• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 2 : RECENSION DES ÉCRITS 9

2.3. Abandon de traitement en pédopsychiatrie 19

2.3.4 Abandon du traitement de l’adolescent suicidaire 30

Les jeunes qui verbalisent des idéations suicidaires ou qui tentent de mettre fin à leurs jours présentent une détresse suffisamment importante pour justifier le recours à une aide professionnelle. Ils sont le plus souvent accueillis dans les urgences puis orientés vers l’hospitalisation ou les cliniques externes. La prise en charge thérapeutique de ces jeunes est indispensable pour la résolution de la crise, mais également pour la prévention de la récidive suicidaire. Les conséquences d’un traitement cessé trop précocement chez un jeune ayant posé un geste suicidaire sont préoccupantes lorsqu’on considère que le risque de récidive est plus élevé dans les mois qui suivent la tentative (Appleby & Warner, 1993; Brent, Johnson, et al., 1993; Spirito, Plummer, Gispert, Levy, Kurkjian, Lewander, Hagberg et al., 1992) et que ceux qui ne se présentent pas au traitement sont ceux qui sont le plus susceptibles de récidiver (van Heeringen, Jannes, Buylaert, Henderick, & et al., 1995).

La difficulté à poursuivre un traitement jusqu’à sa conclusion se révèle cependant notoire chez les adolescents suicidaires. Ces derniers abandonneraient le traitement plus rapidement que les non-suicidaires (Trautman et al., 1993). Entre 40 % et 77 % des adolescents ayant consulté à la suite d’une tentative de suicide abandonnent leur traitement précocement sans avis médical (King et al., 1997;

31

Ottino, 1995; Pelkonen et al., 2000; Piacentini, Rotheram-Borus, Gillis, Graae, Trautman, Cantwell, Garcia-Leeds et al., 1995; Trautman et al., 1993; Viale-Val et al., 1984). Jusqu’à la moitié d’entre eux ne se présenteraient pas au premier rendez- vous (Pillay & Wassenaar, 1995).

2.3.4.1 Variables démographiques

Comme cela a été décrit plus tôt, la littérature en pédopsychiatrie converge généralement vers la conclusion que les variables démographiques ne sont pas reliées à l’arrêt prématuré du traitement. Les données relatives aux adolescents suicidaires divergent toutefois quelque peu. Bien que certains chercheurs n’ont pas trouvé d’association avec l’âge (Granboulan et al., 2001; Trautman et al., 1993), d’autres concluent que les adolescents suicidaires qui abandonnent le traitement sont plus âgés (Piacentini et al., 1995). Ces résultats contradictoires peuvent toutefois être nuancés lorsqu’on distingue les décrocheurs précoces et les plus tardifs. Pelkonen (2000) a trouvé, par exemple, que les jeunes qui cessent très rapidement étaient plus âgés que ceux qui poursuivent au-delà de 14 séances. Des résultats comparables sont rapportés par Piacentini et coll. (1995), à l’effet que, chez les adolescents qui ont fait une tentative, les garçons plus jeunes assistent à un plus grand nombre de séances que leurs aînés (11-15 ans vs 16-19 ans). Il est possible que la gravité de conduites suicidaires chez les plus jeunes ait favorisé un encadrement plus important de la part des parents et une mobilisation plus grande des soignants pour maintenir le suivi. Une telle distinction par rapport au groupe d’âge n’a cependant pas été retrouvée chez les filles malgré que celles-ci aient tendance à manquer davantage de rendez-vous (Trautman et al., 1993).

D’autres variables objectives relatives aux aspects démographiques ont été examinées chez les adolescents suicidaires, mais leur association avec l’abandon demeure imprécise. Quelques études ont trouvé une relation positive entre un SSE précaire et l’arrêt précoce du traitement (Pelkonen et al., 2000; Viale-Val et al., 1984), tandis que celle de Rotheram-Borus (1999) conclut au contraire que ces familles poursuivent davantage le traitement. Finalement, plusieurs n’ont pas trouvé

de corrélation entre l’abandon et SSE (Spirito, Lewander, Levy, Kurkjian, & Fritz, 1994; Taylor & Stansfeld, 1984).

2.3.4.2 Psychopathologie

De même, les données quant à une association avec le diagnostic permettent difficilement d’arriver à des conclusions définitives. Quelques recherches ont trouvé moins d’abandons des rencontres de suivi chez les jeunes suicidaires plus sévèrement déprimés (Granboulan et al., 2001; Ottino, 1995; Taylor & Stansfeld, 1984) tandis que d’autres tendent plutôt à démontrer la relation inverse (Pelkonen et al., 2000), ou suggèrent l’absence d’association entre ces variables (Burns, Cortell, & Wagner, 2008; Trautman et al., 1993). Les adolescents déprimés seraient par contre moins fidèles au traitement pharmacologique que ceux qui ne présentent pas cette symptomatologie (Burns et al., 2008). Les conclusions sont toutes aussi divergentes concernant les troubles anxieux chez les adolescents suicidaires. Dans l’étude de Rotheram-Borus (1999), ces jeunes ont adhéré plus difficilement au traitement tandis que Halaby (2004) n’a trouvé aucune association.

L’association entre l’abandon précoce du traitement et la présence de symptômes externalisés a été démontrée d’une manière assez constante pour la clientèle pédopsychiatrique (Kazdin et al., 1994). Cependant, lorsqu’il s’agit d’adolescents qui présentent aussi des conduites suicidaires, cette association apparaît moins claire. Burns (2008) a trouvé que parmi les adolescents ayant fait une tentative de suicide, ceux présentant des troubles du comportement se sont révélés à plus haut risque d’abandon tandis que Granboulan (2001) n’a pas trouvé d’association significative. Ces jeunes ont même démontré une participation plus longue au traitement dans une autre étude (Rotheram-Borus et al., 1999). Ces résultats peuvent toutefois être mis en perspective. En effet, cette dernière recherche s’est penchée sur une intervention spécialisée mise en place spécifiquement pour augmenter l’adhésion au traitement d’une population de jeunes filles de milieu défavorisé. La poursuite de leur traitement pourrait avoir été favorisée par le fait que le suivi offert était mis en place immédiatement à partir de la visite à l’urgence et

33

que des stratégies spécifiques notamment la psychoéducation ont été utilisées. Ces jeunes, qui démontrent une tendance à abandonner plus hâtivement que les autres décrocheurs, souvent dès l’évaluation ou avant même que le traitement ne soit amorcé (Pelkonen et al., 2000) pourraient avoir adhéré plus facilement à un modèle de soin où la prise en charge est structurée et amorcée au moment même de la demande.

Finalement, les quelques études vérifiant l’association entre pathologie et abandon chez les adolescents suicidaires se sont limitées au diagnostic à l’axe I et sans considérer le TPL comme un élément potentiellement contributif. Finalement, la chronicité de la psychopathologie chez les adolescents suicidaires, ne serait pas associée à l’adhésion au traitement pour certains (Spirito, Boergers, Donaldson, Bishop, & Lewander, 2002), tandis qu’au contraire d’autres concluent que les jeunes plus sévèrement atteints sont plus fidèles à leur rendez-vous (Rotheram- Borus et al., 1999).

2.3.4.3 Types de conduites suicidaires

Plusieurs études ont vérifié si le type de conduites suicidaires différencie les décrocheurs de ceux qui complètent le traitement. Alors que Trautman (1993) et Halaby (2004) n’ont trouvé aucune association significative entre les tentatives suicidaires antérieures et l’abandon du traitement, l’étude de Spirito (1994) suggère qu’il y a moins d’abandons lorsque les jeunes consultent après une récidive. Litt (1983) démontre au contraire que l’abandon est plus fréquent dans ce cas.

Par ailleurs, Pelkonen (2000) a mis en évidence des schémas d’abandon différents en distinguant les jeunes admis avec idéations suicidaires uniquement de ceux qui avaient fait une tentative. Ils ont trouvé plus d’abandons immédiatement après l’évaluation chez les jeunes qui présentaient des idées suicidaires sans avoir posé de gestes ainsi qu’une tendance à cesser plus hâtivement le traitement (après 1 ou 2 séances). En contrepartie, les adolescents qui avaient fait une tentative étaient plus nombreux dans le groupe des sujets qui avaient cessé le traitement plus tard. Dans le même sens, les adolescentes qui présentent le plus d’idées suicidaires

actives ont davantage adhéré au programme d’intervention spécialisé à l’urgence de l’équipe de Rotheram-Borus, Piacentini, Van Rossem, Graae, Cantwell, Castro- Blanco, Miller et al. (1996).