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Chapitre 2. La réaction de couplage de Glaser-Hay

2.2 Défis de synthèse des 1,3-diynes asymétriques

Le couplage de Glaser-Hay est probablement la méthode synthétique la plus pratique et directe pour la formation de 1,3-diynes symétriques. En revanche, la synthèse de 1,3-diynes asymétriques représente un défi de taille. Il a été observé que le pKa des protons alcyniques a un effet important sur la vitesse de la réaction de couplage de Glaser-Hay5. Ainsi, si les

partenaires de couplage ne sont pas assez similaires, un mélange statistique est obtenu et l’utilisation d’un excès du partenaire le moins réactif est souvent nécessaire afin de forcer la formation du produit d’hétérocouplage.

Pour relever ce défi synthétique, plusieurs méthodes visant à favoriser l’hétérocouplage sélectif pour la formation de 1,3-diynes asymétriques ont été développées18. Une première

stratégie révolutionnaire a été rapportée en 1955 et est connu sous le nom de couplage de Cadiot-Chodkiewicz19. Il s’agit du couplage entre un halogénoalcyne 2.8 et un alcyne terminal

2.9 dans un milieu réducteur de cuivre (I) pour former le diyne 2.10 (Schéma 2.2). L’ajout

d’hydroxylamine permet de maintenir un milieu réducteur, empêchant la source de cuivre d’atteindre un état d’oxydation de +2. De plus, la réaction doit se dérouler sous une atmosphère anaérobique, sans quoi la réaction de Glaser pourrait se produire et former le produit d’homocouplage de l’alcyne terminal.

Schéma 2.2 Couplage de Cadiot-Chodkiewicz

Le principal désavantage du couplage de Cadiot-Chodkiewicz est la nécessité de préfonctionnaliser un des deux partenaires de couplage (formation de l’halogénoalcyne). En général, la transformation de l’alcyne terminal en halogénoalcyne se fait assez facilement en utilisant du NBS et du nitrate d’argent20. Toutefois, la stabilité de certains halogénoalcynes

peut poser un problème lors d’une synthèse multi-étape. Il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’une méthode qui a été très utilisée dans la synthèse de produits naturels et autres poly-ynes d’intérêt21.

Dans les dernières années, plusieurs travaux ont été publiés sur la formation de motifs 1,3-diynes asymétriques par le couplage d’alcynes. En 2008, Lei et ses collègues ont développé une variante du couplage de Cadiot-Chodkiewicz par l’addition d’un co-catalyseur de palladium (0) et d’un ligand bidenté phosphinoalcène (2.11)22. En utilisant ce nouveau

système catalytique, le diyne 2.10 a pu être obtenu dans un rendement isolé de 82 % et une sélectivité de 92 % par rapport à la formation des produits d’homocouplage (Schéma 2.3A). Cependant, cette méthode utilisait encore un halogénoalcyne comme substrat. L’année suivante, le groupe de Lei a donc développé un autre système catalytique qui permettait la formation sélective de 1,3-diynes asymétriques à partir d’alcynes terminaux (Schéma 2.3B)23.

Cette fois-ci, c’est un co-catalyseur de nickel (II) qui a été utilisé, permettant la formation du diyne 2.10 dans des conditions aérobiques douces. Toutefois, l’utilisation d’un excès du partenaire le plus réactif était nécessaire afin de maintenir une sélectivité satisfaisante.

Schéma 2.3 Travaux de Lei sur le développement d’hétérocouplages co- catalysés par un

complexe de palladium (A) et de nickel (B)

En 2014, d’autres méthodes impliquant un catalyseur de cuivre sont apparues dans la littérature. D’abord, Ranu et ses collègues ont développé des nanoparticules composées de cuivre et de fer (CuFe2O4) permettant le couplage entre des halogénoalcynes et des esters

boroniques alcyniques afin de former une série de diynes asymétriques24. Les auteurs ont

démontré une recyclabilité (jusqu’à 10 cycles) des nanoparticules, mais la méthode est limitée aux dérivés d’esters boroniques aryles.

Ensuite, le groupe de Young a opté pour une stratégie différente, soit l’immobilisation d’un des substrats sur un support solide. En utilisant des conditions traditionnelles de Glaser- Hay, les auteurs ont pu synthétiser une vaste librairie d’alcools et d’amines propargyliques à partir d’alcynes terminaux avec de bons rendements25. Cependant, cette technique comprend

des désavantages évidents comme des étapes réactionnelles supplémentaires pour charger et cliver le substrat du support solide ainsi que l’utilisation d’un large excès du substrat secondaire (10 équiv.).

Enfin en 2016, Yin a découvert de nouvelles conditions sélectives pour la formation de 1,3-diynes asymétriques26. Il a observé qu’en chauffant une source de cuivre métallique en

présence de TMEDA dans un mélange de chloroforme et de 1,4-dioxane, un précipité jaune se formait, correspondant au complexe de cuivre 2.12. La particularité de ce complexe est qu’il permet une bonne sélectivité pour la formation de diynes asymétriques à partir d’alcynes terminaux électroniquement très différents. Par exemple, lorsque le dérivé d’acide benzoïque

2.13 est soumis dans les conditions réactionnelles avec du phénylacétylène (2.2), 85 % du

diyne 2.14 est formé selon une sélectivité de 6 : 1 par rapport aux produits d’homocouplage (Schéma 2.4). Les détails mécanistiques ne sont pas élucidés, mais les auteurs ont postulé que l’efficacité du catalyseur en faveur de l’hétérocouplage provient d’une saturation électronique causée par les atomes de chlore, empêchant la coordination aux alcynes pauvres en électrons tout en favorisant l’échange de ligands avec ceux riches en électrons.

Schéma 2.4 Formation sélective de 1,3-diynes asymétriques catalysée par un complexe de

cuivre

L’usage de catalyseurs de cuivre pour la formation de diynes asymétriques n’est pas exclusif. En 2014, Shi et ses collègues ont montré que l’or peut aussi servir de catalyseur

sélectif pour l’hétérocouplage d’alcynes terminaux27. En utilisant le dimère d’or dppm(AuBr) 2

comme catalyseur et une quantité stœchiométrique d’oxydant (PhI(OAc)2), un mélange 1.3 : 1

des alcynes 2.15 et 2.9 a pu être couplé pour former le diyne 2.16 avec 93 % de rendement (Schéma 2.5A). Plus récemment, Patil a aussi utilisé un catalyseur d’or (PPh3AuCl) pour

coupler des alcynes terminaux avec des réactifs de type éthynylbenziodoxolone (EBX)28. Dans

ces conditions, le diyne 2.17 a pu être obtenu sélectivement à partir de l’alcyne terminal 2.15 et du réactif 2.18 (Schéma 2.5B). Ingénieusement, aucun oxydant externe n’est nécessaire puisque le réactif EBX sert à la fois de substrat activé et d’oxydant. Toutefois, ce double rôle limite grandement l’étendue de la réaction (efficacité acceptable seulement pour les dérivés d’EBX silylés).

Schéma 2.5 Formation sélective de 1,3-diynes asymétriques catalysée à l’or par Shi (A) et

Patil (B)

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