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Chapitre III: Études fondamentales des propriétés physico-chimiques du MXène

III.1. Démarche scientifique

Bien que l’étude des MXènes soit en croissance exponentielle depuis leur découverte, leur chimie n’est pas totalement maîtrisée et la caractérisation de ces objets complexes nécessite encore des avancées importantes.

En particulier, leur caractère hydrophile et leur surface chargée négativement favorise l’insertion de cations et de molécules d’eau entre les feuillets, propriété très étudiée pour des applications dans le stockage d’énergie ou encore le traitement de l’eau [83,87,105]. Le matériau se comporte alors totalement comme une argile, on parle alors de « conductive clay » [55]. Néanmoins, cette capacité complexifie l’interprétation des données de diffraction en particulier par la modification de l’espacement interfeuillet et donc du paramètre de maille c. Par exemple, il a été mis en évidence par Ghidiu et al. [88] que la quantité d’eau présente entre les feuillets (et donc le paramètre de maille c) dépend fortement de l’humidité relative et de la nature des cations présents. En effet, l’augmentation de l’humidité relative (HR) de 0 % à 95 % entraîne une expansion discontinue de la structure cristalline dans la direction normale au plan basal et donc de c. Dans le cas de Ti3C2Tx dans lequel des ions Li+ ont été insérés, une valeur du paramètre de maille c

d’environ 25 Å est mesurée à 0 % HR correspondant à l’insertion d’une couche de molécules d’eau entre feuillets (1W) tandis qu’une valeur de c d’approximativement 32 Å est mesurée à 95 % HR, attribuée à la présence de deux couches de molécules d’eau (2W). Néanmoins, dans ces études, la présence d’une hétérogénéité d'hydratation résultante de la coexistence de différents états d’hydratation (1W et 2W, distribuées aléatoirement ou partiellement ordonnées) dans une même structure à une valeur de RH donnée n’est pas discutée. Ce phénomène, appelé interstratification, et fréquemment rencontré dans les argiles [90,212], peut fortement influencer les données de diffraction obtenues et complexifier leur interprétation. Il peut aussi engendrer des

phénomènes de ségrégation, c’est à dire l’enchaînement de couches ayant le même état

d’hydratation.

Une meilleure compréhension de ce phénomène dans les MXènes est donc souhaitable car il peut influer fortement sur les propriétés physiques. En effet, ce phénomène d’interstatification ne dépend pas seulement de l’humidité relative mais aussi de la nature des groupements terminaux à

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la surface et des cations insérés ou encore de la microstructure voire des défauts structuraux et d’empilement.

C’est dans ce cadre que nous avons menés la première étude présentée dans ce chapitre. Pour cela, une collaboration a été mise en place avec Eric Ferrage de l’IC2MP et des chercheurs de l’ISTerre de Grenoble, tous spécialistes des argiles et de la modélisation des données de diffraction de

rayons X impliquant les phénomènes d’interstratification. Pour cette étude, le MXène Ti3C2Tx,

saturé en ions Li+, permettant ainsi d’obtenir un état de cristallisation élevé, a été préparé selon le

protocole développé par Ghidiu et al. [88] puis déposé, après la formation d’une suspension colloïdale, sur le porte-échantillon de DRX afin d’orienter totalement les feuillets du MXène. L’évolution des diffractogrammes du MXène en fonction de l’humidité relative a alors été explorée puis les données ont été modélisées par E. Ferrage pour déterminer les structures interstratifiées et le ratio 1W/2W en fonction de l’humidité relative. En parallèle, avec l’aide de Simon Hurand de l’institut Pprime, la résistance électrique du MXène a été mesurée et une corrélation entre le ratio 1W/2W, induit par l’hétérogénéité d’hydratation dans le matériau, et la résistance électrique a été observée, mettant en évidence que ce MXène pouvait être envisagé

comme matériau pour application dans un capteur d’humidité. Au-delà de mettre en évidence

l’effet des phénomènes d’interstratification sur une propriété physique, dans le cas présent la résistance électrique, l’objectif de ce travail est aussi de servir de guide pour la communauté des MXènes afin de mieux interpréter les diffractogrammes expérimentaux obtenus sur ces derniers. Elle nous a aussi permis de mieux comprendre les données DRX obtenues avec les matériaux de la seconde étude de ce chapitre (voir ci-dessous). Cette étude est décrite dans le premier article de ce chapitre (partie III.2)

La seconde étude de ce chapitre porte sur l’influence des conditions de synthèse de Ti3C2Tx sur

ses propriétés de surface. En effet, comme indiqué dans le chapitre bibliographique de cette thèse, plusieurs milieux exfoliants ont été explorés pour obtenir les MXènes à partir des phases MAX. Néanmoins, des études systématiques sur l’influence de ces milieux sur un lot de phase MAX donné sont rares. De plus, il est difficile de comparer les différentes études de la littérature compte- tenu du fait que les lots de phases MAX initiales, pourtant de composition identique, ne possèdent pas systématiquement les mêmes caractéristiques (cristallinité, taille des grains, méthode de synthèse, etc…) conduisant à des conditions d’exfoliation souvent très différentes (température, durée, concentration des réactifs). Pourtant, il est clair que les conditions de synthèse peuvent jouer sur de nombreuses caractéristiques du MXène telles que la nature des groupements

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terminaux, la sensibilité à l’oxydation, les propriétés hydrophiles, la délamination, la taille et les défauts structuraux des feuillets du Ti3C2Tx. Chacun de ces aspects peut jouer un rôle majeur sur

les propriétés du MXène et donc sur les applications envisageables. Il est donc primordial d’étudier l’influence de différents milieux sur une même phase MAX pour envisager la possibilité d’adapter les propriétés du matériau vers une application donnée. C’est dans ce contexte que nous

avons étudié l’influence de 3 milieux exfoliants (HF, mélange LiF/HCl et FeF3/HCl) sur un même

lot de phase MAX Ti3AlC2 sur les propriétés de surface de Ti3C2Tx, le MXène le plus étudié

jusqu’ici. Le choix de ces trois milieux exfoliants repose sur leurs capacités à fournir des MXènes ayant des différences significatives en termes de chimie de surface et de microstructure. Une combinaison de plusieurs techniques de caractérisation a alors été utilisée pour déterminer les compositions et les propriétés de surface de ces matériaux : DRX, Raman, XPS, TEM-EELS, MEB, ICP-OES, adsorption d’azote. La réaction de dégagement de dihydrogène a été aussi utilisée dans cette étude comme réaction sonde pour caractériser les propriétés de surface et proposer des corrélations avec les autres méthodes de caractérisation.

Les objectifs de cette étude présentée dans la partie III.3 de ce chapitre sont triples :

• Mettre en évidence la possibilité de faire varier considérablement les propriétés d’un MXène en jouant simplement sur le milieu exfoliant, offrant ainsi une option complémentaire à celle consistant à jouer sur la composition de la phase MAX initiale. Ainsi cette étude peut servir de guide sur le choix des conditions de synthèse en fonction de l’application visée.

• Étudier l’influence des conditions de synthèse de Ti3C2Tx sur l’activité de ce matériau vis-

à-vis de la réaction HER, un des objectifs majeurs de ce travail de thèse.

• Utiliser les modifications engendrées par la voie de synthèse pour mieux interpréter les

données expérimentales en DRX, XPS et Raman sur le MXène Ti3C2Tx et faire le lien

avec certaines données théoriques de la littérature. Mieux comprendre les signaux expérimentaux de ces différentes techniques va au-delà de l’étude de cette thèse et pourrait servir plus globalement à la communauté des MXènes.

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