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DÉPRÉCIATION MONÉTAIRE ET CONTRATS EN DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ

par Pierre LALIVE

Professeur à la Faculté de droit de Genève

et à l'Institut universitaire de Hautes Etudes internationales.

TABLE DES MATIÈRES

Jre Partie. - Introduction et généralités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32 Intérêt pratique et théorique du sujet. Fonctions de la monnaie.

Instabilité monétaire et durée des contrats. Souveraineté monétaire et Nominalisme. Sens, large et étroit, du terme «dépréciation ».

II• Partie. - Quelques questions relatives à la monnaie de compte 44 A) Désignation de cette monnaie. Droit applicable. L'affaire du Crédit foncier franco-canadien (RO 54 1 257) ; imprévision, enrichis-sement illégitime. Lex Contractus et Lex Monetae. Ordre public.

B) Les clauses d'indexation. Droit applicable. Validité. Interpré-tation. La monnaie de référence.

JJJ• Partie. - Quelques questions relatives à la monnaie de paiement 66 Détermination. Droit applicable. Conversion en monnaie locale de la dette en monnaie étrangère ; date et taux. Responsabilité du débi-teur en cas de dépréciation postérieure à l'échéance. La Convention européenne sur les obligations en monnaie étrangère.

Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77

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Première partie :

INTRODUCTION ET GÉNÉRALITÉS

« Rien n'est plus stimulant pour la science monétaire, a écrit Carbonnier, dans son manuel de Droit Civil, 1 que le désordre des monnaies ... ». Si l'on se fonde sur cette observation, on peut prévoir sans grand risque que nous allons vivre pendant assez longtemps dans une ère d'intense stimulation scientifique !

Que l'on jette un regard « comparatiste » (si l'on peut ainsi s'ex-primer) sur le droit international privé et le droit civil monétaire des divers pays, et l'on constatera, sans surprise, que la situation juri-dique reflète assez bien la position économique particulière du pays en cause:

C'est ainsi qu'en France, à la grande époque de l'épargne fran-çaise, les tribunaux ont eu beaucoup à s'occuper d'emprunts étran-gers et ont désigné, à l'aide de la fameuse jurisprudence Malter sur la notion de « paiement international » (impliquant « un mouvement de flux ou reflux au-dessus des frontières ») -théorie qui semble en voie de disparition aujourd'hui - un régime favorable aux clauses d'indexation dans les rapports internationaux. En Belgique, les rap-ports économiques et juridiques belgo-congolais, poursuivis au-delà de l'indépendance du Congo, ont subi les contrecoups, ces der-nières années, de la dépréciation de la monnaie congolaise (qui a perdu, en dix ans, près de 90

%

de sa valeur), d'où une jurisprudence fort intéressante. En Turquie - où avait lieu récemment un colloque de l' Association Henri Capitant sur le thème de la dépréciation moné-taire, le sujet est entièrement dominé par le régime de contrôle des changes en vigueur depuis longtemps dans ce pays.

1 Vol. II, p. 22.

DÉPRÉCIATION MONÉTAIRE ET CONTRATS EN DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ 33 En Suisse, c'est surtout entre les deux guerres mondiales, que nos tribunaux ont eu à se prononcer, d'abord à propos de l'effon-drement du mark allemand, ensuite à propos de lois étrangères abro-geant les clauses-or (comme la Joint Resolution américaine ou les lois allemandes sur les devises) ou lors de la dévaluation du franc suisse de 1936.

Quant à la doctrine suisse, si l'on excepte des rapports à la Société Suisse des Juristes, en 1924 (la date est significative), les monographies connues de Max Gutzwiller et Henri Guisan, avant 1940, elle n'offre à peu près rien à signaler. Mentionnons, toutefois, les cours donnés à l'Académie de La Haye par M. G. Sauser-Hall en 1937 et par M. W. Hug en 1951, ainsi que la thèse de M. Oberson sur I'Ordre public en matière monétaire - sans parler, bien sûr, des pages consacrées à la monnaie dans le manuel de M. Schnitzer.

On ne trouve pas chez nous l'équivalent des grands ouvrages de droit monétaire - interne ou international (et ces deux aspects sont étroitement liés) - qui ont paru à l'étranger sous la plume, notam-ment, de juristes allemands comme Nussbaum et Mann ou, en Bel-gique, de Piret et Van Hecke.

Des raisons évidentes expliquent ce relatif désintérêt des juristes suisses pour le droit monétaire au cours des dernières décennies. La proverbiale solidité du franc suisse, au moins entre la dévaluation de 1936 et la récente réévaluation de 7

%

(du 9 mai 1971), pouvait faire croire qu'il était superflu de s'occuper des incidences juridiques des variations monétaires. Dans la plupart des contrats internationaux intéressant des Suisses, la monnaie stipulée était le franc suisse. Dans ces conditions, nos rapports contractuels avec l'étranger devaient soulever assez rarement des difficultés monétaires. Ceci s'explique d'autant plus que, après la seconde guerre mondiale et en dépit de quelques «accidents» bien connus (comme les dévaluations de la livre-sterling et du franc français), le monde a connu une période que l'on peut bien appeler d'accalmie monétaire, due pour une bonne part, sans doute, au système des Accords de Bretton Woods.

Le régime monétaire établi par les statuts du Fonds Monétaire International (FMI) (dont, rappelons-le, la Suisse n'est pas encore membre - bien que le Conseil Fédéral envisage, semble-t-il, une prochaine demande d'adhésion), était loin d'être parfait, on le sait.

Sa grande flexibilité (inévitable dans l'état actuel des relations

inter-3

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nationales) n'a pas empêché, nul ne l'ignore, de nombreuses violations par les Etats - dont la dernière et la plus éclatante est la récente décision du président Nixon, qui consacre l'écroulement du « Gold Exchange Standard».

Avec le «coup de Washington», du 15 août 1971, nous entrons dans une période d'incertitude monétaire, incertitude dont on conçoit aisément les inconvénients pour le commerce international.

A l'évidence, des parités fixes, auxquelles étaient habitués impor-tateurs et exporimpor-tateurs, et l'existence d'un certain « ordre monétaire international », même imparfait, favorisent la conclusion de contrats à long terme, base du commerce international. Des taux de change fluctuants gênent ce commerce : ils obligent les contractants à se pro-téger contre des surprises de change, dans toute la mesure du pos-sible, soit par des moyens « commerciaux », soit par des moyens

« juridiques ».

Moyens « commerciaux », comme le prélèvement d'une marge plus élevée de bénéfice (c'est ainsi que les banques vont incorporer le risque de change dans le taux d'intérêt, plutôt que de recourir à une « clause de protection » contre ce risque.) Moyens « juridiques », comme les clauses dites de garantie ou d'indexation, dont la célèbre clause or (qui semblait avoir perdu de sa faveur au profit de certaines clauses valeur monnaie étrangère, mais est peut-être destinée à reve-nir à la mode).

Dès lors que le risque de change est plus difficile à évaluer, et qu'il dépasse souvent le bénéfice commercial escompté, les affaires deviennent plus spéculatives et les commerçants renonceront proba-blement à conclure, dans un nombre toujours plus grand de cas.

Ces remarques assez banales nous amènent au cœur même du sujet.

L'instabilité des changes, les manipulations libres et arbitraires des monnaies, cela signifie l'insécurité, l'imprévisibilité, c'est le désordre monétaire.

La dépréciation monétaire (qui opère un transfert de richesse de la classe des créanciers à celle des débiteurs) ou, dans sa forme brutale, la dévaluation, cela signifie une rupture de l'équilibre du contrat, une atteinte aux droits individuels et aux espérances légi-times des parties puisque, selon les termes mêmes du Tribunal

Fédé-DEPRÉCIATION MONÉTAIRE ET CONTRATS EN DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ 35 rai 2, « le créancier reçoit une valeur effective moindre que celle qu'il aurait dû recevoir aux termes du contrat conclu avec le débiteur. »

La « dépréciation monétaire » (termes dont nous aurons tout à l'heure à préciser les sens), c'est donc souvent, sinon toujours, une atteinte aux droits privés des contractants, et une injustice.

Désordre, instabilité, injustice ... Devant le phénomène des dépré-ciations monétaires, quel doit être, quel peut être le rôle du Droit, le rôle du juriste, préoccupé, lui, de justice, de sécurité, et d'ordre ? Soyons d'abord conscients des limites du droit ! En face d'un problème économique et politique qui a de multiples incidences juri-diques (dans tous les domaines du droit, droit international public, droit civil interne, droit des assurances, droit administratif et droit pénal, droit international privé), le juriste, du moins en tant que tel, n'est pas en mesure de prévenir les causes de la dépréciation moné-taire (qu'elle soit lente ou brusquée). S'il peut s'interroger sur ses causes, assez complexes, imparfaitement comprises, semble-t-il, même par les économistes, les politiques, les financiers, et en tout cas mal maîtrisées par eux, il ne lui appartient pas de prendre parti, par exemple, entre M. Jacques Rueff et M. Robert Triffin, ou entre le ministre Schiller et le président Pompidou ! Conscient des limites de son rôle, le juriste ne peut que prendre acte de l'existence et de la permanence de la dépréciation monétaire (phénomène séculaire), d'en examiner les effets, en particulier sur les contrats, et de rechercher les moyens d'éviter, ou de minimiser, les conséquences dommageables pour les parties compte tenu des intérêts généraux de l'Etat ou de la communauté internationale.

Au regard des questions extrêmement graves que pose à tous les pays la crise monétaire actuelle, le sujet de cet exposé juridique, du reste restreint à un seul domaine du droit, le droit international privé, peut paraître bien étroit, et même, tranchons le mot, d'une importance secondaire. Dans ses limites, cependant, l'intérêt, pra-tique et théorique, du sujet, paraît considérable, et nous ne nous attacherons pas à le démontrer longuement.

Intérêt pratique, d'abord : la Suisse, nul ne l'ignore, vit en grande partie de son commerce international. D'ailleurs, dans une civilisation

2 ATF 64 II 88, JT 1938 1 482, arrêt Siemes.

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juridique où tout, comme le dit Carbonnier, 8 s'exprime en mon-naie » ... ( « tout », dans les limites de l'ordre public et des bonnes mœurs !), où chacun est à la fois créancier et débiteur, la dépréciation monétaire nous affecte tous, que nous le voulions ou non.

Si le phénomène est vieux comme le monde, on doit cependant noter un fait nouveau : après la longue période d'inflation continue et les récents bouleversements monétaires que nous connaissons, on constate une conscience généralisée, dans la population de presque tous les pays, de l'existence du phénomène de dépréciation monétaire.

On note aussi une conscience accrue de l'interdépendance économique des nations, du rôle décisif des échanges internationaux dans le niveau de vie et le développement des peuples, de leur solidarité iné-luctable -ceci malgré les résistances des égoïsmes étatiques et quoi qu'en pensent, de-ci de-là, chez nous, quelques xénophobes attardés.

Intérêt théorique, aussi : Le droit monétaire se situe aux confins du droit public et du droit privé. Mécanisme étatique, la monnaie intervient dans presque toutes les obligations de droit privé, et la

« souveraineté » monétaire de l'Etat (si limitée soit-elle dans les faits) domine la matière, en dépit des efforts faits par les contractants pour échapper à son emprise, sur le plan international. Aspect du conflit permanent entre l'intérêt général (ou l'intérêt étatique - censé le représenter) et les intérêts particuliers, la question revêt une com-plexité toute particulière dans l'ordre des relations internationales.

Dans quelles limites, par exemple, peut-on admettre l'autonomie de la volonté des parties à un contrat international, en cette matière ? Sur le plan de la méthode du droit international privé, la dépré-ciation monétaire soulève des questions importantes, voire fondamen-tales, comme celle de l'application du droit public étranger ou de la prétendue « stricte territorialité » des lois monétaires, ainsi que celle du rôle de l'ordre public. Plus généralement, elle illustre un des aspects les plus intéressants, pour la doctrine contemporaine, de l'évo-lution des idées sur la notion même et la conception du droit inter-national privé : celui-ci ne se réduit pas, comme le croient certains, aux règles de conflits de lois mais utilise aussi d'autres méthodes de solutions et contient des règles dites matérielles ou substantielles. Un

3 Op. cil., vol. II, p. 10.

DÉPRÉCIATION MONÉTAIRE ET CONTRATS EN DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ 37 examen comparé de la jurisprudence monétaire des divers pays révèle très nettement la tendance à ignorer, dans nombre de cas, ce qu'on pourrait appeler l'approche «conflictuelle» (ou conflictualiste) pour dégager de façon « directe » des solutions appropriées (selon cer-tains, la célèbre jurisprudence du Procureur général Malter, en France, sur la notion particulière de « paiement international », serait un exemple de cette technique).

D'autre part, un coup d'œil à la jurisprudence, suisse ou étran-gère, révèle aussi une des ambiguïtés de la monnaie - mécanisme étatique national, d'une part, mais aussi instrument de paiement inter-national, dont la valeur se définit par rapport aux autres monnaies.

On conçoit dès lors qu'il soit ici plus difficile qu'ailleurs de délimiter, de séparer ce qui relève du droit interne et du droit international privé. Nombre d'arrêts qui tranchent des situations comportant un élément d'extranéité (par exemple une monnaie étrangère, ou un paie-ment à un créancier domicilié à l'étranger) semblent ignorer, à pre-mière vue au moins, l'aspect international de la question ; ceci n'em-pêche qu'elle relève de la science du droit international privé, quand bien même, en définitive, le droit civil interne serait appliqué.

Si la dépréciation monétaire constitue, déjà en droit civil interne, un sujet difficile, il en est « a fortiori » de même en droit inter-national privé, et sa complexité et son ampleur excluent toute possi-bilité de faire le tour de la question, fût-ce superficiellement, dans le temps de cette conférence.

Il s'agit donc de faire un choix de quelques questions représen-tatives, de quelques illustrations des difficultés qui peuvent se pré-senter en matière de contrats internationaux.

Nous allons évoquer ici (en nous abstenant presque complète-ment de revenir sur les notions classiques, supposées connues) quel-ques problèmes touchant à la monnaie de compte et à la monnaie de paiement (ou de règlement), et aux rôles respectifs de la /ex con-tractus, de la Lex monetae (ou Lex pecuniae), sans oublier la Lex loci soLutionis et la Lex fori (avec son ordre public). Ce faisant, il faudra bien entendu parler des clauses d'indexation (au sens large, dans lesquelles on peut englober les clauses or et de monnaie étrangère) -ceci sans revenir sur les controverses d'avant-guerre relatives à la portée territoriale des lois d'abrogation des clauses or, par exemple.

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On abordera aussi, dans une dernière partie, les questions posées, en cas de dépréciation monétaire, par la conversion d'une monnaie en une autre, notamment lorsque cette dépréciation survient après l'échéance.

Auparavant, il convient de préciser dans quel sens on parlera ici de dépréciation monétaire, et, à cette fin, de donner quelques indica-tions rapides sur la monnaie et le nominalisme monétaire.

LA MONNAIE.

Faut-il rappeler ici les trois fonctions de la monnaie, selon !'Eco-nomie politique, qui sont d'être un instrument de conservation des valeurs, un instrument de mesure, et un instrument d'échange ?

1) Instrument de conservation des richesses, objet de propriété (meuble fongible, par excellence) ... - cet aspect ne nous intéressera ici qu'accessoirement.

2) Instrument de mesure, d'évaluation des richesses (des biens et des services), soit l'étalon commun et quasi universel des valeurs : c'est l'unité monétaire.

3) Instrument des échanges (substitué à l'un des termes du troc), la monnaie est un moyen de paiement.

Pour s'en tenir à ces deux dernières fonctions et utiliser la for-mule synthétique de Van Hecke 4, la monnaie, c'est «un moyen d'échange établi par le législateur qui en fixe la valeur. » L'unité monétaire est avant tout un mot, un nom 5 donné par le législateur, dans l'exercice de sa souveraineté monétaire.

On pressent d'emblée, à travers ces définitions sommaires, la possibilité d'une divergence entre la valeur réelle et la valeur légale ou « nominale » de la monnaie - deux valeurs qu'il faut en outre considérer dans une perspective temporelle et dynamique :

4 Problèmes juridiques des Emprunts internationaux, 2• éd. Louvain 1964, p. 138.

5 Carbonnier, op. cit., p. 11.

DÉPRÉCIATION MONÉTAIRE ET CONTRATS EN DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ 39 Chacun sait que la monnaie est susceptible d'altérations, de fait ou de droit.

De fait, avec la diminution (ou, plus rarement, l'augmentation) du pouvoir d'achat - lorsqu'une même quantité d'espèces ne procure plus qu'une quantité ou une qualité réduite de biens ou de services -ou, sur le plan international, lorsque la valeur d'une monnaie par rapport aux autres (ou à un étalon international) vient à se modifier.

Altération de droit, soit une dévaluation (ou, aussi, une réévalua-tion) lorsque, par un acte juridique, un Etat modifie la définition légale de sa monnaie par rapport aux monnaies étrangères ou à un étalon international.

Si l'on songe un instant au rôle d'instrument de mesure et d'éta-lon que joue la monnaie, on ne peut qu'être frappé de ce qu'a de curieux, voire de paradoxal, l'idée d'un étalon de mesure à caractère variable ! Imaginons un instant ce qui se passerait si les Etats pré-tendaient, dans l'exercice de leur souveraineté, modifier par exemple la définition légale du mètre ou celle du kilo !

Sur le plan juridique, la possibilité des variations monétaires, d'une part, et la nécessité pratique de cet instrument universel d'éva-luation qu'est la monnaie, expliquent l'importance tout à fait décisive du temps.

Dans les contrats à exécution instantanée, à paiement comptant, la question ne se pose pour ainsi dire pas. Il en est différemment lorsque la durée intervient, et spécialement lorsqu'il y a exécution successive, et dans les contrats à long terme. Il ne suffit plus aux parties de désigner une unité monétaire, encore faudra-t-il savoir quel est le moment de l'évaluation (les prix ayant tendance à monter et la monnaie à se déprécier, le choix du moment de l'évaluation va favoriser ou le créancier ou le débiteur ; 6 c'est là un problème de droit et même de politique monétaire.

6 Cf. Carbonnier, op. cit., p. 19.

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LE NOMINALISME.

La définition et les modifications de l'unité monétaire sont un des attributs essentiels de la souveraineté. « C'est un principe générale-ment reconnu que tout Etat a le droit de déterminer lui-même ses monnaies », a dit la Cour Permanente de Justice internationale dans la célèbre affaire des emprunts serbes et brésiliens. 7

Chaque Etat est en principe libre de définir et de manipuler sa monnaie, dans les limites, il est vrai, du droit international public, soit des obligations conventionnelles pouvant découler des traités bilatéraux ou, comme les Accords de Bretton Woods, multilatéraux - et l'on a vu combien les Etats sont prêts à violer leurs engage-ments lorsqu'ils estiment en jeu leurs intérêts fondamentaux - sous réserve aussi, peut-être, des limites assez floues du droit des gens général (par exemple du principe de l'abus de droit).

Il est vrai que cette « souveraineté » monétaire n'a qu'une force relative face aux réalités économiques et que les définitions légales ne peuvent remplacer la confiance des utilisateurs. Aristote déjà, dans sa « Politique», observait que « la monnaie n'est qu'une fiction et toute sa valeur celle que la loi lui donne. L'opinion de ceux qui en font usage n'a qu'à changer, elle ne sera plus d'aucune utilité et ne procurera pas la moindre des choses nécessaires à la vie ... » 8

Quoi qu'il en soit, en l'absence d'une monnaie véritablement inter-nationale, il appartient à chaque Etat de fixer « souverainement » la valeur de sa monnaie - ce qui soulève immédiatement la question des conséquences d'une fixation arbitraire, c'est-à-dire ne correspon-dant pas aux réalités économiques et à la valeur intrinsèque ou

« réelle » de la monnaie, comme marchandise.

On sait, à ce propos, que la théorie nominaliste l'emporte univer-sellement, aujourd'hui, sur la théorie métalliste ou valoriste. « Le franc reste le franc ». Dans de nombreux pays, le Prince, ce «

On sait, à ce propos, que la théorie nominaliste l'emporte univer-sellement, aujourd'hui, sur la théorie métalliste ou valoriste. « Le franc reste le franc ». Dans de nombreux pays, le Prince, ce «

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