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CHAPITRE 2 : RECENSION DES ÉCRITS 9

2.3. Abandon de traitement en pédopsychiatrie 19

2.3.3 Déterminants liés au dispositif de soin 26

Les variables liées au dispositif de soin représentent la troisième catégorie de déterminants investigués dans la littérature portant sur l’abandon du traitement en pédopsychiatrie. Elles regroupent les caractéristiques du thérapeute, l’alliance thérapeutique et le pairage, les spécificités du cadre du traitement, les modalités et les étapes du processus de prise en charge.

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2.3.3.1 Caractéristiques du soignant

L’association entre les caractéristiques des soignants et l’abandon de traitement a été explorée par quelques études. Le sexe et l’ethnie du soignant ne semblent pas faire de différence dans le maintien en traitement des adolescents. Les cliniciens de sexe féminin ne comptent pas plus de décrocheurs que les thérapeutes masculins ou les cliniciens d’une ethnie en particulier (Robbins, Liddle, Turner, Dakof, Alexander, & Kogan, 2006).

En contrepartie, il semble que le pairage des sexes et de l’ethnie entre le jeune et le soignant soit plus déterminant. En effet, le pairage d’adolescent et de soignant de même sexe ou de même ethnie a été associé au maintien au traitement (Viale-Val et al., 1984; Wintersteen, Mensinger, & Diamond, 2005). L’affiliation professionnelle, par contre, ne fait pas consensus. Certains n’ont pas trouvé de lien avec l’affiliation professionnelle des thérapeutes (Armbruster & Fallon, 1994; Kazdin & Mazurick, 1994). En contraste, Vial-val et coll. (1984) ont trouvé que les patients assignés aux étudiants en médecine abandonnaient davantage que ceux pris en charge par les psychologues ou les travailleurs sociaux. Ils expliquent ce résultat par l’intérêt pour le travail avec les adolescents qu’il postule moins élevé chez les stagiaires. Il est toutefois possible qu’il traduise plutôt la différence d’investissement d’un soignant de passage dans une équipe. Ainsi, la disposition du soignant pourrait être significative, mais n’a pas été spécifiquement investiguée en pédopsychiatrie. Seul Sirles (1990) rapporte une corrélation positive entre la prédiction d’un abandon par le soignant et la réalisation de la rupture.

2.3.3.2 Relation thérapeutique

La qualité de la relation de l’adolescent avec les soignants pourrait faire une différence dans la complétion du traitement. Il est surprenant toutefois que la relation thérapeutique entre l’adolescent et le soignant ait été peu examinée dans les études sur l’abandon. Deux études seulement se sont penchées sur l’impact de ce déterminant auprès d’adolescents traiter en clinique externe de pédopsychiatrie (Hawley & Weisz, 2005). L’association entre l’alliance thérapeutique et les

variables du nombre de présences au rendez-vous et du nombre d’annulations a été examinée. Cette recherche conclut à l’absence de corrélation entre l’alliance thérapeutique et ces deux variables. La seconde étude suggère que la perception que les interventions du soignant sont coercitives est associée aux difficultés d’engagement des adolescents (Gearing et al., 2012). Ce résultat a toutefois été obtenu à partir d’entrevues avec les soignants uniquement. Dans un autre contexte de soins, Florsheim, Shotorbani, Guest-Warnick, Barratt, & Hwang (2000) ont trouvé que les adolescents délinquants qui rapportaient une mauvaise relation avec le personnel d’un centre correctionnel étaient plus nombreux à fuguer. En contrepartie, la satisfaction par rapport au traitement a été positivement associée à la qualité de la relation thérapeutique. Les aspects comme le sentiment d’être compris et l’entente sur les problèmes à traiter contribuent à une perception positive du traitement (Garland, Aarons, Saltzman, & Kruse, 2000).

Les études recensées sur l’abandon de traitements en pédopsychiatrie sont toutefois plus nombreuses à s’être intéressé à la relation du parent avec le soignant. La plupart concluent que l’alliance des parents avec le soignant est corrélée au maintien du suivi (Garcia & Weisz, 2002; Hawley & Weisz, 2005; Kazdin, Holland, & Crowley, 1997; Robbins et al., 2006; Robbins, Turner, Alexander, & Perez, 2003). L’étude de Garcia (2002) montre en fait que les problèmes de relation rencontrée par le parent avec le soignant contribuent davantage à la décision de cesser le traitement que les problèmes financiers.

2.3.3.3 Nature et organisation des soins

Un passage à l’urgence, le fait de recevoir une médication et la modalité thérapeutique n’ont pas pu être associés à l’abandon du traitement chez les enfants (Armbruster & Fallon, 1994; Kazdin & Mazurick, 1994). Les patients qui reçoivent une médication et de la psychothérapie seraient toutefois moins susceptibles d’abandonner que ceux qui bénéficient d’une seule modalité thérapeutique (Weisz & Hawley, 2002). Par ailleurs, l’approche thérapeutique pourrait faire une différence chez les adolescents. Parmi les jeunes de 12 à 24 ans suivis dans une

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clinique communautaire, ceux traités avec une approche de soutien ont connu moins d’abandons que ceux engagés dans une approche interprétative (Baruch et al., 1998).

L’intensité du suivi a été positivement associée à la poursuite du traitement (Granboulan et al., 2001; Viale-Val et al., 1984). Granboulan (2001) a trouvé que l’engagement au suivi externe des adolescents était proportionnel à la durée de l’hospitalisation et la fréquence des séances pendant l’hospitalisation.

Des éléments appartenant aux contingences très concrètes de la poursuite d’un traitement se sont révélés significatifs dans les quelques recherches qui les ont étudiés. Un conflit d’horaire entre l’école et les rendez-vous a été invoqué par 60 % des parents pour motiver l’arrêt du suivi dans l’étude de Lai (1997). Lazaratou (2000) a trouvé que les risques d’abandon étaient plus importants lorsque le premier rendez-vous avait lieu entre avril et juin. Le début de la thérapie des patients admis à cette période étant plus souvent reporté en septembre, les auteurs font l’hypothèse que les parents perdent alors leur motivation ou perçoivent que l’équipe a jugé leur demande peu prioritaire.

2.3.3.4 Source de référence

La source de référence a aussi fait l’objet de questionnement. Breton (1975) a trouvé que la recommandation d’entreprendre un traitement est plus souvent suivie lorsqu’elle provient d’un médecin plutôt que du milieu scolaire. Ce résultat converge avec celui de Gould (1985) qui conclut qu’il y a plus d’abandons parmi les jeunes qui sont référés par leur école, mais cette association est significative seulement dans les cas où les parents présentent des perturbations de leur état mental. Plusieurs autres études n’ont pas trouvé d’association entre la source de référence et l’abandon (Armbruster & Schwab-Stone, 1994; Dierker et al., 2001; Lazaratou et al., 2000; Stern et al., 1990). Il est possible toutefois que les différents contextes de référence puissent influencer de manière significative les effets sur l’arrêt du traitement. Cottrell (1988) par exemple, a trouvé moins d’abandons lorsque le référent et l’équipe traitante se consultent. L’impact de la référence

pourrait sans doute être mieux compris à la lumière de dimensions subjectives. En effet, le degré de coercition de la référence par exemple, ou des motivations secondaires des parents comme l’obtention d’allégements fiscaux pourraient avoir un impact sur la poursuite du traitement.

La possibilité d’obtenir une consultation sans référence d’un médecin ou la demande du parent pourrait constituer une condition favorisant la poursuite du traitement chez les jeunes. Baruch (1998) souligne que l’environnement et l’organisation des soins peuvent favoriser l’accessibilité et l’acceptabilité du traitement lorsqu’ils sont adaptés aux particularités des adolescents. Son étude montre que les jeunes s’étant référés eux-mêmes étaient beaucoup plus nombreux à poursuivre leur traitement que ceux orientés par un référent.