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X) Réactions d'hydroamination catalysées par l'or

1) Les défis de ces réactions

Si de nombreux travaux ont montré l'intérêt de l'or en catalyse de la réaction d'hydroamination,131 l'utilisation de ce métal sur la version asymétrique de cette transformation concerne un nombre de publications plus restreint.44 Les conditions réactionnelles employées sont souvent défavorables et nécessitent en général d'utiliser une température élevée, un travail sous atmosphère inerte ou encore un temps de réaction important. De plus, dans la majorité des cas, l'activation du complexe d'or suit le concept de Dewar-Chatt-Duncanson et forme par déshalogénation l'espèce active Au cationique (cf. figure 73, A),17 ce qui induit une contrainte de synthèse supplémentaire.

Figure 73 : A. activation d'un complexe d'AuCl neutre par un sel d'argent B. les contraintes liées à l'or en catalyse de la réaction d'hydroamination

Les complexes d'or, et d'Au(I) plus particulièrement, représentent un défi en catalyse asymétrique du fait de leur géométrie de coordination. Tout d'abord, il a été observé que les complexes d'Au(I) tendent le plus souvent vers une géométrie de coordination linéaire.132a Bien que des complexes d'or tri- ou tétracoordinés existent, de tels exemples sont plus rares.132 Cette géométrie linéaire a pour effet de placer le ligand chiral et le substrat coordiné (ici, un alcène) en position trans et limite de cette façon l'induction asymétrique (cf. figure 73, B). En outre, l'attaque nucléophile a lieu en dehors de la sphère de coordination du métal (cf. figure 73, B), ce qui éloigne encore le substrat du ligand chiral. Précisons

131 Revues sur le sujet : a) R. A. Widenhoefer, X. Han, Eur. J. Org. Chem., 2006, 4555-4563 ; b) A. S. K. Hashmi, Chem. Rev., 2007, 107, 3180-3211 ; c) R. A. Widenhoefer, Chem. Eur. J., 2008, 14, 5382-5391 ; d) D. J. Gorin, B.

D. Sherry, F. D. Toste, Chem. Rev., 2008, 108, 3351-3378 ; e) A. Corma, A. Leyva-Pérez, M. J. Sabater, Chem.

Rev., 2011, 111, 1657-1712 ; f) M. Rudolph, A. S. K. Hashmi, Chem. Commun., 2011, 47, 6536-6544. 132

a) M. A. Carvajal, J. J. Novoa, S. Alvarez, J. Am. Chem. Soc., 2004, 126, 1465-1477 ; b) H. Ito, T. Saito, T. Miyahara, C. Zhong, M. Sawamura, Organometallics, 2009, 28, 4829-4840 ; c) H. Ito, K. Takagi, T. Miyahara, M. Sawamura, Org. Lett., 2005, 7, 3001-3004 ; d) C. Khin, A. S. K. Hashmi, F. Rominger, Eur. J. Inorg. Chem., 2010, 1063-1069.

cependant que d'après des observations variées le mécanisme de réaction dépend de la nature et de la force du nucléophile.133 Un travail récent relativise néanmoins cette affirmation en montrant que des complexes Au–amidure testés sur une réaction d'amination d'alcynes ne sont pas réactifs.134a Cela indique ainsi que certains nucléophiles forts ne réagissent pas à l'intérieur de la sphère de coordination du métal. Enfin, le groupe de Hashmi a récemment démontré que les liaisons C–C insaturées ne pouvaient s'insérer dans les liaisons Au–C.134b

En ce qui concerne le mécanisme de la réaction d'hydroamination catalysée par l'or, des calculs intéressants ont été publiés par le groupe de Ujaque sur le cas des 1,3-diènes.135 Un mécanisme est proposé où l'intervention d'un agent de transfert de proton (le contre-ion ou le nucléophile) est nécessaire à l'abaissement de la barrière énergétique de l'étape de transfert du proton (cf. figure 74).

Figure 74 : mécanisme de la réaction d'hydroamination d'un 1,3-diène catalysée par l'or - G. Ujaque et al.135a

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Voir par exemple : a) R. Kinjo, B. Donnadieu, G. Bertrand, Angew. Chem., Int. Ed., 2011, 50, 5560-5563 ; b) Z. Zhang, C. Liu, R. E. Kinder, X. Han, H. Qian, R. A. Widenhoefer, J. Am. Chem. Soc., 2006, 128, 9066-9073 ; c) Z. Li, J. Zhang, C. Brouwer, C.-G. Yang, N. W. Reich, C. He, Org. Lett., 2006, 8, 4175-4178 ; d) W.-J. Shi, Y. Liu, P. Butti, A. Togni, Adv. Syn. Catal., 2007, 349, 1619-1623 ; e) M. W. Johnson, S. L. Shevick, F. D. Toste, R. G. Bergman,

Chem. Sci., 2013, 4, 1023-1027.

134 a) M. W. Johnson, S. L. Shevick, F. D. Toste, R. G. Bergman, Chem. Sci., 2013, 4, 1023-1027 ; b) G. Klatt, R. Xu,

M. Pernpointner, L. Molinari, T. Q. Hung, F. Rominger, A. S. K. Hashmi, H. Köppel, Chem. Eur. J., 2013, 19, 3954- 3961.

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a) G. Kovacs, G. Ujaque, A. Lledos, J. Am. Chem. Soc., 2008, 130, 853-864 ; b) G. Kovacs, A. Lledos, G. Ujaque,

Ce mécanisme présente une réaction fonctionnant étape par étape, différant ainsi d'une réaction catalysée par un acide qui fonctionne de façon concertée. La réaction débute par coordination de l'oléfine au centre métallique (i), puis par attaque nucléophile de l'amine (ii). L'étape de tautomérie assistée ici par l'anion OTf intervient alors (iii), facilitant le transfert de proton (iv). L'étape (v) est facultative, car une nouvelle molécule de 1,3-diène peut directement substituer le produit de réaction pour le libérer et reformer le complexe coordiné au 1,3-diène (produit de l'étape (i)).

En 2010, en réalisant des calculs couplés à des expériences, le groupe de Toste a découvert que l'étape d'aminoauration de la liaison C–C insaturée d'un alcène intervenait suivant une addition anti.136a En revanche, les complexes issus de cette réaction d'aminoauration ne permettaient pas d'obtenir le produit d'hydroamination lorsqu'ils étaient exposés à un acide (à l'exception d'un unique complexe, exposé de façon prolongée). Suivant ce protocole, le substrat aminoalcène initial était récupéré. D'après les auteurs, ce phénomène serait dû à la présence de la forte barrière énergétique calculée pour l'étape de protodéauration. Ce travail n'est pas le seul à évoquer la réversibilité de la formation de la liaison C–Nu qui peut avoir une influence importante sur la stéréosélectivité des réactions d'hydrofonctionnalisation des alcènes et donc d'hydroamination.136 Enfin, notons qu'il a déjà été montré en hydroamination intermoléculaire des allènes que la concentration en nucléophile pouvait avoir une influence critique sur l'énantiosélectivité.137 Ce constat n'a pas encore été fait dans le cas des alcènes.

Pour faire face à ces nombreux défis imposés par les propriétés chimiques de l'or, trois stratégies différentes ont été proposées afin de favoriser réactivité et énantiosélectivité de la réaction d'hydroamination. La première de ces stratégies vise à utiliser conjointement à un complexe d'or cationique un anion chiral (cf. figure 75, A).138 La présence de ce contre-ion augmenterait ainsi l'encombrement stérique ainsi que le rapprochement de l'information chirale autour du centre métallique et favoriserait l'induction asymétrique. Si cette stratégie

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a) R. L. Lalonde, W. E. Brenzovich, Jr., D. Benitez, E. Tkatchouk, K. Kelley, W. A. Goddard, III, F. D. Toste,

Chem. Sci., 2010, 1, 226-233 ; b) K. E. Roth, S. A. Blum, Organometallics, 2010, 29, 1712-1716 ; c) T. J. Brown, D.

Weber, M. R. Gagné, R. A. Widenhoefer, J. Am. Chem. Soc., 2012, 134, 9134-9137 ; d) Y. Shi, K. E. Roth, S. D. Ramgren, S. A. Blum, J. Am. Chem. Soc., 2009, 131, 18022-18023.

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Z. J. Wang, D. Benitez, E. Tkatchouk, W. A. Goddard III, F. D. Toste, J. Am. Chem. Soc., 2010, 132, 13064- 13071.

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a) R. L. Lalonde, B. D. Sherry, E. J. Kang, F. D. Toste, J. Am. Chem. Soc., 2007, 129, 2452-2453 ; b) B. N. Nguyen, L. A. Adrio, E. M. Barreiro, J. B. Brazier, P. Haycock, K. K. Hii, M. Nachtegaal, M. A. Newton, J. Szlachetko, Organometallics, 2012, 31, 2395-2402 ; c) G. L. Hamilton, E. J. Kang, M. Mba, F. D. Toste, Science,

n'a jusqu'à présent pas été couronnée de succès pour les alcènes,139 des résultats significatifs ont pu être obtenus avec des substrats allènes.138

Figure 75 : stratégies d'optimisation du catalyseur d'or en hydroamination A. utilisation d'un contre-ion spécifique

B. utilisation d'un complexe d'or binucléaire C. utilisation d'un complexe d'or mononucléaire

La seconde stratégie consiste à avoir recours à un complexe binucléaire d'Au(I) (cf. figure 75, B). Cette approche bénéficie de l'existence d'un grand nombre de ligands permettant la synthèse de tels complexes et elle a déjà montré sa polyvalence sur des réactions d'hydroamination asymétrique inter- et intramoléculaires avec des allènes et des alcènes.131c,140,141 Notons qu'un phénomène de racémisation a été observé sur une réaction d'hydroamination intermoléculaire des allènes catalysée par un tel complexe binucléaire d'Au(I).140b Quoi qu'il en soit, très peu de travaux s'intéressent au rôle du second atome d'or ainsi qu'aux possibles interactions entre les deux centres métalliques et leur influence sur la réaction. Une publication de Kojima et Mikami présentant des résultats intéressants sur ce sujet sera détaillée ultérieurement.139

Une dernière stratégie envisagée pour réaliser l'hydroamination asymétrique par des complexes d'or consiste à faire usage de complexes mononucléaires d'Au(I) à base de ligands phosphines ou aminocarbènes (NHC) (cf. figure 75, C). Bien que cette méthode ait fait ses preuves sur diverses réactions asymétriques (cyclisation et alkoxycyclisation d'énynes,

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M. Kojima, K. Mikami, Synlett, 2012, 23, 57-61.

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a) D. J. Gorin, B. D. Sherry, F. D. Toste, Chem. Rev., 2008, 108, 3351-3378 ; b) K. L. Butler, M. Tragni, R. A. Widenhoefer, Angew. Chem., Int. Ed., 2012, 51, 5175-5178.

cycloadditions d'allènediènes, désymétrisation, etc.),142 son application à la réaction d'hydroamination reste récente et prometteuse.143

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