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Chapitre V Hygiénisation des SPAN par CEP en continu couplé avec un chauffage

V.5 Dégradation des électrodes

Il est intéressant de noter qu’un problème pratique a été relevé lors des traitements

électriques : la corrosion des électrodes dans les chambres de traitement.

Comme le montre la Figure V-7, après les expériences, la cathode (connectée à la phase

du générateur) a été sévèrement attaquée par le courant électrique. Une zone de forte densité de

courant a provoqué une fuite d’atomes métalliques issus de l'électrode en acier inoxydable à

cause des réactions électrochimiques.

Figure V-7 Photos des cathodes A) neuve et B) après service.

La Figure V-8 montre une couche d’éléments métalliques déposée à la surface de

l'anode (reliée à la masse du générateur). Ce dépôt est plus concentré près des jonctions isolantes

électrode/fluide.

Figure V-8 Photos des anodes A) neuve et B) après service.

Morren et al. (2003) [293] ont donné comme explication concernant cette dégradation

des électrodes par la présence de réactions électrochimiques qui se produisent dans la couche

limite entre la surface de l’électrode et la suspension liquide à traiter par CEP. Lorsqu'une

électrode est placée dans un électrolyte (suspension SPAN dans notre cas), une double couche

de charge se développe immédiatement, même si aucune tension externe n'est appliquée à

l'électrode. Des réactions électrochimiques se produisent immédiatement et des électrons sont

transférés entre l'électrode et l'électrolyte. Cela se traduit par la formation d'un champ électrique

entre l'électrode et la couche d'ions qui peut provoquer d'autres réactions chimiques [293].

Lorsqu'aucune tension n'est appliquée, les deux réactions en compétition atteignent un

équilibre pour lequel les charges échangées sont égales. Les courants traversent l'interface dans

les deux sens, ce qui donne un courant net nul. Lorsque la tension appliquée est inférieure à une

certaine tension seuil, quasiment aucune réaction électrochimique ne se produit, à l'exception

de certaines réactions de bas niveau dues aux courants d'échange. Lorsque la différence de

potentiel appliquée à la cellule dépasse la tension seuil, deux demi-réactions électrochimiques

indépendantes se produisent au niveau des deux électrodes comme montre le Tableau V-2

[189,294–296].

Lorsqu'une tension est appliquée et que la tension seuil à laquelle les réactions démarrent

n'est pas encore atteinte, le modèle prend la forme de la Figure V-9 a et seul un courant de

charge non faradique circule dans le condensateur Cdl. Lorsque la tension seuil est atteinte, un

courant faradique se produit par la résistance R

f dans la branche parallèle à

Cdl et les schémas

de la Figure V-9 b ou de la Figure V-9 c sont retenus, en fonction de la fréquence et de la

tension appliquée.

Tableau V-2 Demi-réactions de réduction avec leurs potentiels standard par rapport à

l’électrode standard à hydrogène. Tableau extrait de Roodenburg et al., 2005 [189] avec

autorisation de reproduction d’Elsevier , Copyright (2019).

Eréd0 (V) Réactif Produit N° de réaction

1,36 Cl2(g) + 2 e- ↔ 2 Cl -(aq) 1 1,23 O2(g) + 4 H+(aq) + 4 e- ↔ 2 H2O(l) 2 0,77 Fe3+(aq) + e- ↔ Fe2+(aq) 3 0 2 H+(aq) + 2 e- ↔ H2(g) 4 – 0,04 Fe3+(aq) + 3 e- ↔ Fe(s) 5 – 0,28 Ni2+ (aq) + 2 e- ↔ Ni(s) 6 – 0,41 Cr3+(aq) + e- ↔ Cr2+(aq) 7 – 0,44 Fe2+ (aq) + 2 e- ↔ Fe(s) 8 – 0,74 Cr3+(aq) + 3 e- ↔ Cr(s) 9 – 0,83 2 H2O(l) + 2 e- ↔ H2(g) + 2 OH -(aq) 10 – 0,91 Cr2+(aq) + 2 e- ↔ Cr(s) 11 – 2,71 Na+(aq) + e- ↔ Na(s) 12

Les réactions dont le N° est grand oxydent plus facilement (¬). Les réactions dont le N° est petit réduisent plus facilement (®).

Aux basses tensions et fréquences, le transfert de masse est l’étape limitante dans les

réactions et la limitation par la diffusion massique devient importante [296]. Le modèle

équivalent est alors celui du schéma de la Figure V-9 c, où le symbole W représente la limitation

de la diffusion de matière. Lorsque la fréquence ou la tension augmente et que la limitation de

la diffusion n’est plus limitée, le modèle équivalent est celui de la Figure V-9 b. Le courant qui

traverse R

f

est alors dénommé faradique car il représente les réactions électrochimiques.

Lorsque la fréquence augmente encore, la tension seuil n’est plus atteinte car le temps pour

charger le condensateur à double couche Cdl est trop court. Le circuit équivalent prend alors la

forme de la Figure V-9 a et seul le courant non faradique circule [189,293].

Ces études permettent de conclure que la durée des impulsions appliquées doit être

inférieure à une valeur maximale calculée à partir des équations données afin d’empêcher la

dégradation des électrodes. Une certaine quantité de charge est nécessaire pour atteindre la

tension seuil. Par conséquent, après chaque impulsion, la charge accumulée dans la double

couche (Cdl) doit être évacuée avant l'application d'une impulsion suivante, sinon la charge

dans la double couche augmentera de manière cumulative. La décharge automatique peut être

réalisée en appliquant des impulsions sinusoïdales ou bipolaires. Si l'on applique des impulsions

unipolaires et que le temps entre deux impulsions est suffisamment long, la capacité de la

double couche sera (partiellement) déchargée à la résistance de la solution R

s.

Figure V-9 Circuits électriques équivalents pour une interface électrode-électrolyte d'une

cellule électrochimique pour (a) aucune réaction ; (b) réactions et limitation par le transfert de

charge ; (c) réactions et limitation par la diffusion de masse. Figure extraite de Morren et al.,

2005 [293] avec autorisation de reproduction d’Elsevier , Copyright (2019).

Dans notre cas, le générateur de haute tension délivre des impulsions monopolaires qui,

selon les remarques précédentes, vont inévitablement provoquer l’accumulation de charges

dans la double couche et donner ainsi naissance aux réactions électrochimiques qui dégradent

les électrodes. La solution est de baisser la tension appliquée, diminuer la fréquence de

répétition et d’utiliser des impulsions bipolaires. Notre générateur d'impulsions ne peut générer

que des impulsions monopolaires et des tensions importantes sont nécessaires pour garantir

l’efficacité d’inactivation bactérienne. En conséquence, il est difficile de trouver un compromis

de configuration du générateur de CEP pour assurer à la fois les performances d’hygiénisation

et la minimisation de la corrosion des électrodes. D’autre part, la température joue un rôle non

négligeable lors de la corrosion. Ainsi, les températures élevées conduisent à des réactions

électrochimiques plus importantes.

Comme évoqué dans la section précédente du chapitre, le traitement CEP fourni en

mode capacitif constituerait une bonne alternative pour satisfaire les contraintes mentionnées.

Le contact indirect des électrodes métalliques avec la suspension d'électrolyte pourrait réduire

les fuites des ions métalliques provenant des électrodes. Cet aspect reste à approfondir pour une

meilleure compréhension des phénomènes et l'optimisation du procédé.

V.6 Conclusions

Le traitement continu par CEP à E > 25 kV·cm

-1

, pour une durée effective de traitement

(t

CEP) de 1 ms, combiné à un chauffage ohmique, peut réduire la population d’

Ent. faecalis et

d’E. coli de 5,0 log10 lorsqu’elles sont inoculées dans une suspension de sous-produits animaux.

Une telle efficacité est conforme à la réglementation de l'UE pour valider un traitement

bactéricide alternatif qui remplace la pasteurisation thermique à 70 °C pendant 60 min

(hygiénisation).

L'effet combiné des CEP et du chauffage ohmique permet de diminuer de manière

significative les valeurs 5-D estimées par le modèle de Weibull (0,8 ms) par rapport aux travaux

antérieurs sur le traitement CEP sans chauffage ohmique. Que ce dernier soit réalisé en batch

(30 ms) comme dans le Chapitre IV ou bien en continu (21,8 ms), comme dans ce chapitre.

L'analyse de l'apport énergétique relève que 25 kV·cm

-1

serait l’intensité du champ électrique

optimale pour l'hygiénisation du mélange de sous-produits animaux étudié.

La corrosion des électrodes en acier inoxydable dans les chambres de traitement a été

observée lors des manipulations. Ce phénomène s’explique par la présence de réactions

électrochimiques au niveau de l’interface électrodes/suspension, ce qui est lié de manière

significative au paramétrage du traitement CEP (intensité du champ électrique, fréquence de

répétition, largeur d’impulsion, forme mono-polaire ou bipolaire des impulsions délivrées).

Les perspectives d’études devraient porter sur l'amélioration du traitement CEP par

l'optimisation de la chambre de traitement à l'aide de la modélisation numérique, la fourniture

d’impulsions en mode capacitif et l'utilisation de la chaleur fatale générée par les installations

de méthanisation dans le système de traitement.

Chapitre VI Étude préliminaire de la modélisation numérique du