• Aucun résultat trouvé

Un cristal liquide est un état de la matière qui combine la propriété de fluidité d’un liquide et une organisation propre rappelant celle des solides cristallins. Ces phases intermédiaires entre solide organisé et liquide isotrope sont aussi appelées mésophases.

La découverte des premiers cristaux liquides est généralement attribuée aux botanistes Friedrich Reinitzer et Rudolf Virchow, qui ont observé dans les années 1880 l’apparition d’une phase intermédiaire anisotrope du benzoate de cholesteryle lors du refroidissement de l’état liquide à l’état solide, sous lumière polarisée [REI83MC]. C’est le physicien allemand Otto Lehmann qui a pour la première fois nommé ce nouvel état de la matière « cristal liquide »

[LEH89ZPC]

. Depuis, un grand nombre de cristaux liquides ont étés développés, leur application la plus connue étant l’affichage par écran LCD (« Liquid Crystal Display »). On retrouve des cristaux liquides dans des domaines d’application variés allant de la biologie (ADN dans l’eau

[LIV91PA]

) aux matériaux de renforcement (Kevlar utilisé dans les gilets pare-balle [KWO77M]), en passant par les thermomètres colorimétriques ou les capteurs de température [STA97HMT].

Une description complète des cristaux liquides peut être trouvée dans l’ouvrage de Pierre Gilles de Gennes [DEG93]. Un autre livre de référence sur les cristaux liquides et notamment la reconnaissance des différentes organisations par l’observation de textures est celui de Chandrasekhar [CHA92]. Nous présentons ci-après de manière très succincte les principaux types de cristaux liquides rencontrés.

La grande majorité des cristaux liquides étudiés est constituée de molécules organiques (plusieurs dizaines de milliers sont recensés), et il n’existe que très peu de cristaux liquides purement minéraux. Les cristaux liquides sont en général formés de molécules, polymères, micelles ou agrégats anisotropes ayant une forme de bâtonnet ou de disque, qui ont tendance à s’aligner le long d’une direction commune. On distingue deux catégories de cristaux liquides selon les mécanismes moteurs de l’organisation. Les cristaux liquides sont dits

thermotropes lorsque la transition de phase est induite par la température ; ils sont dits lyotropes si la mésophase apparaît lors de l’ajout d’un solvant, et dépend alors de la

concentration et de la température. D’autre part, on peut classer les cristaux liquides selon le degré d’ordre qu’ils présentent.

1.

Les phases nématiques

Dans une phase nématique (du grec nêmatos fil), les particules possèdent un ordre orientationnel, c’est-à-dire qu’elles ont tendance à s’aligner à grande portée selon une direction préférentielle, représentée par un vecteur nommé directeur. Il n’y

a pas d’ordre positionnel particulier, autrement dit les centres de gravités sont placés de manière aléatoire et les particules peuvent « couler » librement les unes par rapport aux autres. On observe typiquement ce genre d’organisation dans les suspensions aqueuses de virus de la mosaïque du tabac [ZAS86MCLC], [FRA93PRE].

C’est aussi le cas des mésophases d’oxyde de vanadium étudiées dans cette thèse.

Le degré d’ordre orientationnel de ces phases peut être estimé par le paramètre d’ordre nématique S, variant de 0 à 1 d’une organisation totalement isotrope à un alignement parfait. Son expression est la suivante :

1 cos 3 ( 2 1 2 − =

θ

S Eq. 12

où θ est l’angle du grand axe des particules avec le vecteur directeur n.

2.

Les phases smectiques

Les mésophases smectiques (du grec smegma savon) possèdent, en plus d’un ordre orientationnel, un ordre positionnel, pour lequel les particules s’organisent en couches. Il existe de nombreux types de phases smectiques, nous ne présenterons ici que les deux principales : la phase smectique A et la phase smectique C.

Dans la phase smectique A, le vecteur directeur est perpendiculaire au plan smectique, un ordre à longue distance existe entre les couches mais il n’y a pas d’ordre positionnel particulier au sein d’une couche (liquide bidimensionnel). La phase smectique C possède le même type d’organisation si ce n’est que les particules sont orientées selon un angle qui n’est pas normal au plan mais « tilté » selon un angle défini.

Figure 21 : Schéma de mésophase smectique A (a) et smectique C (b)

Figure 20 : Schéma de mésophase nématique

De nombreux composés organiques ou polymères présentent des phases smectiques

[GHO01MCLC], [JEO06P]

. Parmi les plus étudiés, on retrouve des composés de type biphényle comme les octylcyanobiphényles (8CB ou OCB) [LUC03MCLC], [FUN86MCLC], [SIN00PR], [THO00VS].

3.

Phase cholestérique

Les cristaux liquides nématiques chiraux ou cholestériques (car historiquement découverts sur des

dérivés du cholestérol) sont typiquement formés de molécules nématogènes chirales. Celles-ci forment un empilement de couches nématiques 2D de vecteur directeur variant légèrement d’une couche à la suivante du fait de forces intermoléculaires. Le vecteur directeur décrit ainsi une hélice dont le pas est une caractéristique de la phase cholestérique. En conséquence de cette structure, on observe une réflexion sélective des ondes électromagnétiques, la longueur d’onde de réflexion maximale étant proportionnelle au pas de l’hélice.

Dans le cas des cristaux liquides thermochromes, le pas de l’hélice, de l’ordre de la

longueur d’onde du visible, diminue avec la température. On peut ainsi élaborer des matériaux dont la couleur dépend de la température. Il existe des matériaux variant sur des plages de température larges de 0,5 °C à 20 °C, et centrées sur des températures comprises entre – 30 °C et 120 °C. Cela permet de nombreuses applications dans le domaine de la thermographie, des études de transfert de chaleur, et traceurs thermiques. Par exemple, des gouttelettes de cristaux liquides cholestériques en suspension dans un fluide en mouvement donnent accès la distribution de température au sein du fluide [STA97HMT]. On observe typiquement ces mésophases pour les dérivés du cholestérol tels que le benzoate ou le myristate de cholesteryle [SAS75BCSJ], [JAB73JPC].

Les transitions de phases classiquement observées pour les cristaux liquides organiques thermotropes lors l’élévation de température sont généralement les suivantes :

solide → (smectique C →) smectique A → nématique/cholestérique → isotrope

De plus on peut mentionner les phases colonnaires et hexagonales, rencontrées en général dans le cas de particules en forme de disque pour des concentrations élevées.