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Chapitre 1 : Revue de littérature

2. Validité des simulateurs de conduite

2.5. Validité psychologique

2.5.1. Définition et intérêt de la charge mentale

Le concept de charge mentale est un concept polysémique. Il est présenté dans des domaines variés tels que la psychologie, l’ergonomie (Spérandio, 1980) ou la santé (Karasek, Baker, Marxer, Ahlbom & Theorell, 1981). De façon générique, la charge mentale est définie comme le coût attentionnel lié à la réalisation d’une tâche (Brookhuis & De Waard, 2001 ; Engström, Markkula Victor & Merat, 2017 ; O’Donnell & Eggemeier, 1986). Suivant les définitions, elle s’accompagne de notions telles que la complexité de la tâche, l’effort, la performance ou les ressources attentionnelles. C’est bien cette dernière notion qui parait la plus appropriée pour approfondir la définition de la charge mentale.

Appliqué à la conduite automobile, l’engagement des ressources attentionnelles ou encore le coût attentionnel dépend à la fois des caractéristiques du conducteur et des caractéristiques de la situation de conduite. Cela apparait notamment dans le modèle de Fuller (2005) selon lequel les caractéristiques de la tâche dépendent i) de sa dangerosité, ii) du nombre d’informations à traiter et, iii) de la présence éventuelle de plusieurs tâches concurrentes, qui nécessitent un partage de l’attention et donc un double processus de perception, traitement de l’information et action. Parmi les capacités du conducteur, il faut inclure i) le niveau de familiarité (ou d’expertise) qu’il a avec la tâche, ii) ses motivations, les objectifs de performance qu’il s’est fixé par rapport à la tâche, iii) la quantité de ressources attentionnelles disponibles, qui varie par exemple en fonction du stress et du niveau d’éveil, et iv) l’existence de connaissances qui lui permettront de réaliser la tâche dans de bonnes conditions.

Il existe de nombreux modèles de l’attention et des ressources attentionnelles (e.g., De Waard, 1996 ; Fuller, 2005 ; Summala, 1988 ; Wickens, 1993 ; Wilde, 1982), dont certains ont été élaborés dans le contexte de la conduite automobile. Pour Summala (1988), le conducteur répondrait aux demandes de la tâche en contrôlant des marges de sécurité. Pour

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Fuller (2005), le conducteur appliquerait la loi du moindre effort en ce qui concerne le recrutement des ressources attentionnelles. Il privilégierait ainsi l’utilisation de routines et de moyens lui permettant de réduire la charge mentale lorsqu’elle devient trop complexe. Réduire la vitesse de la voiture est l’un des moyens privilégiés pour diminuer l’effort mental lié à la conduite. Boer et al. (2000) et Bittner et al. (2002) ont ainsi constaté, pour un profil de route exigeant, une diminution de la vitesse sur simulateur par comparaison avec une situation réelle, pendant que d’autres auteurs ont observé une vitesse excessive sur des tracés monotones ou des courbes peu prononcées (Bella, 2008 ; Törnros, 1998).

Le modèle de De Waard (1996) rend compte des relations entre les demandes de la tâche et les capacités du conducteur et de leurs effets sur le niveau de charge mentale et les comportements de conduite. Ce modèle formalise plusieurs relations caractéristiques :

- Lorsque les demandes de la tâche sont faibles, le niveau d’engagement et de vigilance de la part du conducteur est également faible et ce manque d’investissement peut se traduire par des conséquences négatives sur le niveau de performance en termes d’erreur d’inattention par exemple.

- Lorsque les demandes de la tâche augmentent, le conducteur mobilise automatiquement une partie de ses ressources attentionnelles, sans qu’il ait besoin de produire un effort. La charge mentale est faible et le conducteur utilise des routines et des stratégies préétablies pour gérer les demandes de tâche.

- Lorsque les demandes de la tâche augmentent à nouveau, le conducteur est contraint de produire un effort, pour allouer volontairement de nouvelles ressources. La charge mentale augmente mais la mobilisation de nouvelles ressources lui permet de répondre aux demandes de la tâche. La performance reste donc inchangée tandis que la charge mentale a augmenté.

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- Si les demandes de la tâche s’élèvent encore, le conducteur n’a plus les capacités suffisantes pour maintenir son niveau de performance. Il poursuit son effort et met alors en place une stratégie qui consiste généralement à abandonner des tâches secondaires annexes pour se concentrer sur la tâche principale. Le niveau de charge mentale est élevé. C’est dans ces conditions, dites de « surcharge », que les performances se dégradent et que des erreurs de conduite peuvent à nouveau apparaître.

En nous appuyant sur cette formalisation des relations entre les demandes de la tâche et les capacités du conducteur et de leurs effets sur le niveau de charge mentale et les comportements de conduite, il est possible de formuler plusieurs prédictions quant à l’effet d’un dispositif de réalité virtuelle sur la charge mentale et les performances relevant du niveau opérationnel (contrôle latéral et longitudinal lors de la conduite) tel que décrit par Michon (1985) :

Si le dispositif affecte le niveau opérationnel, les performances se dégraderont lors de la conduite sur simulateur comparativement à la conduite sur route. Des mesures comportementales seules permettront d’attester d’un défaut de la validité (absolue) du dispositif.

En revanche, si le dispositif n’affecte pas le niveau opérationnel, les performances seront similaires, mais deux cas pourront se présenter qui pourront être discriminés par la mesure de la charge mentale :

- Dans un premier cas, si la mesure de la charge mentale ne montre pas de différence entre les deux conditions, cela signifiera que le niveau opérationnel est équivalent entre conduite réelle et conduite virtuelle.

- Dans un second cas, si la mesure de la charge mentale montre une différence, cela signifiera que le niveau opérationnel n’est pas équivalent entre conduite réelle et conduite virtuelle malgré des performances qui restent équivalentes.

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Ces prédictions quant à l’effet d’un dispositif de réalité virtuelle sur la charge mentale et la performance offrent ainsi un cadre d’analyse de ces effets mêlant des mesures comportementales et des mesures relatives aux ressources mobilisées. Avant de présenter les études qui se sont intéressées à l’effet d’un dispositif de réalité virtuelle sur la charge mentale, il convient de faire état des différents indicateurs existant pour mesurer la charge ainsi que les intérêts et limites de chacun.