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III. Trouble d’apprentissage de l’orthographe : la dysorthographie

1. Définitions

1.1. Un trouble des apprentissages

La dysorthographie s’inscrit dans l’ensemble plus vaste des troubles des apprentissages. Rutter (cité par l’INSERM1) propose en 1989 une définition de ces derniers dans laquelle on retrouve les principaux critères utilisés pour les caractériser : « Les troubles développementaux des apprentissages sont un ensemble de difficultés des

apprentissages qui ne peuvent être attribuées ni à un retard intellectuel, ni à un handicap physique, ni à des conditions adverses de l’environnement. Ces difficultés sont inattendues compte-tenu des autres aspects du développement, elles apparaissent très tôt dans la vie et interfèrent avec le développement normal. Elles persistent jusqu’à l’âge adulte. »

Il s’agit donc d’abord de troubles développementaux dans la mesure où le processus d’acquisition est désorganisé dès les premières étapes du développement selon la

Classification Internationale des Maladies2 proposée par l’Organisation Mondiale de la Santé. Il ne s’agit alors pas d’un simple retard dans les acquisitions. Le Manuel

diagnostique et statistique des troubles mentaux émanant de l’Association Américaine de

Psychiatrie précise par ailleurs dans sa cinquième version (DSM-5)3 que l’âge auquel se manifestent les troubles peut être variable (le plus souvent à l’école primaire mais ne peuvent se manifester pleinement qu’à l’adolescence).

La définition proposée par Rutter met également l’accent sur le caractère persistant des troubles, qui doivent exister depuis au moins six mois selon le DSM-5, en dépit d’une prise en charge individualisée et d’une adaptation pédagogique ciblée. Ce dernier point met en évidence un autre critère récemment apparu, qui est celui de la sensibilité aux interventions, c’est-à-dire « à des dispositifs mis en place dans le milieu scolaire, basés

sur des recherches scientifiques, adaptés aux caractéristiques du sujet en terme de modalité et d’intensité et dont l’implémentation et l’efficacité sont régulièrement

1

INSERM. Dyslexie, dysorthographie, dyscalculie : bilan des données scientifiques. p. 160

2 ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTE. Classification Internationale des Maladies, dixième révision CIM-10

3 AMERICAN PSYCHIATRIC ASSOCIATION. Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, cinquième revision, DSM-5

évaluées. Les sujets ne répondant pas à ces mesures sont alors considérés comme ayant un trouble des apprentissages et nécessitent des interventions spécialisées »1.

On retrouve par ailleurs le critère de « discordance » entre des résultats effectifs du sujet dans un domaine scolaire spécifique et ses capacités générales, principalement ses capacités intellectuelles. Ainsi selon la CIM-10, le QI doit être supérieur ou égal à 70 pour pouvoir parler de trouble spécifique des apprentissages. Cependant, plusieurs critiques ont été formulées quant à la validité de ce critère2, ce qui a poussé le DSM-5 à supprimer la notion de discordance avec les capacités intellectuelles défendue dans ses versions précédentes. Cependant, le niveau atteint doit être en dessous du niveau attendu compte-tenu de l’âge.

On relève d’autre part dans cette définition le critère d’exclusion fréquemment cité dans les troubles des apprentissages. Les troubles ne doivent en effet pas avoir comme cause primaire un retard global, un handicap sensoriel (audition, vision), des conditions environnementales défavorables (pédagogie inadaptée, niveau socio-culturel insuffisant, troubles psychologiques, méconnaissance du langage), des troubles mentaux avérés3. Enfin, le trouble est dû à des facteurs intrinsèques à l’enfant, ce qui met l’accent sur l’origine neurobiologique du trouble. Le DSM-5 explicite d’ailleurs cela en évoquant l’origine neurodéveloppementale des troubles des apprentissages.

Nous pouvons ajouter à cela un autre critère diagnostique, commun à la CIM-10 et au DSM-V. Il s’agit des conséquences du trouble : celui-ci interfère de façon significative avec la réussite scolaire et la vie quotidienne.

La dysorthographie développementale répond donc à l’ensemble de ces critères. Définir de façon plus précise ce trouble est une tâche ardue, dans la mesure où l’acte orthographique a donné lieu à des études moins nombreuses et approfondies que celles portant sur la production verbale orale ou la lecture. De ce fait, les définitions de la dysorthographie développementale varient, notamment en fonction de si elles associent cette dernière au trouble spécifique de la lecture (dyslexie) ou si elles la considèrent isolément.

1.2. La production orthographique indépendamment de la lecture

1 ALBARET, J.-M., CHAIX, Y. Mise au point sur les troubles des apprentissages. p. 35 2 Ibid. p. 34

3

La dysorthographie peut être étudiée de manière spécifique. Ainsi, la CIM-10 comprend dans sa partie « Troubles spécifiques du développement des acquisitions scolaires », une section consacrée au « Trouble spécifique de l’orthographe ». Il est défini comme « une altération spécifique et significative du développement des performances en

orthographe, en l'absence d'antécédents d'un trouble spécifique de la lecture et non imputable à un âge mental bas, à des troubles de l'acuité visuelle, ou à une scolarisation inadéquate. Les capacités à épeler oralement et à écrire correctement les mots sont toutes deux affectées »1.

Le DSM-5, quant à lui, prend en compte l’ensemble des troubles des apprentissages dans une même rubrique, quittant « l’étiquetage » de ses versions antérieures pour éviter de passer à côté de certains troubles ou ne pas les rechercher. Ainsi les performances orthographiques pauvres font partie de l’ensemble des symptômes des troubles des apprentissages. Il n’est donc pas ici exclu qu’elles puissent exister de manière isolée, mais cela est rare. En effet, les troubles de la production orthographique sont le plus souvent étudiés en liaison avec un autre trouble spécifique : la dyslexie.

1.3. L’association du trouble de l’écriture et du trouble de la lecture

L’idée selon laquelle une dysorthographie peut exister en l’absence de dyslexie est remise en cause, sachant notamment que l’orthographe nécessite le même ensemble de connaissances et d’habiletés que l’identification de mots relativement à l’encodage de l’information phonologique2. De plus, même si quelques études de cas neuropsychologiques rapportent des difficultés majeures en orthographe malgré des performances dans la norme en lecture, les recherches récentes suggèrent que ces cas seraient rares et que les difficultés orthographiques constitueraient plutôt le reflet d’une dyslexie légère ou compensée3. La production orthographique impliquant une plus forte demande sur le plan cognitif que la lecture, les difficultés peuvent ne faire surface de façon évidente qu’en orthographe4.

Ainsi la CIM-10 explique que « le trouble spécifique de la lecture s’accompagne

fréquemment de difficultés en orthographe persistant souvent à l'adolescence, même quand l'enfant a pu faire quelques progrès en lecture »5. Cependant, en cas de comorbidité, le diagnostic de trouble de la lecture est prédominant par rapport à tous les

1 ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTE. Classification Internationale des Maladies, dixième révision CIM-10

2

ST-PIERRE, M.-C., DALPE, V., LEFEBVRE, P., GIROUX, C. Difficultés de lecture et d’écriture. p. 122 3 Ibid. p. 122-123

4 Ibid. p. 123

5 ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTE. Classification internationale des maladies, dixième révision, CIM-10

autres troubles des apprentissages. Une autre classification inclut dans un même ensemble appelé « troubles lexicographiques » les troubles de l’orthographe et de la lecture, dans la catégorie plus vaste des troubles cognitifs et des acquisitions scolaires : il s’agit de la

Classification Française des Troubles Mentaux de l’Enfant et de l’Adolescent (R-2012).

Cette appellation fait ainsi référence à des « troubles de l'acquisition de la lecture et de

l'orthographe chez un enfant ayant l'âge habituel d'accession à la lecture, en dehors de toute déficience intellectuelle ou sensorielle et de carence pédagogique notable. L'expression dyslexie-dysorthographie est souvent utilisée pour désigner ces troubles lorsqu'ils sont nets et se prolongent, en opposition aux erreurs similaires, transitoires, banales par leur fréquence au début de l'apprentissage. »1

Deux points de vue principaux sont donc adoptés, mais une majorité d’auteurs estiment que dyslexie et dysorthographie constituent les deux aspects d’un même trouble. On parle alors le plus souvent de dyslexie/dysorthographie2 : « les troubles d’accès au lexique écrit

sont sous-tendus par des difficultés d’assemblage et d’adressage qui se manifestent à la fois en lecture et en transcription »3.