Une démarche écologique

Pour explorer les liens entre pratiques d’acculturation à l’écrit dans les classes de CP et apprentissage de la lecture, une étude longitudinale a été réalisée dans deux classes de CP situées dans des milieux socioculturels comparables. L’approche écologique, dans laquelle s’inscrit ce travail de recherche, consiste à étudier le

fonctionnement quotidien de classes « sans manipulation du contexte par le chercheur, c’est-à-dire sans modification de l’action habituelle des enseignants » (Goigoux (Dir.), 2016, p. 49). La démarche est ici une démarche ethnologique dans le sens où le travail de recherche s’est attaché à observer aussi bien « les aspects formels, systématiques et conscients de la part des enseignants, que [...] les aspects informels » (Barré-De Miniac, 2000, p. 107) comme les postures, l'organisation des lieux, la mise en valeur des livres... F. Grossmann rappelle l’importance de ce regard ethnographique :

Ce qu'apporte le regard ethnographique, c'est le souci du détail, la volonté de ne pas considérer comme dénué d’intérêt ce qui peut sembler à priori banal, le fait aussi de s’intéresser aussi bien aux paroles échangées qu’à la gestualité, à la disposition des corps dans l’espace, en les rapportant à la globalité de la situation observée (2006, p. 19).

Parfois, la démarche s’est approchée de la démarche « empirico-inductive » définie par P. Blanchet (2015), en ce sens qu’elle a cherché à comprendre, à interpréter, à donner du sens à des phénomènes humains, à des évènements spécifiques :

Dans une démarche interprétative, la dominante reste donc évidemment empirico-inductive, puisque le chercheur ne peut prévoir où le discours des enquêtés l’emmènera ni le détail micro-sociolinguistique des phénomènes qui vont lui faire prendre conscience de l’intérêt d’une dimension nouvelle du problème ou de la pertinence d’un indice rapporté à un contexte particulier, une situation particulière. De plus, dans un domaine où, par définition, le langage tient une place centrale, où l’on entre par la diversité relativisante, où les phénomènes d’intersubjectivité se manifestent de façon complexe, où enfin le choix théorique fondamental est le croisement des paramètres culturels, sociaux et linguistiques (ethno-linguistiques), une telle approche méthodologique s’impose (P. Blanchet, 2015, p. 39).

Dans le cadre de cette thèse, à certains moments, l’approche quantitative est venue compléter l’approche qualitative, afin de situer les interprétations qualitatives avec des données chiffrées reposant sur un corpus plus large, autrement dit, afin de comparer les résultats à d’autres cas et de chercher « à confirmer la validité d’une recherche qualitative » (P. Blanchet, 2015, p. 37).

À d’autres moments, l’approche a été d’abord quantitative puis est devenue plus qualitative, descriptive, ethnographique, et s’est rapprochée davantage de la méthodologie proposée par B. Lahire, pour qui, si l’on veut comprendre un phénomène ou une relation, il faut quitter l’analyse statistique, qui a le mérite de mettre en lumière des régularités et des récurrences, et rejoindre le terrain de l’observation des processus effectifs et de leur interprétation (2000, p. 51).

Cette étude, à la fois qualitative et quantitative, est constituée, d’une part, de données recueillies dans deux classes de CP, au moyen d’entretiens effectués auprès des élèves et des enseignantes, ainsi que de questionnaires distribués aux parents par l’intermédiaire des deux enseignantes. Elle s’appuie, d’autre part, sur une autre recherche, initiée et dirigée par R. Goigoux, qui s'intitule « Étude de l’influence des pratiques d’enseignement de la lecture et de l’écriture sur la qualité des

apprentissages au cours préparatoire »²⁰. Nous reviendrons sur cette enquête, que

nous nommerons désormais « #LireEcrireCP », lors de la présentation plus précise des données utilisées.

Par conséquent, si cette recherche possède un questionnement qui lui est propre, elle s’adosse néanmoins au travail réalisé pour la recherche #LireEcrireCP, et plus particulièrement à celui du groupe « acculturation » (qui est l’un des neuf groupes de recherche créés dans le cadre de la recherche #LireEcrireCP). En d’autres termes, ce travail de thèse a la particularité de se focaliser sur deux classes de CP dans lesquelles un recueil spécifique de données a été réalisé et, en même temps, de prendre appui sur les données de la recherche #LireEcrireCP, notamment sur les vidéos et les résultats quantitatifs des premières analyses. Le recueil de données est donc polymorphe ; il est constitué d’entretiens, de questionnaires, de films de classe, de séances codées, d’évaluations ; il s’est fait au cours de l’année scolaire 2013-2014. Dans le tableau qui suit, est indiquée la répartition des données propres à cette recherche et celles issues de la recherche #LireEcrireCP :

20

Pour une présentation plus précise, voir l'article de R. Goigoux, A. Jarlegan & C. Piquée (2015). Évaluer l'influence des pratiques d'enseignement du lire-écrire sur les apprentissages des élèves : enjeux et choix méthodologiques. Recherches en didactiques (19). p. 33-52.

Type de données Nature des données ^Echantillon concerné

Nombre

Des données propres

- Questionnaires parents CP1 et CP2 14 + 12 - Entretiens élèves (deux par élèves, un

premier au cours du premier semestre de l'année scolaire 2013-2014, un second au cours du deuxième semestre de l'année scolaire 2013-2014)

CP1 et CP2 12 + 12

- Entretiens enseignantes réalisés en

fin d'année (mois de juin 2014) ^{CP1 et CP2 2}

Des données issues de la recherche

#LireEcrireCP :

- Questionnaires enseignantes ^Echantillon

#LireEcrireCP ¹³¹ - Fichier « tâches » codées ^Echantillon

#LireEcrireCP ¹³¹

- Vidéos de séances de lecture-écriture

CP1 CP2 Classe 50 Classe 88²¹ 10 vidéos soit environ 4 heures d’enregistr ement - Evaluations des élèves en début et fin

de CP

Echantillon #LireEcrireCP

2507 élèves - Les premiers résultats quantitatifs

(progression des élèves, budget temps lecture-écriture, pratiques

d'acculturation)

Echantillon

#LireEcrireCP ^{131 classes}

Tableau 1 : récapitulatif des données recueillies et utilisées.