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Le départ : les militaires

1.3 Applications : entre passé et futur

1.3.1 Le départ : les militaires

Les militaires ont été parmi les premiers à utiliser les réseaux ad hoc mobiles dans le cadre de leur réseaux tactiques afin d’améliorer la qualité et la durée des communications pendant les opérations. Ces dernières étant dynamiques, il est en général difficile de compter sur l’existence d’une infrastructure de réseau pré-établie sur le terrain et l’on y privilégie les liaisons sans-fil. Mais, à cause des phénomènes physiques de réflexion, de réfraction et d’interférences, un si-

21. Avant d’être acceptée et de passer sous forme de RFC (Request For Comments), une spécification est soumise à l’IETF sous forme de drafts en plusieurs versions successives de- mandant des révisions.

22. Les protocoles unicast sont ceux sur lesquels se concentrent les travaux du groupe MA- NET

23. Une liste exhaustive de protocoles de routage pour les MANETs est consultable sur la page http://en.wikipedia.org/wiki/List_of_ad_hoc_routing_protocols. On note que plusieurs d’entre eux ont été proposés en dehors de l’IETF et que certains ont été abandonnés après avoir déçus les espoirs dont ils étaient porteurs.

gnal radio ne peut pas se propager au delà de la ligne d’horizon (en anglais line of sight ou LOS)24, ce qui rend les communications sans-fil impossibles au delà de cette limite. C’est pourquoi l’emploi des réseaux ad hoc mobiles s’était avéré intéressant dans la mesure où non seulement ils ne se basent pas sur une infra- structure pré-existante mais aussi leurs nœuds permettent de relayer eux-même les communications permettant ainsi de s’affranchir de la limite physique de la ligne d’horizon [1]. En fait, on peut même imaginer une intégration du nœud dans la tenue25de combat, le réseau s’identifiant alors à l’unité combattante en opérations.

Aux États Unis d’Amériques, les premières applications militaires utilisant les MANETs remontent au lancement par la DARPA (Defense Advanced Re- search Projects Agency) [17] du projet PRNet [18] (Packet Radio Network) en 1972. L’un de ces objectifs était d’étudier l’adaptation des protocoles d’ARPA- NET, le précurseur d’Internet, notamment les techniques de commutation par paquets26 à l’environnement sans-fil et mobile des radios. C’est ainsi que l’ar- chitecture distribuée d’un réseau PRNet mettait en œuvre des radios27utilisant un routage en mode différé pour étendre la couverture du réseau sur une large zone géographique.

En 1983, la DARPA a lancé le développement des réseaux SURAN (Sur- vivable Radio Networks) en vue de concevoir des radios de plus petite taille, moins chers, consommant moins d’énergie et supportant des protocoles de radio- communication par paquets plus complexes que que ceux des réseaux PRNet. On y a, entre autre, examiné des problèmes liés au passage à l’échelle (de 10 à 1000 nœuds) à travers la clusterisation (en anglais clustering)28 dynamique et des problèmes liés à la sécurité, la puissance de traitement et la gestion d’énergie. Cet effort a aboutit à l’invention du LPR (Low-cost Packet Radio) [19] en 1987 qui utilisait la technique DSSS (Direct Sequece Spread Spectrum) et intégrait un microprocesseur Intel 8086 basé sur la commutation par paquets.

A la fin des années 1980 et au début des années 1990, ces premières idées de réseaux de radios à commutation par paquets se sont révélées encore plus per- tinentes et plus aisément réalisables avec la révolution due au micro-ordinateur et aussi aux premiers ordinateurs portables équipés de cartes sans-fil et de ports infrarouge. Ainsi, pour en tirer profit dans l’environnement sans-fil et mobile, le DoD (Department of Defense) lança en 1994 le programme de DARPA ap- pelé GloMo (Global Mobile) Information Systems [20]. Ce programme visait le développement de réseaux ad hoc mobiles et en particuliers d’appareils sans-

24. Quand il est émis dans les fréquences supérieures à 100 MHz

25. En France, Sagem a proposé un gilet se portant au dessus du gilet par balles qui com- prend l’électronique dont un soldat a besoin : localisation GPS, prises de photos et de vidéos, etc.

26. Le partage de bande passante et le routage en mode différé faisaient partie de ces tech- niques. En mode différé (en anglais Store and Forward), un commutateur attend d’avoir complètement reçu et analysé une trame de données sur l’une de ses interfaces d’entrée pour commencer sa retransmission sur une ou plusieurs de ses interfaces de sortie. Ce mode impose la mise en mémoire tampon de la totalité de la trame et retarde sa transmission. En contre- partie, cela garantit l’intégrité de la trame et évite les erreurs. Cela implique aussi un délai de commutation plus important.

27. Les radios d’un réseau PRNet mettaient en œuvre une combinaison de deux protocoles d’accès au canal, CSMA et Aloha (Areal Locations of Hazardous Atmospheres, université Hawaï) afin de pouvoir partager le canal radio en diffusion.

28. La clusterisation est le processus de formation de cluster c.-à-d. de groupes d’équipe- ments proches les uns des autres dans l’espace et bougeant ensemble.

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Figure 1.2 – L’Internet tactique. Source : Thalès

fil supportant une connectivité multimédia de type Ethernet à tout moment et n’importe où. Plusieurs conceptions de réseaux ont été alors explorées, par exemple un réseau d’architecture plane pair-à-pair appelé WINGs (Wireless In- ternet Gateways) et proposé par l’UCSC (University of California, Santa Cruz ), ou aussi un réseau d’architecture hiérarchique basée sur la clusterisation appelé MMWN (Multimedia Mobile Wireless Network) et mis en place par GTE Inter- networking29.

En 1997, l’armée américaine a mis en place l’IT (Internet Tactique)30(cf. Fi- gure 1.2), qui a permis la plus grande implémentation à large échelle des réseau mobile, sans-fil et multi-sauts de radios à commutation par paquets. En effet, la plate-forme Force XXI Battlefield Command Brigade and Below ou FBCB2 [21] basée sur MANET a été mise en place afin de permettre aux soldats de localiser les forces alliées et adverses sur le champ de bataille. La technique DSSS (Direct Sequence Spread Spectrum) au niveau physique, le protocole TDMA (Time Di- vision Multiple Access) avec un débit de l’ordre de 10 Kbps au niveau liaison de données, et des modifications de protocoles Internet jusque là utilisés dans un cadre commercial y ont été testés. Cet expérience a démontré que les protocoles en vogue dans les réseaux filaires commerciaux n’étaient pas forcément efficaces dans le contexte des réseaux sans-fil à topologie dynamique, à débit bas et ayant un taux d’erreur élevé.

En 1999, un autre déploiement des MANETs dans le cadre de ELB ACTD (Extending the Littoral Battle-space Advanced Concept Technology Demonstra- tion) a été exploré afin de montrer la faisabilité de certains concepts de conduite de la guerre imaginés par les corps de la Marine (Marine Corps). Les scénarios mettaient en œuvre des communications au delà de l’horizon (over-the-horizon), à travers un relais aérien, entre les navires militaires en mer et les soldats sur terre. Le réseau était formé d’une vingtaine de nœuds et d’appareils WaveLAN

29. General Telephone & Electronics Corporation était le produit de la fusion des deux entreprises General Telephone et Sylvania Electric Products en 1959. Elle était alors devenue leader en matière d’éclairage, de télévision, de radio, de chimie et de métallurgie. Elle a acheté plusieurs autres entreprises depuis jusqu’à sa fusion en 2000 avec l’entreprise Bell Atlantic pour devenir Verizon Communications.

30. L’une des priorités de l’armée dans la numérisation de l’espace de combat est de dis- tribuer des capacités de commandement et de contrôle au travers de l’ensemble des forces. Cela nécessite un réseau intégrant notamment les systèmes de combat et les unités déployées (intégration horizontale) et prenant en charge efficacement le cycle de contrôle de décision et de commandement (intégration verticale) assurant ainsi une réelle supériorité. Pour atteindre ce but, un tel réseau doit permettre d’établir une connectivité et des communications fiables, transparentes, et sûres pour tous les membres de l’armée. L’Internet tactique est le terme utilisé pour décrire ce réseau de communications intégré dans l’espace de combat. Ce terme a été choisi en raison de similitudes fonctionnelles avec l’Internet commercial.

et VRC-99A fabriqué par Lucent et employés dans le cœur du réseau ou comme équipements d’accès. ELB ACTD a ainsi réussi à montrer le succès des relais à connecter des utilisateurs au delà de la ligne de mire. Les applications militaires utilisant les réseaux MANETs continuent à faire l’objet de projets à la DARPA notamment à travers le projet ITMANET (Information Theory for Mobile Ad hoc Networks) qui a commencé en 2007 et finira en 2011 et dont l’objet est de développer de puissantes technologies [22].

En Europe, l’IT mobile et le développement des MANETs qui s’en était suivi a commencé au début des années 2000 [23] en profitant des avancées américaines en la matière [24]. L’entreprise Thalès est l’un des leaders dans ce domaine à travers le projets M@tis (Mobile Tactical Internet) [25].