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Analyse locale de l’enjeu global de la raréfaction des vieux peuplements

4. Analyse des enjeux liés aux attributs de structure interne des peuplements et au bois mort

4.2 Analyse et diagnostic des principaux enjeux liés à la structure interne des peuplements et

4.2.1 Forêt décidue

4.2.1.2 Analyse locale de l’enjeu global de la raréfaction des vieux peuplements

Les enjeux spécifiques de structure que nous venons de décrire constituent les principaux facteurs qui font en sorte que les peuplements aménagés diffèrent considérablement des vieux peuplements de la forêt naturelle. Globalement, nous pouvons en conclure que les vieux peuplements naturels qui présentaient un degré élevé de complexité structurale ont probablement subi une importante raréfaction au cours des récentes décennies. Cela constitue le principal enjeu de structure auquel les aménagistes œuvrant dans la forêt décidue doivent s’attaquer. Nous vous présentons ici les paramètres descriptifs qui permettent de distinguer ce type de peuplement. Une méthode d’analyse est aussi proposée afin de réaliser une description quantitative de la présence actuelle des vieux peuplements feuillus à structure complexe dans les unités d’aménagement.

Paramètres descriptifs des vieux peuplements feuillus à structure complexe 

À la lumière de ce que nous venons de voir, nous retenons que, pour l’essentiel, le vieillissement des peuplements feuillus conduit à une accumulation importante de biomasse (vivante et morte) et à la présence d’une structure complexe, notamment générée par la présence de gros arbres vivants et morts. Partant de ce constat et considérant l’information disponible dans les banques de données actuelles, les paramètres dendrométriques qui nous

1. Système de classification des arbres selon quatre catégories : les tiges qui risquent de mourir (M), les tiges qui vont survivre (S), les tiges à conserver (C) et les tiges en réserve (R).

apparaissent les plus pertinents pour décrire les vieux peuplements feuillus à structure complexe sont :

• la surface terrière des essences longévives;

• la surface terrière totale pour toutes les essences commerciales;

• la surface terrière de gros bois (DHP ≥ 40 cm) des essences longévives;

• le diamètre moyen quadratique (DMQ) des essences longévives.

Les données dendrométriques de bois mort dans les inventaires n’étant pas disponibles, il a été impossible de considérer ce critère. On peut toutefois raisonnablement présumer que les peuplements qui répondront aux critères choisis seront susceptibles de contenir et de générer une certaine quantité de bois mort de gros diamètre.

Le seuil servant à définir le gros bois a été choisi en tenant compte du degré de précision des données d’inventaire disponibles à propos des vieux peuplements naturels au Québec. La quantité de placettes-échantillons par domaine bioclimatique et par végétation potentielle étant limitée, on observe une variabilité très élevée des données relatives à la surface terrière en gros bois si un seuil plus élevé est utilisé. En abaissant le seuil à 40 cm, les résultats sont moins variables et, par conséquent, plus fiables.

Détermination des valeurs seuils 

Afin de distinguer les vieux peuplements feuillus à structure complexe, des seuils ont été déterminés pour chacun des paramètres retenus. Ces seuils ont été obtenus en procédant à une analyse de données provenant des quatre sources suivantes :

Les données de Brown (1981), de Majcen (Majcen, Ménard et Richard, 1980; Majcen, Richard et Ménard, 1984 et 1985; Richard, Majcen et Ménard, 1980 et 1981), de placettes-échantillons réalisées par l’Institut québécois d’aménagement de la forêt feuillue (Doyon et Nolet, 2007) et, finalement, les placettes témoins du réseau de blocs expérimentaux de la coupe de jardinage à la Direction de la recherche forestière du MRN (données non publiées).

Toutes les placettes-échantillons ayant été reconnues par les chercheurs en tant que peuplements peu ou pas altérés ont été utilisées comme référence pour définir les peuplements naturels.

En tout, 169 placettes-échantillons, d’une taille variant de 0,08 ha à 1,25 ha et provenant de diverses régions écologiques de la forêt feuillue au Québec, ont été analysées. Il est à noter que les données permettant de quantifier les seuils à respecter pour la végétation potentielle MJ proviennent uniquement de l’ouest de la province. Il faut donc être prudent quant à l’utilisation de ces seuils dans les MJ de l’est de la province.

Les caractéristiques dendrométriques ont été calculées selon deux groupes d’essences, soit les essences commerciales et les essences tolérantes à l’ombre et longévives (pouvant atteindre un diamètre ≥ 40 cm). Les essences, tels le bouleau à papier, les peupliers, l’érable rouge et le sapin baumier, ont été exclues de ce second groupe afin de mettre en évidence les essences associées aux stades évolutifs faciès et stable.

La surface terrière totale (DHP ≥ 10 cm), la surface terrière totale des essences longévives, la surface terrière des gros bois et le diamètre moyen quadratique des essences longévives ont été calculés.

Les valeurs moyennes et les écarts-types respectifs de ces variables ont été calculés pour chaque combinaison de végétation potentielle et de régions écologiques. Cependant, étant donné la faible concentration de placettes retrouvée dans certaines combinaisons, on a fait un regroupement des régions écologiques ou des végétations potentielles apparentées fondé autant sur la classification écologique que sur les caractéristiques dendrométriques observées.

Ce travail de détermination des valeurs seuils a fait l’objet d’une publication où la méthode utilisée et les résultats obtenus sont expliqués en détail (Guillemette et McCullough, 2011). Le lecteur pourra se référer à cette publication pour de plus amples informations. Les seuils retenus sont présentés dans le tableau 12. On les distingue selon la région écologique et la végétation potentielle.

Tableau 12 Seuils minimaux définissant les vieux peuplements feuillus à structure complexe 

a. Excluant les essences non commerciales.

b. Toutes les essences sauf : BOP, MEL, SAB, ERR et PEU.

c. Sauf en cas de forte présence de pruches ou de pins blancs.

Méthode d’analyse de l’enjeu 

La présente section propose une méthode d’analyse de l’enjeu de la raréfaction des vieux peuplements feuillus à structure complexe en vue de poser un diagnostic local. Nous suggérons que la compilation des résultats se fasse à partir des strates regroupées des compilations du Bureau du forestier en chef (carte CFET du BFEC) pour poser un diagnostic à une échelle stratégique. Il est à noter que certaines strates doivent toutefois être épurées lorsqu’elles regroupent des strates associées, c’est-à-dire des strates qui n’ont pas été inventoriées (aucune parcelle), mais qui présentent des similarités avec la strate regroupée. Ces données sont beaucoup moins fiables et introduisent des erreurs dans l’analyse.

Afin d’assurer le lien avec l’enjeu de structure d’âge, seules les strates cartographiques qui correspondent au stade vieux tel qu’il est défini dans la chapitre 1 (structure d’âge) du présent document seront retenues pour la présente analyse.

Pour prendre en compte toutes les superficies qui contiennent potentiellement de vieux peuplements à structure complexe, il est important de considérer l’ensemble du territoire, y compris les aires exemptes de récolte comme les aires protégées. C’est pourquoi nous

Surface terrière (m2/ha)

proposons d’inclure les codes « INC » (superficies incluses) et « EXIN » (superficies exclues) dans le champ « INC_CO_EXC » de la carte CFET du BFEC dans l’analyse.

Ensuite, pour chacune des strates il faut ajouter :

• la surface terrière totale des essences commerciales;

• la surface terrière des essences longévives;

• la surface terrière des tiges de 40 cm et plus des essences longévives;

• la végétation potentielle (de la strate regroupée).

La surface terrière des tiges de 60 cm et plus des essences longévives est aussi une donnée intéressante à prendre en compte, quoiqu’elle soit moins précise. Il est aussi pertinent de conserver les champs qui pourraient être utiles dans l’analyse subséquente des peuplements à structure complexe tels que les pentes, les sites inaccessibles, etc. Ces champs pourraient notamment être utiles lors d’analyses spatiales subséquentes au moment d’élaborer un éventuel plan de restauration.

Le tableau 13 présente une façon de compiler les résultats en vue de poser les diagnostics (une version Excel est disponible pour faire la compilation). Chaque appellation de strates regroupées répondant au critère du tableau 12 doit figurer sur une ligne vis-à-vis la région écologique et la végétation potentielle appropriées. Les appellations qui contiennent une essence non longévive comme composante principale ou secondaire ne doivent pas être compilées dans ce tableau. En effet, une forêt dont la composante principale est une essence non longévive ne peut pas être au stade faciès ou stable et être considérée comme une vieille forêt à structure complexe.

On observe que les seuils associés aux végétations potentielles MJ1 (MS1 pour le Bas-Saint-Laurent) et MJ2 du tableau 12 sont plus bas. Lorsque ces peuplements sont fortement composés d’essences telles que le pin ou la pruche, la surface terrière y sera plus élevée parce que les tiges de ces essences atteignent généralement de forts diamètres. Par contre, ces peuplements n’auront pas nécessairement une structure complexe. Ainsi, pour les végétations potentielles MJ1 (MS1 pour le Bas-Saint-Laurent) et MJ2 du tableau 12, lorsque le 1er ou le 2e code d’espèce dans l’appellation regroupée est PU ou PB, les seuils se rapprochant le plus d’une végétation potentielle apparentée à ces essences (ex. : RT1 ou RP1) devraient s’appliquer. Cela permettra de ne pas retenir de « faux » vieux peuplements à structure complexe.

Exemples tirés du 4e inventaire décennal :  

Pour l’appellation « M BjPuRx C1 120 D MJ10 » dans la végétation potentielle MJ1, il faut utiliser les seuils du tableau 12 en rapport avec le RT1. Donc, pour que cette strate réponde aux critères de vieux peuplements à structure complexe, elle doit au minimum avoir les caractéristiques suivantes :

• une surface terrière en essences longévives de 29 m2/ha;

• une surface terrière totale en essences commerciales de 30 m2/ha;

• une surface terrière en gros bois de 12 m2/ha.

Pour l’appellation « M CHP BjBjRx B2VIN B2A 30 MJ21 », on applique les seuils de la MJ2 :

• une surface terrière en essences longévives de 17 m2/ha;

• une surface terrière totale en essences commerciales de 20 m2/ha;

• une surface terrière en gros bois de 5 m2/ha.

• Après avoir déterminé les strates de vieux peuplements à structure complexe, il faudra les mettre en perspective par rapport au territoire. Ainsi, elles pourront être exprimées de différentes façons :

• en pourcentage de la superficie productive totale considéré;

• en pourcentage de contribution des aires protégées ou autres;

• en pourcentage par végétation potentielle (si une végétation potentielle est présente, mais qu’il n’y a aucun vieux peuplement à structure complexe dans celle-ci, il est essentiel de s’en rendre compte au moment de l’analyse);

• par région écologique;

• par UTR (ou par UTR regroupées conformément à ce qui a été fait pour l’enjeu lié à la structure d’âge).

Ces éléments d’analyse permettront de mieux cerner les lacunes qui doivent être comblées par le plan de restauration.

Cet exercice reste théorique et les vieux peuplements à structure interne complexe devront faire l’objet d’une vérification à l’étape des plans opérationnels. Ainsi la photo-interprétation fine et les inventaires sur le terrain sont des avenues de validation très prometteuses.

Tableau 13 Tableau type de compilation des résultats d’analyse par unité d’aménagement (UA)a 

a. Ajouter autant de lignes que nécessaire à ce tableau afin d'avoir la liste complète des appellations des strates regroupées.

b. Sauf en cas de forte présence de pruches ou de pins blancs.