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La délégation d’une résolution en aval du contentieux institutionnel Les organes étatiques tiennent leurs compétences de la Constitution et doivent les

B. LA RESOLUTION PREVENTIVE DU CONTENTIEUX LIE A L’APPLICATION DU DROIT D’ORIGINE EXTERNE

2. La délégation d’une résolution en aval du contentieux institutionnel Les organes étatiques tiennent leurs compétences de la Constitution et doivent les

exercer dans le strict respect des mécanismes qu’elle établit. Pour autant, l’application interne

166 Cf. art. 94 de la Constitution.

167 Pour le Conseil d’Etat métropolitain, « la suprématie conférée (par l’article 55 de la Constitution) aux engagements internationaux ne s’applique pas, dans l’ordre interne, aux dispositions de nature constitutionnelle». Cf. C.E, Ass., 30 octobre 1998, Sarran, Levacher et autres, R.F.D.A., 1998, p.1081). V.

également dans le même sens, C.E, 3 juillet 1996, M. Koné, n° 169219 et C.E, 3 décembre 2001, Syndicat national des industries pharmaceutiques, n° 226514.

168Pour une présentation complète des différents points de vue en droit comparé, voyons ONDOUA (A.), Etude des rapports entre le droit communautaire et la Constitution en France. L’ordre juridique constitutionnel comme guide au renforcement de l’intégration européenne, Paris, L’Harmattan, coll. « Logiques juridiques », 2001, 480p. (Spécialement pp.144-153.).

169LENOIRE (N.), «Les rapports entre le droit constitutionnel français et le droit international à travers le filtre de l’article 54 de la Constitution de 1958», in DUPUY (P.-M.) (dir.),Droit international et droit interne dans la jurisprudence comparée du Conseil constitutionnel et du Conseil d’Etat, Paris, Editions Panthéon-Assas/LGDJ, 2001, p.16.

170 SUDRE (F.), Droit européen et international des droits de l’homme, op.cit., p.191.

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des normes d’origine externe laisse entrevoir un conflit potentiel de compétences que le constituant Centrafricain délègue au juge.

En droit administratif, cette éventualité qui fut d’ailleurs résolue était longuement axée autour de l’autorité ayant compétence pour interpréter une convention internationale lors de son application. Cependant, l’inobservation de la répartition constitutionnelle des compétences en matière conventionnelle est susceptible d’engendre un conflit institutionnel lors de l’application interne du traité qui en résulte. Il en est ainsi de l’hypothèse relative aux

«ratifications imparfaites»171. Les autorités étatiques peuvent-elles refuser de donner plein effet à la norme conventionnelle sous prétexte que sa ratification ne s’est pas opérée en conformité avec les prescriptions constitutionnelles ? Avant d’essayer d’y répondre, il parait utile de relever quelques hypothèses de non-conformité. Elles mettent davantage en cause l’autorité présidentielle.

La première situation peut apparaitre si le Président de la République ratifie un traité qui nécessite une habilitation législative l’assentiment du Parlement tel que exigé par le constituant Centrafricain172. La deuxième hypothèse pourra survenir si le Président de la République ratifie un traité obligatoirement subordonné à l’approbation du peuple par voie référendaire173 sans qu’il soit consulté. La dernière quant à elle, déjà mentionnée, renvoie à l’hypothèse où le Président de la République procède à la ratification d’un traité dont certaines de ses dispositions ont été déclarées substantiellement contraires à la Constitution par la Cour constitutionnelle. A l’occasion d’un cas litigieux à lui soumis le juge interne pourra-t-il anéantir les effets du traité résultant de l’une de ces situations ? La question mérite d’attirer l’attention du juriste bien que la doctrine soutienne souvent qu’un tel traité bénéficie d’une « immunité contentieuse »174 et échapperait dès lors à la compétence du juge interne pour tant entaché selon toute vraisemblance d’un vice d’inconstitutionnalité175.

Le juge interne, au regard de la Constitution, aurait néanmoins le devoir de restaurer l’autorité de la norme constitutionnelle en déclarant l’inconstitutionnalité du traité en cause.

C’est du moins la position adopté par le Conseil d’Etat métropolitain lorsqu’il déclarer «qu’il

171L’expression est empruntée à CAHIER (P.), « La violation du droit interne relatif à la compétence pour conclure des traités », R.D.I, pp.226-246.

172Art. 91 al.2 de la Constitution.

173Art. 91 al.3 de la Constitution.

174Cf., Conclusions du Commissaire du gouvernement MAUGUE (C.) dans l’affaire Sarran Levacher et autres, CE, Ass, 30 octobre 1998.

175SCELLE (G.), «De la prétendue inconstitutionnalité interne des traités», R.D.P., 1952, pp.1052 et s.

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appartient au juge administratif de se prononcer sur le bien-fondé d’un moyen soulevé devant lui tiré de la méconnaissance par l’acte de publication d’un traité ou accord des dispositions de l’article 53 de la Constitution»176. Au-delà bien entendu de la sanction de la régularité de l’acte de publication, la sanction de ratification imparfaite pourra être effectuée par le juge Centrafricain si l’on procède à une lecture attentive de la Constitution de 2016.

D’abord, l’article 95 donne compétence à la Cour constitutionnelle pour connaitre des conflits de compétences entre organes constitutionnels, l’Exécutif et le Parlement étant visés ici. En cela, le constituant de 2016 positionne ladite juridiction comme étant le gardien de la compétence parlementaire en matière conventionnelle. Sauf que le contrôle de constitutionalité ici envisagé se fera a priori, c'est-à-dire avant la ratification et non après.

Cependant, et c’est le deuxième élément, l’extension souhaitable de l’exception d’inconstitutionnalité aux actes réglementaires permettrait à coup sûr de résoudre totalement le problème. En effet, l’article 98 de la nouvelle Constitution restreint le champ matériel d’invocation de l’exception d’inconstitutionnalité. Seule la loi se trouve être visée.

En tout état de cause, en poussant la réflexion, dès lors que la ratification s’opère à travers les lettres de ratification au plan externe et le décret de ratification au plan interne qui vaut d’ailleurs «promulgation»177 de la convention en cause, l’appréciation de la légalité de ce dernier acte juridique qui reçoit généralement l’étiquette d’acte de gouvernement permettrait de préserver l’Etat de droit178 sinon de construire la « démocratie constitutionnelle »179, envisagée à juste titre comme étant le levier du constitutionnalisme en Afrique noire francophone180, consécutivement à l’échec de la démocratie électorale.

176C.E. Ass., 18 décembre 1998, SARL du parc d’activités de Blotzheim et SCI Haselaecker, R.F.D.A., p.315, concl. G. BACHELIER. Dans la même foulée, il dénie toute valeur juridique aux traités non encore ratifiés.

C’est ainsi qu’il a récemment jugé que la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, faute d’avoir été ratifiée, n’avait pas été introduite dans l’ordre juridique interne et n’était de ce fait pas invocable. Cf., C.E. 23 février 2005, Association Coordination nationale Natura 2000, n°243326.

177 C’est du moins ce que semble dire le constituant camerounais de 1996 lorsqu’il envisage la promulgation des lois et des traités. Il affirme en effet qu’ « Avant leur promulgation, les lois ainsi que les traités et accords internationaux peuvent être déférés au Conseil Constitutionnel (…). La saisine du Conseil Constitutionnel suspend les délais de promulgation ». Cf., Art. 47 (3).

178V. BURDEAU (G.), « Les engagements internationaux de la France et les exigences de l’Etat de droit », AFDI, 1986, pp.877-886.

179ROUSSEAU (D.), Droit du contentieux constitutionnel, Paris, LGDJ, 10e éd, 2013.

180MANANGOU (V. R.), « Contre-pouvoirs, tiers pouvoirs et démocratie en Afrique », in Constitution, pouvoirs et contre-pouvoirs, AFDC, Congrès de Lyon, 26, 27 et 28 juin, 2014.