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1.7 Autisme et enfant : aspect développemental

1.7.1 Le développement affectif de l’enfant

L’étude du développement affectif des enfants est un processus fondamen-tal pour l’analyse des comportements et l’interaction sociale des enfants no-tamment dans le cadre des pathologies mentales et cognitives (langage,

per-ception, raisonnement, etc.). Le développement de l’enfant n’est pas un pro-cessus indépendant car l’environnement social et physique du bébé jouent un rôle important dans son développement. De plus, les compétences sociales des enfants se développent grâce aux communications avec son entourage et par-ticulièrement avec ses parents. En complément, la découverte par les parents des compétences de leur enfant va faciliter la mise en place des interactions et de l’attachement précoce. La relation de l’enfant avec son entourage est conçue comme un processus bidirectionnel. L’enfant est à la fois soumis aux influences de ses parents et entraîne chez eux des modifications.

Le besoin d’attachement est un besoin primaire, inné chez l’homme. Ainsi, l’attachement est indispensable pour l’enfant pour survivre et pour se déve-lopper correctement. Il s’agit de la relation de l’enfant avec sa mère d’abord, puis avec ses parents et en général avec son entourage proche. Cet attachement se développe à partir de comportements innés : pleurs, succion, agrippement qui permettent de maintenir la proximité physique et l’accessibilité à la figure d’attachement privilégiée qui est le plus souvent représentée par la mère.

L’enfant veut toujours des réponses sécurisantes à ses désirs, aussi il a souvent besoin de réponses rapides, cohérentes, chaleureuses et prévisibles.

Par conséquent, quand une sensation est désagréable, le bébé gémit, pleure, crie, hurle, et généralement quelqu’un, le plus souvent maman, vient et le sou-lage. Si les réponses de l’entourage sont adéquates au besoin d’attachement de l’enfant, celui-ci développera une base de sécurité et une image de lui-même positive. Par conséquent, à partir de cette base de sécurité, de nouvelles compé-tences apparaissent : la capacité de se séparer pour explorer l’environnement, la capacité d’attendre une réponse et plus tard de répondre à son tour aux besoins d’attachement.

Autrement, chez tout enfant se déroule un processus d’individuation et de séparation (psychique), qui permet le développement du sentiment de conscience de soi. Ce processus de séparation-individuation se manifeste par le développement des compétences de l’enfant, des compétences sensorielles et sociales, des compétences cognitives qui vont avoir un impact très important sur l’interaction des enfants avec leurs entourages.

1.7.1.1 Compétences sensorielles de l’enfant

On distingue les compétences perceptuelles (vision, audition et olfaction) et les compétences motrices qui sont généralement les premiers éléments dé-veloppés l’enfant [Maury et al., 2005]. Les bébés ont d’abord une préférence visuelle pour des modèles proches du visage humain par la forme et la taille.

Par contre, leurs compétences visuelles restent limitées par rapport à celles des adultes. De plus, la perception visuelle de l’enfant est conditionnée par

1.7. Autisme et enfant : aspect développemental 41 l’ensemble de son développement sensori-moteur. Ainsi un déficit précoce de la fonction visuelle peut interférer avec le développement de l’enfant et influencer sur l’ensemble de ses compétences, qu’elles soient motrices, cognitives ou af-fectives, et avoir ainsi des répercussions sur ses performances interactionnelles puis sur son insertion sociale.

L’enfant, dès sa naissance, est très sensible aux événements sonores, le bébé tourne généralement sa tête ou ses yeux vers la direction de la source.

Durant les premiers jours, le bébé préfère la voix humaine, et plus particuliè-rement celle de sa mère, aux autres sources sonores (bruits), cette préférence se manifeste par une augmentation des sourires et grand intérêt par tourner la tête en direction de la voix.

D’autres compétences, comme l’olfaction, sont assez développées et sont proches de celles de l’adulte. Très jeune, le bébé est capable de discriminer l’odeur du cou et/ou du sein de sa mère, de l’odeur d’une autre femme. Il est également capable de discriminer des saveurs : salé, sucré, amer, acide, avec une préférence pour le sucré.

Les compétences motrices et les mouvements corporels sont essentiellement réflexes : succion, grasping réflexe, réflexes archaïques. Cette motricité réflexe joue un rôle important dans l’interaction car elle présente un support aux parents pour forger leurs représentations de l’enfant. Par exemple quand un bébé serre le doigt de sa mère lors du grasping réflexe, sa mère éprouve une émotion qui, selon les cas, peut être rassurante (il tient à moi) ou inquiétante (il ne va pas me lâcher).

Toutes ces compétences vont avoir des conséquences positives sur l’interac-tion sociale de l’enfant avec son entourage, particulièrement avec ses parents.

1.7.1.2 L’interaction de l’enfant avec son entourage

L’interaction de l’enfant avec ses parents, particulièrement avec sa mère, est très importante et primordiale pour l’accompagner dans la découverte et la compréhension des différents dispositifs cognitifs. Les chercheurs en psycho-logie développementale ont montré que, à partir de quelques semaines après la naissance, la mère et le bébé échangent des signaux multimodaux : regards, quelques vocalisations, imitations, expressions faciales, puis chacun est in-fluencé par le comportement de l’autre [Weinberg et Tronick,1994] [Mayer et Tronick, 1985] [Beebe et al., 1979]. On distingue trois niveaux d’interaction : comportemental, affectif et imaginaire.

Interaction comportementale L’interaction comportementale ou inter-action réelle se définit par la manière dont les comportements de la mère vont influencer ceux du bébé et inversement. Elle est directement observable et elle

peut se situer dans les registres corporel, visuel et/ou vocal. En particulier, les vocalisations restent les moyens les plus utilisés et traduisent les besoins et les affects des bébés, permettant ainsi d’exprimer leurs désirs. La voix, particuliè-rement la voix maternelle, donne un tempo à l’interaction qui va permettre à l’enfant d’anticiper et de s’organiser. Les interactions vocales sont aussi impor-tantes pour l’harmonisation de la relation entre la mère et l’enfant. Au début, les parents ont plus tendance à parler avec une voix harmonique avec le bébé, ils utilisent un registre particulier de parole appelé motherese, ce registre de parole joue un rôle très important dans le développement de l’enfant [Beebe et Lachmann,1988] [Papousek et Papousek,1977] [Papousek et Papousek,1987]

[Stern, 1993]. Le motherese est souvent utilisé par la mère dès les premiers instants de sa relation avec le bébé. A cette période néonatale, la motricité du bébé paraît parfois entraînée par la parole de la mère et synchronisée avec elle. De plus, l’interaction vocale est un processus fondamental pour l’acqui-sition et l’apprentissage du langage. Bruner [1968] affirme que l’acquisition du langage est basée sur les processus d’interaction mère-bébé. Concernant l’interaction corporelle, c’est la façon dont le bébé est tenu, porté, manipulé et touché, elle permet l’ajustement interactif entre l’enfant et sa mère. Ainsi, des études [Stack et Arnold,1998] ont montré qu’avec seulement le toucher et les gestes, la mère peut engager facilement une interaction avec son bébé.

Interaction affective L’interaction affective représente l’influence réci-proque de la vie émotionnelle du bébé et de celle de ses parents, particulière-ment sa mère. Elle concerne le climat émotionnel ou affectif de l’interaction, le vécu agréable ou déplaisant de la communication. Les affects constituent l’objet même de la communication dans le jeu mère-bébé, surtout pendant les premières semaines. La tonalité affective globale des échanges entre les parents et l’enfant permet de dégager des sentiments de plaisir, bien-être, tristesse, ennui, indifférence, insécurité, excitation, voire de la haine appellé accordage affectif [Stern,1985]. Il s’agit d’un acte d’intersubjectivité dans le-quel le parent répond à une expression affective du bébé en la remaniant d’une autre façon et en la rejouant au bébé de sorte qu’il lui montre qu’il a partagé son expérience subjective interne.

Interaction imaginaire et fantasmatique L’interaction imaginaire fan-tasmatique représente l’influence réciproque du déroulement de la vie psy-chique de la mère et de celle de son bébé, aussi bien dans leurs aspects ima-ginaire, conscient ou inconscient que fantasmatique. Elle va ainsi donner sens à l’interaction comportementale. Chez le parent, la proximité de son bébé, va réactiver sa vie imaginaire et fantasmatique, il pourra ainsi parler de l’enfant

1.7. Autisme et enfant : aspect développemental 43 imaginaire de la grossesse. Quant au bébé, grâce à l’excitation des zones éro-gènes, il va halluciner la satisfaction et imaginer le plaisir qui vient de l’objet qu’il se représente. Par exemple : un fantasme maternel portant sur le danger de se séparer influence le comportement de la mère à l’égard de son bébé par-ticulièrement dans une situation de séparation ; le comportement angoissé du bébé à ce moment là amène à penser qu’il partage avec sa mère une expérience émotionnelle qui contribue à la constitution de sa propre vie fantasmatique.