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10. Quelques objets importants à observer avec VINC

10.3. Détection des exoplanètes

10.3.1. Introduction

L'étude des exoplanètes est une des motivations majeures de la construction des interféromètres géants Keck et VLTI. Il s'agit également du programme d'observations le plus difficile à réaliser. La raison est simple: l'étoile autour de laquelle orbite la planète est au mois 10 000 fois plus brillante que celle-ci. Une partie des 58 exoplanètes connues seraient observables avec les grands télescopes monolithiques si elles ne se trouvaient pas dans le halo lumineux de leurs étoiles. Toutes les planètes découvertes l'ont été par des méthodes indirectes, principalement par vélocimétrie radiale. Cela signifie qu'aucun photon provenant de la surface de ces planètes n'a jamais été observé en tant que tel.

L'interférométrie permet d'envisager d'étudier directement les planètes, par l'observation de l'effet de leur faible contribution lumineuse sur la cohérence de la lumière provenant du couple. L'application d'une telle méthode avec VINCI à un couple étoile-planète de type 51 Peg est discuté à la Section suivante.

Plusieurs autres méthodes ont été proposées (annulation de la lumière stellaire, astrométrie, phase différentielle,...), mais ne sont pas développées ici (voir Coudé du Foresto 2000).

10.3.2. Précision nécessaire et capacités de VINCI

Gouckenleuque (2000) a montré que le contraste entre une étoile et une exoplanète de type 51 Peg (souvent appelé "jupiter chaud") est, en bande K, de l'ordre de:

Iplanète Iétoile

ª10-4

En utilisant simultanément les données de vitesse radiale et les mesures de visibilité du couple étoile-planète, il est possible de détecter de manière synchrone les variations de la visibilité dues à la planète (Coudé du Foresto 2000), de la même manière que pour les pulsations des étoiles Céphéides (Kervella et al. 2001). On utilise pour cela notre connaissance de la période orbitale de la planète, déterminée avec une grande précision par les mesures de vélocimétrie radiale.

Les paramètres à extraire des observations interférométriques et qui sont inaccessibles par vélocimétrie radiale sont:

• le rapport des luminosités a de l'étoile et de la planète • l'orientation de l'orbite sur le ciel W

• l'inclinaison i de l'orbite.

La signature de la planète sur la visibilité des franges est une modulation d'amplitude 2a. Elle constitue le signal à mesurer, duquel on va extraire les trois valeurs définies ci-dessus.

Comme démontré lors des premières franges avec les sidérostats, le bruit de mesure de VINCI sur le facteur de cohérence carré s'établit avec les télescopes auxiliaires à 2% en 100 interférogrammes. On considère ici une étoile comme 51 Peg A de magnitude K = 4 (voir la Figure 115 pour la précision de VINCI en fonction de la magnitude corrélée). Sur la visibilité, cela correspond à un bruit de mesure de 1%.

En 100000 interférogrammes, on peut donc atteindre une précision relative de 10-4 sur la visibilité et donc un rapport signal à bruit de 2 sur la modulation de visibilité créée par la planète. En considérant un rapport de luminosités entre l'étoile et la planète plus défavorable de 10-5 en bande K, une détection significative (3 s ) serait atteinte pour un million d'interférogrammes, soit une vingtaine de nuits d'observation avec VINCI. En tout état de cause, il est nécessaire d'observer plusieurs cycles complets de l'orbite pour obtenir une détection, ce qui fixe le temps d'observation à environ deux à trois semaines (la période de 51 Peg B est de 4,23 jours).

La détection directe d'une planète du type 51 Peg B apparaît donc à la portée d'un instrument comme VINCI avec les télescopes auxiliaires, même sans suiveur de frange, et pour

une durée d'observation raisonnable de quelques heures par nuit sur deux à trois semaines.

Avec un suiveur de frange, on peut raisonnablement espérer approcher, pour les étoiles brillantes, la précision de 0,05% en 100 interférogrammes mesurée en Autotest (voir la Figure 27). Grâce à la stabilisation des franges, et si l’on installe un élément dispersif sur VINCI (voir la Section 6.5.2), l’étude spectrale des exoplanètes deviendra alors possible.

D'autre cibles que 51 Peg B sont observables avec VINCI. Le lecteur intéressé est invité à se rendre sur le site internet http://www.obspm.fr/encycl/encycl.html qui donne une liste complète et à jour des exoplanètes connues et de leurs caractéristiques.

11. Conclusion

L'interférométrie astronomique aux longueurs d'onde optique et infrarouge entre, avec le VLTI, et son concurrent Américain le Keck, dans une nouvelle ère. La taille des télescopes et la richesse fonctionnelle des instruments ne sont pourtant pas la principale raison à cela, bien que le gain par rapport aux interféromètres précédents soit spectaculaire. Le progrès le plus fondamental se trouve plutôt dans l'amélioration de la productivité et la qualité des données. Les instruments existants sont capables de fournir des mesures d'excellente qualité (comme le font couramment FLUOR, PTI, NPOI ou le GI2T notamment), mais leurs contraintes opérationnelles et leur taux d'indisponibilité sont encore nettement plus élevés que ceux des télescopes monolithiques. Le VLTI est conçu sur la base de l'expérience du VLT, c'est-à-dire qu'il a été conçu depuis le début comme un projet industriel et non comme un prototype. Il sera capable de réaliser des observations d'une qualité excellente, constante et surtout de manière fiable et répétable.

Beaucoup d'astronomes, notamment spécialistes de physique stellaire, hésitent encore à utiliser les interféromètres pour leur recherches. Cela est dû jusqu'à présent à la faible sensibilité des installations, mais aussi à leur complexité d'opération. L'interprétation des données interférométriques est parfois aussi un problème: les logiciels sont complexes et la modélisation est peu intuitive. J'espère avoir montré que ces obstacles sont en passe d'être levés avec le VLTI. Dans quelques mois, tout astronome pourra soumettre une demande d'observation en service observing sur le VLTI, c'est-à-dire qu'elle sera effectuée par un opérateur et non par lui-même. Les données obtenues, de qualité contrôlée, lui seront transmises en même temps que les outils de réduction et d'analyse, de manière exactement comparable à une observation spectroscopique par exemple. Cette gestion globale du flux de données, permise par l'approche de type industrielle de l'ESO, est une première en interférométrie. La création de centres d'expertise en France (Centre Jean-Marie Mariotti) et aux Pays-Bas (NEVEC) contribuera aussi beaucoup à la "visibilité" de l'interférométrie en Europe.

Les Céphéides sont des cibles de première importance pour le VLTI. J'ai démontré à la Section 8 que l'étalonnage de la relation période-luminosité par interférométrie sera d'une qualité inégalée. Et les premières observations sur le ciel avec VINCI (Section 5) montrent que tous les espoirs sont permis. L'importance de ces observations pour notre connaissance de l'Univers va bien au-delà du domaine traditionnel d'application de l'interférométrie qu'est la physique stellaire.

Ce programme n'est pourtant qu'un exemple, parmi les plus simples, des nombreux problèmes astrophysiques où l'utilisation de l'interférométrie optique apportera un regard neuf. Pour être objectif, on ne sait pas ce que l'on va trouver aux résolutions spatiales offertes par le VLTI. De tels "sauts quantiques" en résolution sont rares: on peut citer la première utilisation astronomique de la lunette par Gallilée et l'introduction de l'optique adaptative sur les grands télescopes. Les quelques objets cités à la Section 10 montrent que les possibilités sont d'ores et déjà très larges, mais il y a fort à parier que les spécialistes de l'étude des galaxies et des amas stellaires par exemple seront bientôt des utilisateurs assidus de l'interférométrie optique. L'étude directe des planètes extrasolaires, certainement le sujet de recherche de ce siècle, n'est pour l'instant envisageable techniquement que par interférométrie. Les premières observations réalisées par VINCI ont montré sa capacité à détecter les “jupiter chauds” les plus proches de nous.

En étant optimiste, on peut espérer que dans une dizaine d’années, les futures missions d'interférométrie dans l’espace DARWIN et TPF découvriront les premières planètes extrasolaires

de type terrestre. Et qui sait, peut-être la vie sur ces planètes ? Et même s'il faut dix ans de plus, quel

privilège pour notre génération que de découvrir cette nouvelle terra incognita!