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Chapitre 2 : Les « ratés » de l’apprentissage de la lecture

2.1 Du côté des élèves

Comme il a été vu dans le premier chapitre, l’apprentissage de la lecture est quelque chose de complexe qui relève de plusieurs dimensions. Ainsi, les difficultés de lecture, qui peuvent concerner tous les âges, relèvent de chacune de ces dimensions (non seulement le

déchiffrage et la compréhension, mais également le rapport à la lecture et à l’écriture). Les difficultés de lecture ‒ les difficultés spécifiques de la lecture – éprouvées par les lecteurs les plus faibles sont par conséquent, bien plus variées et complexes qu’on ne le croit habituellement. On a presque toujours affaire à une conjonction de « troubles » relevant de plusieurs composantes de l’acte de lire de base (Chauveau et al., 2011).

Plusieurs recherches (Bara, Gentaz & Colé, 2004, Bautier & Goigoux, 2004; Chauveau et al., 1997; 2011; Goigoux, 1999; Goigoux & Cèbe, 2007, 2013; Lahire, 2000) ont tenté de décrire, à partir d’observations et d’entretiens, ou en s’appuyant sur des recherches antérieures, quelles pouvaient être les difficultés rencontrées par

les lecteurs les plus faibles. Bien qu’anciennes pour certaines, ces recherches ont le mérite

de montrer, du point de vue des élèves, quelles sont les difficultés que l’on peut avoir pour maitriser la langue écrite. En outre, la diversité des approches théoriques (psychologie cognitive, sociologie de l’éducation, didactique de l’écrit) offre une vision élargie de la difficulté d’apprentissage. Nous présentons dans un premier temps trois recherches qui ont cherché à comprendre les difficultés de lecture afin, dans un deuxième temps, de nous appuyer principalement sur leurs résultats pour décrire les différents types de difficultés que peuvent rencontrer les élèves dans l’apprentissage de l’écrit.

G. Chauveau et son équipe (1997, 2011) ont mené deux enquêtes sur les

enfants « mauvais lecteurs »8. La première concernait 100 élèves de sept ans (fin CP/

début CE1) et visait à repérer les principales difficultés que rencontraient ces élèves dans la maitrise de base du lire-écrire. La seconde portait sur une centaine d’élèves à

l’entrée en 6ème scolarisés dans une classe « aménagée » à « option lecture » et

cherchait à apprécier le rapport à la lecture de ces « mauvais lecteurs » de onze à douze ans. La méthode de recherche consistait à observer individuellement les enfants qui avaient été invités à lire silencieusement d’abord un texte simple et court puis à expliquer ce qu’il y avait d’écrit et ce qu’ils en avaient compris, et enfin à lire à haute voix le texte. Ces deux recherches ont montré que de même que l’activité de lecture est « une activité cognitive complexe », les difficultés de lecture sont « variées et

8

L’expression est employée par G. Chauveau et correspond notamment au titre du chapitre 9 de son livre Comment l’enfant devient lecteur (2011, p.133).

complexes » et qu’« on a presque toujours affaire à une conjonction de "troubles" relevant de plusieurs composantes de l’acte de lire de base » (Chauveau et al., 2011, p. 138).

R. Goigoux (1999) a mené une étude sur 650 élèves en grande difficulté de lecture, scolarisés en Section d’enseignement général et professionnel adapté (SEGPA) dans dix collèges différents. Deux séries d’évaluations ont été faites pour mesurer les

performances des élèves : l’une pour les élèves de 6ème SEGPA à partir des évaluations

nationales conduites par le Ministère de l’Education Nationale dans toutes les classes

de 6ème, l’autre pour les élèves de la 6ème à la dernière année de SEGPA à partir de

quatre épreuves étalonnées au préalable auprès d’élèves de cycle 3. En plus de ces évaluations, des observations ont été faites en classe et quarante huit élèves ont été soumis, en fin d’année, à une épreuve individuelle qui reposait « sur un protocole d’entretien et d’observation d’une tâche de lecture de texte narratif (le rappel du début d’un roman policier) » (Goigoux, 1999, p. 151). Les résultats de cette étude rejoignent ceux des recherches menées par G. Chauveau et mettent en évidence trois types de difficultés : déficits dans le processus d’identification des mots, déficits des capacités de compréhension, et déficits de régulation de l’activité de lecture par l’élève.

B. Lahire (2000), quant à lui, s’intéresse en particulier aux élèves issus de milieux populaires. Il a procédé à des observations ethnographiques longitudinales durant trois années scolaires ‒ de 1984 à 1987 ‒ de classes (classes de

perfectionnement9, classes d’adaptation scolaire, classes élémentaires du CP au CM2)

dans la région lyonnaise. Ses observations portent sur « l’organisation des pratiques scolaires, sur les types d’interactions verbales que les enseignants essaient d’instaurer et d’imposer aux élèves et sur les réactions, réponses, répliques, comportements

interactifs des élèves » (Lahire, 2000, p. 64). Parallèlement à ces observations, des

entretiens semi-directifs ont été réalisés auprès des 40 enseignants. Ils se sont

9 Les classes de perfectionnement et les classe d’adaptation sont des dispositifs qui ont disparu (officiellement en 2005 pour les classes de perfectionnement). Les élèves sont alors répartis dans des classes ordinaires ou en CLIS (Classe d’Intégration Scolaire) pour les enfants présentant une déficience intellectuelle.

déroulés dans les classes (à l’exception d’un seul) et ont duré environ une heure et demie. Dans la mesure du possible, ces entretiens ont été axés sur « les situations de classe, les pratiques de classe, sur des descriptions du déroulement des leçons » (2000, p. 65). Enfin, le recueil a été complété par la collecte de diverses productions scolaires écrites ou orales, des manuels scolaires de « français » et les documents officiels en vigueur au cours de la recherche. Les résultats de l’analyse que fait B. Lahire montrent, là encore, que les difficultés des élèves sont de plusieurs ordres : elles peuvent concerner la conscience phonologique et les correspondances graphèmes-phonèmes, le découpage des mots ainsi que les problèmes de compréhension en lecture. La particularité des travaux de B. Lahire est de chercher à expliquer d’un point de vue sociologique les difficultés scolaires. Selon lui, les élèves de milieu populaire rencontreraient plus de difficultés que les autres parce qu’ils ne parviendraient pas à considérer le langage pour lui-même : « les élèves qui "échouent" ne saisissent jamais le langage indépendamment de l’expérience, des situations qu’il structure et dans lequel il trouve tout son sens et sa fonction » (2000, p. 103).

En nous appuyant sur ces recherches, nous allons maintenant tenter de décrire et de comprendre les difficultés de lecture que peuvent rencontrer les élèves. Dans un premier temps nous évoquerons les difficultés de déchiffrage, puis nous présenterons celles liées à la compréhension. Dans un troisième temps, nous montrerons comment le rapport à l’écrit lui-même peut être à l’origine des difficultés d’apprentissage.

2.1.1 En début d’apprentissage : difficultés d’analyse de la chaine sonore et « mauvais découpages » de mots

Les travaux de B. Lahire (2000) montrent qu’en début d’apprentissage, les difficultés de déchiffrage peuvent tout d’abord s’expliquer par les difficultés d’analyse de la chaine sonore, les élèves les plus faibles ayant « du mal à prendre conscience des sons qui composent les mots et à les manipuler dans les jeux de langage scolaires » (2000, p. 97). Selon l’auteur, ces difficultés viennent de l’incapacité des élèves « à traiter le langage comme un objet autonome étudiable d’un point de vue strictement phonologique » (2000, p. 101). De plus, les difficultés de conscience phonologique

engendrent d’autres difficultés comme le non apprentissage ou l’oubli des correspondances graphophonologiques, l’incapacité à écrire des mots composés de sons étudiés, les confusions de graphies ou encore les inversions de lettres (Lahire, 2000, p. 94).

Or, de nombreux travaux expérimentaux ont démontré qu’une bonne conscience phonologique était prédictive de la réussite. Dans un article, F. Bara, E. Gentaz et P. Colé (2004) en font la synthèse et rappellent que, pour comprendre que les lettres correspondent à des unités de l’oral plus petites que les syllabes, appelées phonèmes, l’apprenti lecteur doit procéder à une analyse consciente de la structure du langage oral (conscience phonologique). Selon les auteurs, un grand nombre d’études montrent que le niveau de conscience phonologique des élèves de maternelle est « très fortement corrélé avec leur niveau ultérieur en lecture et constitue un de ses meilleurs prédicteurs » (Bara et al., 2004, p. 4).

Une autre difficulté rencontrée par les jeunes élèves en début d’apprentissage de la lecture est le « mauvais découpage » de mots (Lahire, 2000). Les élèves, lorsqu’ils écrivent, détachent ce qu’ils doivent attacher (« ont sa muse » à la place de « on s’amuse ») ou inversement, attachent ce qu’ils doivent détacher (« quifé » à la place de « qui fait »). Ce phénomène peut s’expliquer par le fait que le découpage de mots ne se fait pas naturellement à l’oral et n’a de sens qu’à l’écrit :

Les « mauvais découpages » permettent de revenir sur une évidence de lettrés : les mots, tels que l’écriture nous les fait percevoir, n’ont rien de naturel. Plus que cela, ce que l’on appelle « mot » n’a de sens que par rapport aux pratiques scripturales. Contrairement à ce que pensent tout à la fois enseignants et linguistes, tout le monde ne parle pas avec des « mots » ou plutôt, tout le monde n’est pas disposé à percevoir des « mots » dans ses énoncés […]. Séparer des « mots » suppose que l’on objective le langage et qu’on le considère du point de vue de ses articulations spécifiques et de son fonctionnement propre au lieu de le faire fonctionner dans des situations n’impliquant aucun retour réflexif sur le langage comme objet et univers autonome particulier (Lahire, 2000, p. 109-110). Ces difficultés d’analyse de la chaine sonore et de découpage des mots sont fréquentes et caractéristiques du début de l’apprentissage de la lecture et de l’écriture et finissent en général par disparaitre avec l’automatisation du déchiffrage. Toutefois,

lorsque ces difficultés subsistent chez les élèves plus grands, elles placent ces derniers dans une situation scolaire très difficile.

En outre, ne pas maitriser le déchiffrage empêche de l’associer et de le coordonner efficacement et en permanence au travail de recherche de sens (Chauveau et al., 2011). En effet, l’automatisation du déchiffrage est une condition indispensable pour pouvoir comprendre un texte. Par conséquent, lorsque le décodage représente une opération couteuse et contraignante, il ne reste plus suffisamment de ressources attentionnelles aux élèves pour traiter le contenu du texte et accéder à la compréhension (Goigoux & Cèbe, 2013). Nous allons voir maintenant comment les élèves qui dépensent beaucoup d’énergie et de concentration sur le décodage des mots un par un, éprouvent des difficultés pour comprendre un texte.

2.1.2 A tous les niveaux de la scolarité : problèmes de compréhension des textes

Les problèmes de compréhension en lecture se rencontrent à tous les niveaux de la scolarité, ils peuvent s’expliquer de plusieurs manières.

Les difficultés de compréhension, principalement en début d’apprentissage, peuvent être liées à l’inefficacité du décodage qui n’est pas suffisamment automatisé (Chauveau et al., 2011 ; Goigoux, 1999 ; Lahire, 2000). En effet, comme il a été dit précédemment, les élèves ayant une vitesse de lecture insuffisante, se concentrent sur le décodage et n’ont plus suffisamment de ressources cognitives disponibles pour comprendre le texte qu’ils viennent laborieusement de déchiffrer.

Toutefois, si le manque d’automatisation de l’identification des mots a indéniablement un effet négatif sur la qualité de la compréhension, il ne peut être tenu pour seul responsable des problèmes de compréhension :

Savoir déchiffrer ne suffit pas pour comprendre ce que l’on lit. Lorsque les élèves sont capables de déchiffrer ou que le problème de déchiffrage ne se pose pas dans la mesure où les mots sont tous connus globalement des élèves, le problème de production du sens du texte n’est pas résolu pour autant (Lahire, 2000, p. 115).

Pour G. Chauveau et son équipe (2011), il s’agit d’un problème de stratégie car certains élèves maitrisent le déchiffrage mais n’arrivent pas à le mettre au service de la recherche de sens ou n’ont pas la compétence stratégique pour combiner les deux types d’opérations (déchiffrage et recherche du sens) :

[L’enfant « mauvais lecteur »] possède « les outils » pour déchiffrer et identifier tel mot, mais il ne mobilise pas son savoir-déchiffrer car il croit qu’il faut (re)trouver le mot en se servant uniquement de sa mémoire ; ou bien, il sait explorer une phrase écrite, mais il ne sait pas que c’est indispensable pour lire ; il croit que lire c’est simplement lire un mot et puis un autre et ainsi de suite (2011, p. 135). Les difficultés de compréhension liées à un manque de stratégies pour réguler l’activité de lecture peuvent s’observer chez les élèves à tous les niveaux de la scolarité. En effet, R. Goigoux (1999) a montré que les difficultés de compréhension persistant chez les élèves les plus faibles au niveau du collège, proviennent de déficits de stratégies de compréhension et de malentendus sur l’acte de lire. Ainsi, selon le chercheur, les élèves qui ne parviennent pas à comprendre un texte se méprennent sur la tâche même de lecture. Ce malentendu se manifeste de plusieurs manières :

ces élèves pensent qu’il suffit de décoder chaque mot pour lire un texte ;

autrement dit, ils pensent que pour lire il suffit de prendre les mots un par un et les phrases isolément les unes des autres ;

ils ne savent pas qu’il faut adopter une représentation provisoire et

mémoriser les informations les plus importantes afin de pouvoir faire des inférences entre les différentes données du texte ;

ils remettent difficilement en cause leurs interprétations premières à

partir de nouvelles informations qu’ils préfèrent abandonner ou oublier ; ils préfèrent une cohérence globale du texte (qui peut être erronée) à une cohérence locale (relation entre les phrases du texte) ;

ils confondent lecture-compréhension et localisation d’informations pour

répondre à des questionnaires à postériori ;

ils ont du mal à établir des relations qui permettent la cohésion du texte.

En outre, dans un article de Repères, S. Cèbe et R. Goigoux (2007) font état de

très faible conscience de leurs propres procédures et des modalités de contrôle de la compréhension qu’ils pourraient mettre en œuvre. Ces élèves contrôlent leur compréhension surtout au niveau propositionnel (de la phrase) mais peu au niveau local (inter-phrastique) ou global (textuel). Leur attention étant portée sur les mots, un texte facile à comprendre est un texte court avec des mots connus faciles à déchiffrer. C’est donc par la lecture à haute-voix qu’ils auto-évaluent leur compréhension. En d’autres termes, ils ne comprennent pas parce que le texte est trop long et les mots trop difficiles à déchiffrer. Bien plus, ils ne voient pas comment ils pourraient améliorer leur compréhension, ils n’ont pas conscience de leur déficit de stratégies (moduler sa vitesse de traitement ou revenir en arrière par exemple). Par ailleurs, les élèves en difficulté de lecture sont des élèves qui ont du mal et/ou qui n’ont pas l’habitude d’aller au-delà de l’explicite. Ils font peu d’inférences, autrement dit, ils n’arrivent pas à produire une information nouvelle à partir des données explicites du texte. Soit ils n’établissent pas de liens logiques entre les différentes informations du texte (par exemple, ils ne perçoivent pas les relations causales entre les évènements mais ne retiennent que la chronologie), soit ils n’arrivent pas à mettre en relation une information donnée par le texte avec leurs connaissances antérieures.

Une autre explication des difficultés de compréhension est donnée par B. Lahire (2000) pour qui les élèves qui ne parviennent pas à comprendre un texte de manière autonome, sont ceux qui « ne parviennent pas à adopter la bonne position face à un écrit » ni à « traiter le langage comme une construction formelle explicite et à poser les questions adéquates qui leur permettraient de produire du sens en interaction avec le texte » (2000, p. 123). Selon l’auteur, cette non conscience de l’aspect formel du langage et de son fonctionnement autonome est caractéristique des élèves de milieu populaire. Pour ces élèves, « le langage n’a le plus souvent de sens que dans son usage interactif, en contexte et dans son efficacité pratique » (Lahire, 2000, p. 124).

Ainsi, les difficultés de compréhension se rencontrent à tous les niveaux de la scolarité et les origines sont multiples. Elles peuvent venir tout d’abord d’un manque d’automatisation du déchiffrage, cause fréquente en début d’apprentissage mais qui

demeure chez les enfants plus âgés en grande difficulté. Elles peuvent résulter ensuite d’un déficit de stratégies et/ou d’une non conscience des stratégies de lecture, surtout chez les plus âgés. Enfin, elles peuvent être la conséquence de la difficulté à percevoir les aspects formels et le fonctionnement autonome du langage écrit.

Toutefois, les difficultés en lecture sont très souvent plurielles et associées, ce qui laisse supposer que c’est en réalité le rapport à la lecture des enfants qui est en cause (Chauveau et al., 2011).

2.1.3 Le rapport à la lecture en cause dans les difficultés de lecture

À partir d’entretiens réalisés auprès d’élèves de 6ème, G. Chauveau a cherché à

définir ce que pouvait être le rapport à la lecture des élèves en difficulté de lecture depuis plusieurs années (Chauveau et al., 2011, p. 139-142). Tout d’abord, ce sont des élèves qui ont du mal à verbaliser et à donner une définition de l’acte de lire : les essais de définition reposent surtout sur des confusions et renvoient principalement à l’oralisation ou à la diction et aux unités lexicales (trouver les mots), il n’y a pas de référence au texte ni à la compréhension. L’analyse des entretiens révèle, par ailleurs, que les difficultés techniques de lecture sont presque toujours associées à une

déficience de l’activité réflexive, autrement dit à un manque de clarté cognitive10.

Enfin, les élèves « mauvais lecteurs » ont souvent une vision essentiellement utilitariste de la lecture qui servirait uniquement dans la vie quotidienne et immédiate (usages pratiques, moyen de communication, usages professionnels, sanction scolaire) :

La plupart [des élèves en difficulté] ne semblent pas avoir intégré sa dimension symbolique : la lecture est pour eux une nécessité, une obligation, mais ils ne la

10

Cette notion de clarté cognitive a été introduite dans le domaine de l’entrée dans l’écrit par J. Downing et J. Fijalkow (1984). J. Crinon et al., (2015) rappellent que ces deux auteurs « accordent à la clarté cognitive une importance toute particulière, définissant cette dernière comme la compréhension de deux sortes de concepts en rapport avec la lecture : ceux concernant la compréhension des fonctions de l’écrit, et ceux, plus techniques, auxquels on a recours pour parler de l’oral et de l’écrit, pour décrire leur fonctionnement ».

ressentent pas comme un moyen de développement culturel, intellectuel et personnel (Chauveau et al., 2011, p. 142).

Les difficultés éprouvées par les élèves pour identifier les enjeux cognitifs des apprentissages scolaires sont également un des points convergents retenus par E. Bautier et R. Goigoux (2004) entre les différentes recherches participant au réseau

RESEIDA11. Selon ces travaux, les élèves les moins performants sont « enfermés dans

une logique du faire et guidés par la recherche de la réussite immédiate » (2004, p. 90), ils réalisent les tâches scolaires sans chercher à en comprendre le sens, ce qui les empêche d’avoir une attitude de secondarisation. Autrement dit, ils ne parviennent pas « à transférer leurs connaissances d’un domaine à un autre, ou, à l’inverse, surgénéralisent les procédures qu’ils maîtrisent et les appliquent, sans analyse préalable, à toutes les situations » (Bautier & Goigoux, 2004, p. 90).

2.1.4 Synthèse et transition

On voit donc tout d’abord que les difficultés des « mauvais lecteurs » concernent aussi bien les questions de déchiffrage que de compréhension, les deux étant souvent liées. D’autre part, ces difficultés se retrouvent tout au long de la scolarité obligatoire (elles ne sont pas l’apanage des « petites classes ») et pas

seulement dans les classes spécialisées12. Ces difficultés trouvent leur origine, la

plupart du temps, dans le rapport à la lecture des élèves : de fait, les lecteurs les plus faibles ont, en général, une conception restreinte de la lecture et de ses fonctions, ce qui constitue un frein au processus de secondarisation ‒ ou de transfert ‒ de leurs compétences et de leurs connaissances à d’autres tâches et à d’autres domaines. Or, ce processus de secondarisation, indispensable à la réussite dans l’acquisition de la

11

Le réseau RESEIDA (REcherches sur la Socialisation, l’Enseignement, les Inégalités et les Différenciations dans les Apprentissages), comme son nom l’indique, coordonne des recherches pluridisciplinaires sur les inégalités sociales dans l’accès aux savoirs scolaires et examine, entre autres