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3. Cadre conceptuel

3.4 Délimitation du concept de réussite

Dans la partie consacrée à notre problématique, nous avons fait état de la polysémie et de la complexité du concept de réussite à l’école. Dans cette rubrique, nous étudions le concept pour prendre position au sujet de ce que nous entendons par réussite dans le cadre de notre recherche. Depuis plusieurs années, le CSE (2002), par l’usage du terme « réussite éducative », a véhiculé une conception large et inclusive de la réussite scolaire. Citons : « Le Conseil supérieur de l’éducation considère la réussite éducative en général, et la réussite scolaire en particulier, comme le défi premier de l’école québécoise de la prochaine décennie. » (Ibid, p. 1). De fait, le terme réussite éducative est effectivement très adéquat pour bien illustrer la triple mission de l’école québécoise : « instruire, socialiser et qualifier ». Cette conception a émergé, entre autres raisons, parce que la réussite scolaire était trop souvent interprétée et associée à la seule fonction d’instruire, ce qui, dans le contexte de la « réforme », semblait rétrograde et réducteur. Le terme « réussite éducative » représente l’idée d’une école plus ouverte et évoluée.

Mais, dans les milieux, en raison de la montée du discours sur la qualité en éducation et l’obligation de résultat44, ne pas insister explicitement sur le terme réussite scolaire semble une incohérence avec le critère socialement reconnu pour la réussite à l’école secondaire qui est indéniablement l’obtention d’un diplôme. Ce qui explique, à un certain moment, le virage vers une position plus affirmée du CSE en faveur de la réussite scolaire. Citons :

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« Le Conseil est de ceux qui défendent et font la promotion de la réussite scolaire. C’est elle qui est la principale clé de l’avenir personnel, social et professionnel de chacun et de chacune. C’est elle qui, à chaque étape, témoigne que l’élève ou l’étudiant a acquis les compétences et les habiletés désirées, fait siennes un certain nombre de valeurs personnelles et sociales, et atteint les objectifs de formation qu’il s’est fixés. La scolarité et le diplôme qui l’accompagne sont un moyen important de mobilité sociale et professionnelle. La réussite doit être l’objectif privilégié et la préoccupation constante de chaque personne engagée en éducation ou intéressée par la chose éducative, autant l’élève que ses parents, le personnel scolaire et tous les autres partenaires. Elle doit être un objectif prioritaire de notre société. » (Ibid, 2002, p.5-6).

Toutefois, cette clarification ne fait pas abandonner pour autant l’aspect fondamental au sujet de l’importance de la socialisation de l’école. Sur ce, le CSE (2002) argumente qu’il est vrai que l’obtention du diplôme est un incontournable et que celui-ci représente « le succès à l’issu de parcours », mais ce qui est encore plus indispensable, « c’est le succès du parcours lui-même tout au long des onze ans qu’il se déploie » (Ibid, p. 5), car c’est par lui que la mission de socialisation s’accomplit.

Ici, c’est la notion de l’école comme « communauté éducative » qui est derrière, celle de la diversité et de la richesse des parcours capables de répondre au besoin de chacun et de tenir compte des différences individuelles qui existent indéniablement. C’est aussi celle qui tient compte de l’expérience sociale des élèves qui se doit d’être positive et édifiante45 (Dubet, 2004). Cette approche est également en harmonie avec le concept d’éducation tout au long de la vie et celui de persévérance scolaire, car vouloir apprendre tout au long de sa vie et persévérer à un ordre supérieur d’enseignement sont aussi des indicateurs de la « santé » de notre système d’éducation.

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Mais, l’école « communauté éducative » ne peut pour autant se soustraire à son obligation de résultat. Dans Diversité des trajectoires et la réussite éducative des adultes en formation de base tel que souligné par Bélanger, Carignan et Staiculescu (2007), ce qui compte ultimement ce sont les titres scolaires, citons:

« La mission éducative de la formation de base est aussi scolaire, évidemment. Le diplôme est une valeur d’échange universelle que les sociétés adoptent pour définir les exigences minimales de participation. La société s’est donné des normes reconnues par tous pour faciliter l’allocation légitime des rôles et fonctions dans la société. Les 24 apprenants l’ont vite compris : tu ne peux pas réussir sans diplôme. En négliger la nécessité, en rabaisser la valeur ou allouer aux adultes des certifications à rabais sous prétexte d’accommodement psychologique serait une erreur qui discrimine surtout les adultes les moins avantagés. […]. » (Ibid, p. 103).

Ceci étant, l’école dispense donc des titres scolaires qui, par surcroît, sont payants à la sortie du système et représentent une valeur d’échange en capital économique dont personne ne peut ignorer l’importance (Duru-Bellat et Van Zanten, 2006). Mais, si l’important pour l’élève, c’est aussi bien se socialiser, atteindre la compétence nécessaire à progresser vers d’autres apprentissages (et devenir autonome intellectuellement et personnellement) que s’ouvrir sur des possibilités réelles d’insertion au travail, il nous semble que la conception de la réussite éducative devrait considérer le fait de l’exigence de réussir son parcours de formation. A ce sujet, CSE (2002) abonde dans ce sens en indiquant que la réussite à école :

« […] c’est un défi et un enjeu majeur pour l’école. Certes, chacun est responsable de son destin propre. Mais la réussite, c’est aussi le résultat de l’interaction des élèves et des éducateurs au sein de chaque établissement, réunis autour d’un but précis : “réussir un parcours scolaire” (Loi sur l’instruction publique (LIP), art. 36). Ce défi commun, l’école québécoise ne l’a pas encore relevé pleinement. Et l’enjeu, ici encore, est important. La Déclaration universelle des droits de l’homme et la Charte des droits et libertés de la personne du Québec le proclament solennellement : l’éducation est un droit de la personne. S’agissant d’un droit social, c’est l’école qui, au nom de la société, en est, pour ainsi dire, la débitrice. Certes, l’effort en vue de la réussite est la responsabilité partagée de l’élève et de l’école, mais force est de constater que, pour sa part, l’école n’arrive pas à répondre pleinement à sa mission. L’insuccès de l’élève est aussi son insuccès. L’enjeu ici, c’est la crédibilité même de l’école et, à terme, la confiance que les parents et les citoyens lui témoignent. » (Ibid, p. 1).

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En conclusion, dans le cadre de cette recherche, le concept de réussite comprend une étape de socialisation scolaire, permettant l’atteinte de la compétence nécessaire à progresser vers d’autres apprentissages, pour l’insertion sociale et l’emploi, combinée à l’exigence de résultats, c’est-à- dire à l’atteinte d’une qualification scolaire au terme du parcours de l’élève au sein de l’école. En termes d’appellation, nous utiliserons le terme réussite au sein de l’école (RSE), l’école désignant ici l’institution sociale qui dans sa mission vise à « instruire, qualifier et socialiser » et qui s’applique autant à l’école primaire, à l’école secondaire et qu’à un centre de formation d’éducation des adultes (CÉA).