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CHAPITRE 2 : RECENSION DES ÉCRITS 9

2.3. Abandon de traitement en pédopsychiatrie 19

2.3.2 Déterminants liés à la famille 23

Les enfants et les adolescents sollicitent rarement eux-mêmes des services de santé mentale. C’est souvent grâce à l’initiative des parents que les jeunes accèdent aux services. De ce fait, il est plausible que la famille puisse également constituer un déterminant important de l’arrêt prématuré du traitement en pédopsychiatrie.

2.3.2.1 Statut socioéconomique

Comme c’est le cas pour les variables liées au jeune, les études sur les déterminants associées à la famille ne permettent d’obtenir de conclusions fermes. Ainsi, plusieurs études ont associé un statut socioéconomique (SSE) défavorisé et l’arrêt précoce du traitement (Armbruster & Fallon, 1994; Fernandez & Eyberg, 2009; Kazdin & Mazurick, 1994; Pelkonen et al., 2000; Prinz & Miller, 1994; Viale-Val et al., 1984), d’autres concluent au contraire qu’il n’y a pas d’association entre ces deux variables (Kaminer et al., 1992; King et al., 1997; Lazaratou et al., 2000). La définition opérationnelle du SSE varie cependant d’une étude à l’autre. Certaines ont utilisé un système de classification reconnu comme le Hollingsthead, (Armbruster & Fallon, 1994; Viale-Val et al., 1984) ou mieux encore, plusieurs indices pour mesurer cette variable (Kazdin & Mazurick, 1994), tandis que d’autres ont plutôt inféré les données sur la situation famille à partir d’informations indirectes comme l’occupation des parents ou le secteur urbain du domicile (Armbruster & Schwab-Stone, 1994; King et al., 1997; Lazaratou et al., 2000; Pelkonen et al., 2000; Taylor & Stansfeld, 1984).

L’association entre le SSE et l’abandon pourrait cependant être faussée par des variables confondantes. Armbruster & Fallon (1994) ont trouvé que les familles dont le SSE était précaire, mais qui présentaient par ailleurs une forte cohésion familiale et étaient orientées vers la réussite utilisaient mieux les services que les familles de statut comparable avec conflits familiaux. Ce résultat a également été

reproduit par Rotheram-Borus (1999). Des analyses permettant le contrôle de la variable « stress parental », aussi associé à l’abandon (Attride-Stirling, Davis, Farrell, Groark, & Day, 2004; Kazdin, Mazurick, & Siegel, 1994) pourraient également éclairer les résultats divergents sur les effets du SSE sur l’abandon du traitement en pédopsychiatrie.

2.3.2.2 Psychopathologie parentale

La présence d’une psychopathologie chez les parents a également été soupçonnée comme un déterminant possible de l’abandon du traitement. Celle-ci n’a toutefois pas été associée de manière constante à l’abandon. Certaines études ont trouvé une corrélation positive (King et al., 1997; Rotheram-Borus et al., 1999; Siegel, Norris, & Escobar, 1994) tandis que d’autres n’ont pas trouvé d’association (Dierker et al., 2001; Halaby, 2004; Kaminer et al., 1992; Kazdin, 1990).

La diversité des définitions opérationnelles de cette variable limite cependant les comparaisons entre ces études et pourrait expliquer la disparité apparente des résultats. Certaines ont recueilli les données sur la santé mentale des parents par une évaluation formelle à partir d’instruments standardisés (Kazdin & Mazurick, 1994; Rotheram-Borus et al., 1999). D’autres ont obtenu des informations rétrospectivement à partir du dossier de l’enfant (Siegel et al., 1994) ou ont soumis les parents à une entrevue clinique, parfois conduite par un autre professionnel que le médecin pour statuer sur la présence d’une pathologie psychiatrique chez le parent (Kaminer et al., 1992). Finalement, certaines recherches ont tenté d’associer l’abandon avec différents symptômes psychiatriques présents chez le parent tandis que d’autres ont utilisé un diagnostic formel.

La spécificité de la psychopathologie parentale apporte un autre éclairage sur les causes de ces contradictions dans les résultats. Quelques études suggèrent que certaines pathologies pourraient être davantage associées à l’arrêt précoce du traitement. L’étude de King (1997) s’est penchée sur la poursuite du traitement externe de 66 adolescents hospitalisés pour des conduites suicidaires. Ceux dont la mère présentait des symptômes dépressifs et/ou paranoïdes étaient plus nombreux à

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ne pas se présenter à plus d’une séance de psychothérapie individuelle. Cette tendance s’est révélée beaucoup plus marquée dans le cas de mères paranoïdes et reproduit les résultats déjà obtenus antérieurement par une autre étude portant sur l’abandon de thérapie de groupe chez les adolescents (Holmes, 1983). De leur côté, Pellerin et coll. (2010) ont trouvé que les parents des décrocheurs rapportaient plus souvent des symptômes dépressifs ou des limites intellectuelles (Fernandez & Eyberg, 2009).

2.3.2.3 Expérience subjective des soins

À l’instar des résultats portant sur les déterminants liés à l’expérience subjective des jeunes, des données semblables concernant les parents apportent également un éclairage sur le processus d’abandon. Les parents d’enfants ayant cessé leur démarche avant le début du traitement ont été questionnés sur les raisons motivant leur abandon lors d’une étude réalisée dans un hôpital universitaire québécois (Breton et al., 1975). Plus de la moitié (54 %) ont mentionné que les soignants ne leur avaient pas donné une description adéquate du problème de leur enfant. Cette donnée converge avec les résultats d’une autre étude montrant que l’abandon est plus probable lorsque la compréhension du problème des thérapeutes et des parents diffèrent (Miller & Prinz, 2003). Dans une autre étude réalisée dans une clinique de pédopsychiatrie de Hong Kong, un questionnaire portant sur les raisons d’abandon a été administré à 38 parents d’enfants ayant cessé prématurément le traitement (Lai, et al., 1997). Les raisons invoquées ont été 1) la croyance que leur enfant ne nécessitait pas de soins psychiatriques (55.3 %), 2) l’impression que l’enfant avait fait des progrès (39.5 %) et 3) un désaccord avec l’opinion clinique du médecin (36.7 %).

D’autres études montrent que l’attitude des parents par rapport au traitement peut en influencer la poursuite ou l’arrêt (Attride-Stirling et al., 2004; Fernandez & Eyberg, 2009; Luk, Staiger, Mathai, Wong, Birleson, & Adler, 2001; McKay, Harrison, Gonzales, Kim, & Quintana, 2002; Pekarik, 1992; Prinz & Miller, 1994; Zagayko, 1994). Cette variable a été identifiée comme étant la plus

significativement associée à l’abandon du traitement chez les adolescents (Burns, et al., 2008; Halaby, 2004). En effet, ceux-ci étaient plus susceptibles de décrocher lorsque le parent est ambivalent, non disposé ou incapable de participer au traitement.

Plus récemment, Kazdin, Holland & Crowley (1997) et Kazdin, Holland, Crowley & Breton (1997) ont proposé un modèle conceptuel désigné comme le Modèle des barrières au traitement3 (The barriers-to-treatment model) basé

essentiellement sur la perception du parent. Celui-ci propose que les familles font face à une multitude de difficultés interférant avec leur participation au traitement et que l’expérience négative subjective de celles-ci augmente le risque d’abandon. Ces perceptions sont désignées comme les barrières à la participation au traitement. Celles-ci regroupent 1) la perception que le traitement est exigeant et peu pertinent et 2) une mauvaise alliance du parent avec le soignant. Cette équipe a testé ce modèle auprès de parents d’enfants présentant des troubles externalisés. Leurs résultats confirment que la perception des barrières à la participation était indépendante des caractéristiques de la famille, du parent ou de l’enfant et que le risque d’abandon était atténué lorsque le parent percevait moins de barrières. S’appuyant sur le même modèle théorique, Steven, Kelleher, Ward-Estes & Hayes (2006) ont confirmé ces résultats pour des jeunes présentant une diversité de diagnostic.