• Aucun résultat trouvé

Le délit d’abandon de famille et les infractions connexes

Dans le document Le couple et le droit pénal (Page 112-115)

Section 2 – Une protection par le truchement de l’abandon de famille

A- Le délit d’abandon de famille et les infractions connexes

Si le délit d’abandon de famille est sanctionné sévèrement (2), il nécessite néanmoins que soient remplies plusieurs conditions, conditions qui ne sont autres que les éléments constitutifs de l’infraction (1).

1) Les éléments constitutifs de l’infraction

Le délit d’abandon de famille est une infraction qui est située dans la partie du code pénal rassemblant les atteintes aux mineurs et à la famille, à l’article 227-3. Instauré par la loi du 7 février 1924 ce délit tend à réprimer ceux qui ne respectent pas (dans les conditions posées à l’article 227-3) une condamnation judiciaire ou une convention judiciairement homologuée les obligeant à remplir diverses sortes d’obligations familiales.

Tout manquement à une obligation alimentaire n’est cependant pas constitutif du délit d’abandon de famille, ce dernier supposant que plusieurs conditions soient réunies. Tout d’abord, la condition préalable à la constitution du délit réside dans l’existence d’une décision de justice. L’article 227-3 du code pénal vise l’obligation posée par une décision judiciaire (jugement, arrêt, ordonnance) ou une convention judiciairement homologuée. Il a été jugé que le procès verbal de conciliation équivaut à une convention judiciairement homologuée1, ce qui permet de sanctionner l’époux qui ne verse pas l’obligation alimentaire

1

Cass. Crim 31 mars 1999, Bull. crim. n°64. D. 2000, somm. P. 36, obs. Y. Mayaud. L’arrêt juge que le procès verbal de conciliation prévu par les articles 130 et 131 du code de procédure civile « équivaut », au sens de l’article 227-3 du code pénal, à une convention judiciairement homologuée.

fixée par le procès verbal1. En revanche, le défaut de paiement d’une prestation compensatoire fixée par une convention notariée non homologuée ne peut constituer un délit d’abandon de famille2. De même sont exclues les obligations alimentaires fixées par un mode exclusivement volontaire ou d’origine purement conventionnelle et enfin, il est nécessaire que la décision posant l’obligation soit exécutoire et portée légalement à la connaissance de l’intéressé3.

Par ailleurs, toutes les obligations familiales ne sont pas visées par l’article 227-3 du code pénal. Jusqu’en 2009, étaient visées dans l’article en question les obligations familiales prévues par les titres V, VI, VII et VII du livre Ier du code civil, c'est-à-dire à raison de l’une des obligations découlant du mariage, du divorce ou de la filiation. Concernant le couple, la prestation visée pouvait donc être : une contribution aux charges du mariage (art 214 du C.civ), une pension alimentaire due au titre du devoir de secours (art 212 du C.civ), une prestation compensatoire (art 270 du C.civ), une pension alimentaire (art 239 du C.civ) ou encore des dommages et intérêts (art 266 du C.civ) dus à l’ex conjoint4.

Enfin, le débiteur doit être resté plus de deux mois sans s’acquitter de sa dette. Concernant la nature de l’infraction, il a été jugé par la Cour de cassation que le délit d’abandon de famille était une infraction successive5, si bien que celle-ci se renouvelle autant de fois qu’il est de périodes bimestrielles cumulées sans extinction de la dette, avec possibilité d’exercer de nouvelles poursuites à chaque terme non suivi d’effet6.

Enfin, le délit d’abandon de famille est une infraction intentionnelle. Le débiteur doit donc omettre de payer en toute connaissance de cause et si sa mauvaise foi ne peut être prouvée l’infraction n’est pas constituée7.

Outre le délit d’abandon de famille, l’article 314-7 du code pénal sanctionne également l’organisation frauduleuse d’insolvabilité8. Pour J. LEBLOIS-HAPPE1, ce délit peur être considéré comme une incrimination préventive de l’abandon de famille.

1

V. Malabat « Droit pénal spécial » 4ème édition, Dalloz p. 328

2

Cass. Crim. 15 octobre 1996, Bull. crim. n° 359

3 Cass. Crim. 8 mars 1977, Bull. crim. n° 88 4

J. Leblois-Happe « L’appréhension par le droit pénal de la solidarité au sein du couple » AJ Famille 2004, p. 17

5

Cass. Crim. 2 décembre 1998, D. 2000, somm. P. 36, obs. Mayaud

6

D. 2000, somm. P. 36, obs. Mayaud. Il convient de noter que pour M. Mayaud cependant, le délit d’abandon de famille serait plutôt une infraction continue tel que cela a été jugé par la CA de Colmar le 20 janvier 1967.

7

CA Rennes, ch. Corr. 3, 11 avril 2008 : JurisData n°2008-364511

8

Article 314-7 du code civil : « Le fait, par un débiteur, même avant la décision judiciaire constatant sa dette,

d'organiser ou d'aggraver son insolvabilité soit en augmentant le passif ou en diminuant l'actif de son patrimoine, soit en diminuant ou en dissimulant tout ou partie de ses revenus, soit en dissimulant certains de

2) Une infraction sévèrement réprimée

C’est tout d’abord au regard des sanctions attachées à l’article 227-3 du code pénal qu’il est pertinent de conclure à une répression sévère de l’abandon de famille. En effet, l’époux qui se rend coupable d’une telle infraction encourt de lourdes peines, à savoir un emprisonnement de deux ans, une amende de 15 000 euros ainsi que l’interdiction d’exercer certains droits civiques, civils et de famille et d’autres peines complémentaires prévues à l’article 227-29 du code pénal.

Par ailleurs, il a été jugé que le paiement ultérieur, même spontané, n’efface pas le délit et ne constitue qu’un repentir actif2. De même, la suppression, même rétroactive, de l’obligation alimentaire, qui intervient postérieurement à la date des faits d’abandon de famille, ne peut faire disparaître l’infraction déjà consommée3. Une telle décision nous conduit à évoquer la prééminence du juge pénal sur le juge aux affaires familiales (JAF) en matière de délit d’abandon de famille, prééminence qui souligne l’importance de l’appréhension du couple par le droit pénal en la matière.

Tout d’abord, comme nous venons de l’évoquer, un débiteur ne peut arguer devant le juge pénal d’une décision du JAF supprimant (même rétroactivement) la contribution à laquelle il était condamné si cette décision est postérieure aux faits constitutifs du délit. Pour certains auteurs4, cette solution ne peut être qu’approuvée, l’infraction étant incontestablement sanctionnée au jour de la commission des faits. Les pouvoirs du juge pénal vont encore plus loin. En effet, dans un arrêt du 14 octobre 19855, la Cour de cassation reconnaît que le juge répressif est de plus compétent pour apprécier souverainement, en fonction des éléments, la persistance de l’obligation en cause. Autrement dit, le juge pénal dispose du pouvoir d’apprécier si, au moment où l’abandon de famille est imputé au prévenu, ce dernier était toujours dans les conditions légales pour pouvoir prétendre au versement de cette pension.

ses biens, en vue de se soustraire à l'exécution d'une condamnation de nature patrimoniale prononcée par une juridiction répressive ou, en matière délictuelle, quasi délictuelle ou d'aliments, prononcée par une juridiction civile, est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45000 euros d'amende ».

1

J. Leblois-Happe « L’appréhension par le droit pénal de la solidarité au sein du couple » AJ Famille 2004, p. 17

2

Cass. Crim. 23 mars 1981, Bull. crim. n° 101

3

Cass. Crim. 27 mars 1991 : JurisData n° 1991-702331, Bull. crim. n°146

4

N. Monachon Duchêne « L’obligation alimentaire devant le juge pénal…et l’abandon de famille devant le JAF » JCP G, n°36, 6 septembre 2006, I 165

5

Le juge pénal est donc là saisi d’un débat qui d’ordinaire se tient devant le JAF1. Par ailleurs, la balance penche également en faveur du juge pénal lorsque le JAF est saisi par le débiteur après le juge correctionnel. C’est alors l’autorité de la chose jugée au pénal qui s’impose au juge civil, ce dernier devant calquer sa motivation sur celle du juge correctionnel. En effet, en condamnant le prévenu pour abandon de famille, le juge pénal a forcément jugé que le débiteur avait agi de façon volontaire (le délit de l’article 227-3 étant intentionnel), ôtant la possibilité pour le juge civil de qualifier les faits de négligence ou même de nier la faute. Ce dernier sera contraint d’opposer une fin de non recevoir à la demande du débiteur qui viendrait solliciter, pour la période relative à la prévention, une suppression de son obligation alimentaire.

Il est donc incontestable que le droit pénal et le juge pénal disposent de larges pouvoirs afin de s’ingérer dans les obligations alimentaires des époux et des ex époux à des fins de protection de l’un d’eux. Cependant encore une fois il convient de constater qu’il n’est question ici que des couples unis par les liens sacrés du mariage.

Dans le document Le couple et le droit pénal (Page 112-115)