• Aucun résultat trouvé

La synchronie se retrouve dans différents domaines tels que la physique, la biologie ou encore les sciences sociales. Elle se décline sur différents niveaux, dont voici deux exemples. Le support neuronal de la synchronie a été démontré dans une situation d’imitation libre entre deux personnes qui est corrélée à l’émergence d’une synchronisation des cerveaux dans la bande alpha-mu (une zone impliquée dans l’interaction sociale). Lorsque les deux partenaires s’imitent, il y a synchronisation de l’activation de zones cérébrales similaires entre eux (Dumas, 2010). Dans l’étude des groupes, il apparait que la coordination des mouvements est l’un des piliers des interactions sociales. L’observation de mouvement en synchronie au sein d’un groupe modifie la représentation de ce groupe par l’observateur. Il lui infère un degré plus élevé d’entitativité (Propriété d’un groupe humain de former une unité où les individus paraissent interchangeables) (Lakens et Stel 2011).

Initialement mise en avant dans le domaine du comportement parental d’animaux sociaux (Rosenblatt, 1965; Schneirla, 1946; Wheeler, 1928, Feldman, 2012), la synchronie fait référence au processus global qui organise les échanges continus de stimuli sensoriels, hormonaux et physiologiques. Chez les êtres humains, les recherches initiées dans les années 70 ont étudié le concept de synchronie pour décrire la coordination seconde par seconde des signaux du parent et de son enfant, ainsi que la capacité d’adaptation du parent (Feldman, 2005).

La première utilisation du terme dans le champ des interactions précoces semble être le terme ‘self-synchronie‘ (Condon, 1977) pour évoquer que le bébé est particulièrement sensible aux contours temporels des expressions humaines, façonnés par les mouvements dynamiques de la voix, du visage, des gestes, et d’une certaine mesure par l’accordage temporel entre ces modalités d’expression.

Dans une vision plus dyadique, Greenspan et Lieberman (1980) évoquent l’aptitude mutuelle des partenaires de la dyade à agir, réagir aux signaux et à s’influencer en vue d’un échange.

La synchronie interactionnelle est le degré selon lequel les comportements dans une interaction sont non-aléatoires, modelés ou synchronisés dans le temps et dans la forme (Bernieri et al 1988). Trois niveaux de synchronie sont distingués : les rythmes

83 biologiques et le degré de congruence des cycles, les comportements simultanés et enfin la synchronie comme une unité, un phénomène social, comme un tout. C’est ce troisième axe que nous poursuivons.

L’abord affectif ou émotionnel s’intègre dans la notion de synchronie lorsqu’elle est définie comme la variation simultanée des états affectifs et comportementaux de la mère et de son enfant lors des interactions. (Cohn et Tronick, 87 et 88 ; Tronick, Als et Brazelton, 80)

L’interaction dyadique est appréhendée par un modèle observable de régulation mutuelle, harmonieuse et réciproque (Harrist & Waugh, 2002).

Actuellement, c’est l’équipe de Feldman qui constitue une référence en matière de synchronie, avec ses études portant sur les variations hormonales, les liens et conséquence sur l’attachement ou le développement de l’enfant, portant sur des mères et des pères (Feldman, 2014). La synchronie dans l’interaction parent-bébé intègre la cooccurrence de comportements, d’états affectifs et de rythmes biologiques entre parents et bébé qui forment ainsi ensemble une unité fonctionnelle (Feldman, 2007). L’auteure insiste sur l’importance de la synchronie dans la communication émotionnelle et la maturation du cerveau social, l’émergence des capacités de contrôle et de régulation du bébé ainsi que son insertion dans des processus somatiques impliquant des rythmes physiologiques et des facteurs hormonaux. Elle propose d’en faire un modèle de l’intersubjectivité. La synchronie dépendrait de trois caractéristiques principales (Apter, 2004) :

- la force de la synchronie qui renvoie à la durée de l’échange coordonné dans le temps

- l’initiateur de l’échange, qui est majoritairement l’adulte (la mère), en raison de la dissymétrie des appareils psychiques, mais progressivement, l’enfant devient capable d’initier l’interaction avec les personnes qui l’entourent.

- la durée du décalage entre les séquences interactives au moment des modifications de la part d’un des deux partenaires.

Chaque partenaire a donc un impact, à sa façon, sur la synchronie des interactions. Ainsi les micro-rythmes qui fondent la caractéristique temporelle globale de ces premières, de par cette double influence, seront propres à chaque dyade. Toutefois, une interaction peut être synchrone sans être forcément « accordée » ou contingente (Genet, Golse, et Danon 2012). D’un point de vue qualitatif, pour que l’interaction possède ces

84

qualités, il faut qu’elle soit mutuelle. La mutualité implique que l’interaction soit composée de comportements et d’échanges affectifs identiques ou proches de la part des deux partenaires. Par conséquent, il faut que ces derniers soient dans le même mouvement et la même intention. La notion de contingence, introduite dans la littérature anglophone, renvoie à un comportement considéré comme répondant d’une manière appropriée aux signaux qui l’ont déclenché. Le comportement maternel est dit non contingent quand il n’est pas réglé sur les signaux du bébé, anti-contingent lorsqu’il donne une réponse contraire à ce que le bébé recherche, contingent lorsque les interactions sont mutuelles et accordées. La non-contingence souligne une absence de continuité et des ruptures dans le déroulement interactif, autant dans le temps (asynchronie) que par les modalités au travers desquelles elles s’expriment (Apter, 2004).

On peut définir la synchronie comme l’adaptation dynamique et réciproque de la

structure temporelle des comportements (verbaux et non-verbaux) et états émotionnels des partenaires interactifs.

Documents relatifs