : 2010, p. 56-57.

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occidentales . Parmi eux, les Wusun et les Da Yuezhi entretiennent d’excellentes relations commerciales et diplomatiques, se traduisant en majorité par des échanges de cadeaux, des invitations à la cour des Han... 439 Ainsi, en 105 av. J.-C., les Wusun, prenant sans doute confiance dans leurs relations avec les Han et ayant renforcé leurs armées depuis qu’ils sont installés dans la région de l’Ili, prennent leurs distances avec les Xiongnu. En représailles, Wushilu (

烏 師 廬

), le tout jeune Shanyu ayant succédé à son père Wuwei menace les frontières chinoises du Hexi et du nord de l’Empire :

« Le Shanyu Wuwei mourut après dix années de règne, son fils Wushilu devint donc le nouveau Shanyu. [En raison] de son jeune âge, on le surnommait l’enfant Shanyu. Cette année fut la sixième année de l’ère Yuanfeng [105 av. J.-C.]. Dès lors, le Shanyu se tourna vers le nord-ouest, ces troupes [du flanc] gauche [est] furent dirigées contre Yunzhong440, celles du [flanc]

droit [ouest] contre les commanderies de Jiuquan et de Dunhuang »441.

Avant de s’occuper des données historiques décrites dans cet extrait, il faut tout d’abord faire un point sur la mention de la « commanderie de Dunhuang », première fois que cela apparait dans le Shiji. Conformément à ce passage, on pourrait donc supposer que c’est à cette date, soit en 105 av. J.-C., que celle-ci est officiellement reconnue par l’Empire442. Bien que le texte de Sima Qian soit le plus contemporain des événements, il est toutefois possible que cette partie du texte soit en partie erronée. En effet, le commentateur du Shiji, Zhang Shoujie (張守節) (première moitié du VIIIe siècle), remarque que deux autres noms de lieux ne sont pas mentionnés dans le texte transmis du Shiji. Le texte originel aurait été défectueux, ce qui aurait pu conduire les scribes à intégrer des toponymes qui n’étaient pas mentionnés dans la version d’origine. On aurait alors utilisé le terme de « commanderie » de Dunhuang sans savoir si celle-ci existait véritablement en 105 av. J.-C.443. Ce serait là une raison suffisante pour mettre en doute sa mention à cette date. D’ailleurs, les copies postérieures de ce passage ne parlent de Jiuquan et de Dunhuang que comme toponymes et

439 Une ambassade Parthe put atteindre Chang’an sous Wudi, entre 110 et 100 av. J.-C. (SJ : 123/3161-3174 ; HS : 70/3002). Loewe : 1974, p. 27-34 ; Boulnois : 2010, p. 59-65.

440 Yunzhong est une commanderie Han située au nord de l’Empire, en actuelle Mongolie-Intérieure (HS : 28B/1620).

441 SJ : 110/2914. Traduction empruntée à celle de Giele : 2011b, p. 296.

442 Ceng : 1981, p. 536-542.

443 C’est un constat similaire que nous avons fait avec les différents passages du Hanshu. On écrit l’histoire du Hexi avec un décalage d’un siècle. Cela amène à généraliser sur le développement de l’administration Han.

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non comme commanderie444. La suite des événements, notamment avec la conquête du Dayuan (大宛國), confirmera cette prudence sur la datation.

Revenons maintenant à ce même passage du Shiji. Les Xiongnu tentent par tous les moyens d’affaiblir les communications établis entre les Han et les royaumes du Xiyu. C’est pour cette raison qu’ils menacent les jeunes structures administratives du Hexi ainsi que celles situées au nord de l’Empire chinois. Mais cela ne suffira pas à affaiblir les échanges diplomatiques :

« Les Han communiquèrent avec les Yuezhi et le Daxia. De plus, ils marièrent une princesse Han avec le roi des Wusun afin de séparer les royaumes de l’ouest soutenant les Xiongnu »445.

En 107 av. J.-C., lors du mariage de la princesse Liu Xijun (

劉細君), la fille du

royaume du roi Liu Jian (

劉建) du royaume de Jiangdu (江都王國

) avec le Kunmo446, ce dernier offrit un millier de chevaux à la cour impériale447. Les textes de l’époque et d’autres plus tardifs mentionnent aussi de nombreuses autres ambassades venues de territoires plus lointains qui présentaient des cadeaux somptueux448. Les objectifs Han transparaissent dans les textes de cette époque : les échanges avec les royaumes du Xiyu permettent de tenir et d’enrichir une relation de confiance avec des peuples qui souhaitent se distancer des Xiongnu.

La présence Xiongnu étant solidement ancrée dans le nord-ouest, ils pouvaient toutefois surveiller et perturber les activités quotidiennes des cités-états du Taklamakan. Les Han opérant depuis le cœur du Hexi, étaient bien loin de pouvoir contrôler et garantir la sécurité des routes de communication avec le Xiyu449. Il fallait donc parvenir à un contrôle des Contrée occidentales. C’est dans ce contexte que s’élabore la conquête du Dayuan450.

444 ZZTJ : 20 ; Yap : 2009, p. 217.

445 SJ : 110/2913.

446 Titre désignant le roi chez les Wusun.

447 ZZTJ : 20, op. cit. ; Yap, op. cit., p. 218.

448 Boulnois dresse un petit panorama de ces quelques objets surprenants (Boulnois, op. cit., p. 5-45. Voir également Yu Yingshi : 2008, p. 89-127.

449 ZZTJ : 20, op. cit. ; Yap, op. cit., p. 220.

450 Le royaume de Dayuan est associé à la vallée du Ferghana (vallée fertile couvrant l'est de l'Ouzbékistan, le sud du Kirghizistan et le nord du Tadjikistan). Cette vallée est traversée par le cours du Syr-Daria qui puise son eau depuis l’Oural. Sur ce royaume, la cour impériale connait son existence et sa structure grâce aux deux principales missions menées par Zhang Qian entre 138 et 127 av. J.-C. puis entre 116 et 115 av. J.-C. Dans ces rapports, nous apprenons notamment le rôle de plaque tournante vers les contrées de l’ouest. C’est en effet un point de passage stratégique, depuis la route nord, pour se rendre vers la Sogdiane et la Bactriane. Les nombreuses ambassades et missions commerciales entreprises entre les Han et l’ouest passeront souvent par ce royaume, d’où son importance.

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