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Définitions, rôles et facteurs influents

4. Analyse des enjeux liés aux attributs de structure interne des peuplements et au bois mort

4.1 Définitions, rôles et facteurs influents

La structure interne des peuplements se définit comme étant l’agencement spatial et temporel des composantes végétales vivantes et mortes d’un peuplement. D’un point de vue strictement sylvicole, on y réfère surtout en utilisant le terme « structure diamétrale » (densité et composition des tiges par classe de diamètre formant une structure régulière, biétagée, irrégulière, jardinée, etc.). Sur le plan écologique, plusieurs autres composantes structurales influencent le fonctionnement des écosystèmes, dont :

• la distribution verticale du feuillage (étagement du feuillage, composition et physionomie des végétaux qui constituent ces strates, hauteur du peuplement);

• la distribution horizontale de la canopée (trouées, pochettes présentant différents attributs de composition ou de structure dans le peuplement);

• le bois mort (abondance, position, taille, espèce, stade de décomposition).

C’est l’assemblage de tous ces éléments qui forme la structure interne.

Comment la structure interne des peuplements influence‐t‐elle la  biodiversité? 

La structure interne des peuplements influence les conditions microclimatiques  (température, humidité, disponibilité de la lumière, etc.) et les habitats disponibles  (composition des espèces végétales, couverture latérale, degré d’ouverture du  couvert, hauteur du peuplement, bois mort, etc.). Ces éléments influencent à leur  tour la disponibilité des substrats d’alimentation, de reproduction, d’abri, etc. des  espèces animales et des substrats d’établissement et de croissance pour les espèces  végétales. À chaque type de structure correspondent donc des communautés  d’espèces et une biodiversité qui lui est propre. La complexité de la structure interne  implique une diversité d’habitats et, par conséquent, une diversité des groupes  d’espèces qu’on y trouve. Des études ont d’ailleurs démontré que les forêts qui  présentent une forte diversité structurale soutiennent aussi une plus grande variété  d’espèces ou de groupes fonctionnels (Hunter, 1999; Desponts et autres, 2004; 

Franklin et Van Pelt, 2004). 

Photo : Normand Villeneuve

Plusieurs facteurs influencent la structure interne des peuplements. Le temps écoulé depuis la formation du peuplement est habituellement considéré comme le facteur le plus influent dans les écosystèmes où les perturbations catastrophiques sont communes. En règle générale, plus le temps s’est écoulé depuis la dernière perturbation majeure, plus la structure interne devient complexe (structure diamétrale irrégulière, hétérogénéité de l’étagement du feuillage, présence de trouées, recrutement relativement continu de bois mort, etc.), résultat des taux de croissance différentiels des tiges, de la succession végétale et des changements dans la composition du peuplement, de la mortalité par pied d’arbre, etc. Au moment de la formation du peuplement, les variations dans l’intensité de la perturbation engendrent souvent une mortalité variable qui crée ainsi une certaine hétérogénéité dans le nouveau peuplement. Ce phénomène contribue aussi à la complexité de la structure interne des peuplements naturels.

4.1.1.1 Dynamique naturelle de la forêt décidue et principaux enjeux régionaux  

Le régime des microtrouées constitue le principal type de perturbation naturelle dans la forêt décidue. En l’absence prolongée de perturbations de forte intensité, ce régime est caractérisé par la mort d’un arbre ou d’un petit groupe d’arbres qui crée des trouées touchant environ 1 % de la superficie par année. L’augmentation de la disponibilité de la lumière en sous-étage permet à la régénération préétablie de croître pour occuper l’espace alors disponible. Avec le temps, le cumul de plusieurs trouées qui sont créées à des moments différents dans le temps, finit par générer un peuplement inéquienne où se côtoient plusieurs stades de développement.

Ces peuplements se distinguent notamment par la présence d’un couvert végétal dense et une hétérogénéité dans l’étagement du feuillage. Ils présentent généralement une surface terrière élevée où les tiges de gros diamètres occupent une forte proportion de l’espace. Toutes ces caractéristiques génèrent une complexité structurale qui est typique des vieux peuplements feuillus naturels.

Bien que moins fréquents, d’autres types de perturbations de plus forte intensité ont aussi cours dans la forêt décidue, comme les épidémies d’insectes, les chablis, le verglas et les feux. En comparaison avec le régime des microtrouées, ces perturbations impliquent pour la plupart une mortalité beaucoup plus concentrée dans le temps et dans l’espace ainsi qu’une ouverture plus importante du couvert forestier. Les patrons de succession végétale, de structure diamétrale, d’étagement du feuillage et de recrutement de bois mort sont aussi modifiés.

Selon la nature des perturbations, on assiste généralement à l’établissement d’espèces intolérantes à l’ombre, à un important recrutement en bois mort et, dans les cas de forte mortalité, au développement de peuplements ou de pochettes présentant une structure régulière. Bien que moins présents dans le paysage, les peuplements issus de ces perturbations présentent des attributs de structure qui contrastent avec ceux produits par le régime des microtrouées. Par conséquent, ils favorisent une hétérogénéisation de la structure interne à l’échelle du paysage.

Dans la forêt décidue, les coupes à diamètre limite ont été pratiquées jusque dans les années 1980, la coupe de jardinage constituant depuis la pratique d’aménagement la plus courante. L’effet cumulatif de ces pratiques au fil des décennies a entraîné une modification de

Photo : Marc Leblanc

la structure des peuplements aménagés. Sur le strict plan de l’âge, ces peuplements sont considérés comme de vieux peuplements parce qu’ils n’ont pas subi une perturbation majeure (réinitialisation complète du peuplement). Toutefois, ils sont susceptibles d’avoir perdu plusieurs des caractéristiques de la complexité structurale propre aux vieux peuplements naturels.

L’enjeu de la raréfaction de ce type de peuplement dans les paysages aménagés constitue, certes, l’élément le plus important à considérer au chapitre de la structure interne des peuplements feuillus inéquiennes de la forêt décidue.

4.1.1.2 Dynamique naturelle de la forêt boréale et mélangée et principaux enjeux  Dans la forêt boréale et mélangée, la structure interne des

peuplements est surtout fonction du type de perturbation naturelle et de l’intervalle entre les perturbations catastrophiques. À la suite d’une telle perturbation (feux intenses, graves épidémies ou grand chablis), le peuplement au stade de régénération présente une structure caractérisée par une très forte ouverture du couvert ainsi que par le développement d’une strate arbustive et de régénération habituellement dense. À ce profil, il importe d’ajouter un nombre plus ou moins important d’arbres survivants, selon la nature et l’intensité de la perturbation, ainsi qu’une grande quantité de bois mort qui contribuent à complexifier la structure horizontale et verticale du peuplement. Les peuplements matures issus de perturbations catastrophiques développent habituellement une structure diamétrale relativement régulière et présentent un couvert plutôt fermé.

Lorsque l’intervalle entre deux perturbations catastrophiques dépasse la longévité des espèces installées après perturbation, les peuplements entrent dans une phase de diversification de leur structure interne. Les tiges peuvent alors atteindre leur diamètre potentiel maximum et la mortalité par pied d’arbre due à la sénescence, jumelée aux perturbations partielles (épidémies légères, chablis partiels), aura pour effet de créer des trouées, de permettre le développement ou l’établissement des cohortes en sous-étage, de produire du bois mort, etc. Avec la régénération ayant cours dans les trouées, la distribution diamétrale des tiges passera de relativement uniforme à irrégulière.

Le raccourcissement des révolutions forestières par rapport aux régimes naturels de perturbation, de même qu’une certaine homogénéisation des peuplements forestiers résultant de l’application de traitements sylvicoles, soulève les appréhensions suivantes : la raréfaction des peuplements à structure interne complexe, l’absence de legs biologiques dans les CPRS ainsi que la simplification et l’uniformisation de la structure interne des peuplements de seconde venue après les traitements d’éducation, notamment l’éclaircie précommerciale ou le nettoiement.

4.1.2 Bois mort  

Qu’il soit sur pied (chicot) ou au sol (débris ligneux), le bois mort représente un élément essentiel au bon fonctionnement des écosystèmes forestiers. En plus de constituer un habitat nécessaire à la survie d’une multitude d’organismes, le bois mort joue un rôle dans le processus de régénération de certaines espèces végétales et est largement impliqué dans de multiples

Du bois mort pour qui? 

processus biogéochimiques comme la séquestration du carbone et le cycle des éléments nutritifs. L’enjeu concerne également les arbres à valeur faunique, notamment les arbres vivants de fort diamètre qui présentent des cavités.

La quantité et les caractéristiques du bois mort dans les écosystèmes forestiers varient selon plusieurs facteurs, dont le stade évolutif du peuplement, sa composition, sa productivité et les perturbations naturelles qui y ont cours.

Bien qu’elles contribuent toutes aux processus écologiques, certaines formes de bois mort constituent des éléments clés et devraient se voir accorder une importance particulière dans une perspective d’aménagement écosys-témique :

• les chicots et les débris ligneux de gros calibre;

• dans la forêt boréale et mélangée, les arbres feuillus qui sont susceptibles d’atteindre de forts diamètres et de former des cavités naturelles. Ces arbres présentent des modes de dégradation et offrent des habitats différents de ceux des conifères (ex. : le peuplier faux-tremble);

• les débris ligneux au sol et les chicots en état avancé de décomposition;

• les petits débris ligneux que constituent les branches et les houppiers qui participent à la nutrition des sols.

Dans un milieu aménagé, plusieurs facteurs concourent à la raréfaction du bois mort et à la modification de sa dynamique naturelle. D’une part, les activités forestières limitent le recrutement, éliminent en partie le bois mort déjà présent, modifient la représentativité des classes de dégradation et contribuent à l’appauvrissement de la densité de bois mort de gros diamètre. De plus, la longueur des rotations ou des révolutions ne permet pas aux peuplements de développer des attributs de bois mort comparables à ceux que l’on trouve dans les vieilles forêts. Finalement, le récent engouement pour la récolte des résidus forestiers à des fins de production de bioénergie soulève un enjeu relatif à la nutrition des sols.

Dans la forêt boréale et mélangée, un autre enjeu relatif au bois mort concerne la récupération des superficies touchées par les perturbations naturelles qui a pour effet de réduire les

épisodes de recrutement massif et ainsi la disponibilité de grandes quantités de bois mort. Dans un autre ordre d’idées, les andains formés lors des opérations par arbres entiers modifient grandement la répartition spatiale des débris ligneux et le rôle qu’ils peuvent jouer par la suite.

L’enjeu lié au bois mort ne peut être considéré en vase clos, puisqu’il est directement lié à plusieurs autres enjeux, dont ceux qui se rapportent à la composition, à la structure interne et à la structure d’âge des peuplements. D’ailleurs, tel qu’il est mentionné dans la section 4.1.1, le bois mort est considéré comme l’une des quatre composantes principales de la structure interne des peuplements.

4.2  Analyse et diagnostic des principaux enjeux liés à la structure interne des