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Chapitre 3. Contribution expérimentale

3. Expérimentation 3 : Comparaison entre conduite sur route et conduite sur simulateur « bas

3.4.1. Condition de conduite

Les résultats ont révélé une diminution de la fréquence des clignements dans les deux conditions de conduite sur simulateur par rapport à la condition de conduite sur route. En considérant les études de Benedetto et al. (2011 ; 2014) ou Hancock et al. (1990), cette diminution traduirait une augmentation de la charge mentale lors de la conduite sur simulateur. Le score au NASA-TLX et la performance à la tâche secondaire convergent dans le sens des clignements et confirment par la même cette interprétation d’une augmentation de la charge mentale sur simulateur de conduite par rapport à la conduite en situation réelle. Les résultats ont de plus montré que la vitesse moyenne des conducteurs sur l’ensemble du

136 Tableau 3 : Synthèse des effets principaux et des interactions selon les indicateurs (Expérience 3).

Fréquence de clignements TR à la tâche secondaire

Vitesse

Taux de réversion NASA-TLX

Condition de conduite

Simu 1 – Simu 3 > Route

Simu 1 – Simu 3 > Route

Parcours : n.s. Voie rapide : n.s. Route rurale : n.s. Urbain : Simu 3 > Simu 1 > Route

Route > Simu 3 > Simu 1

Simu 1 – Simu 3 > Route

Environnement de conduite

Urbain - Rural > Voie rapide - -

Rural > Urbain - Voie rapide -

Condition de conduite

x

Environnement

Réel : Urb. – Rur. > Voie rapide Simu 1 et Simu 3 : n.s.

- -

Réel : Urb – Rur > Voie rapide Simu 1 et Simu 3 : Rur > Urb - Voie rapide

: n.s.

-

Note : Le sens des effets pour la variable fréquence de clignements est exprimé en termes de charge. Sur simulateur, le niveau de charge est donc supérieur comparativement à la conduite sur route.

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parcours, à l’exception de l’environnement urbain, était comparable entre les trois conditions expérimentales. Ainsi, il apparaît que l’augmentation de la charge mentale dans la condition simulée affecte les clignements, le temps de réaction à une tâche secondaire et le ressenti des participants, alors que la vitesse du véhicule est inchangée. Ce résultat confirme donc la prédiction que nous avons formulée à partir du modèle de la charge mentale et de la performance décrit par De Waard (1996) quant aux effets possibles de la simulation de conduite sur différentes dimensions de la validité. Alors que le dispositif n’affecte pas le niveau opérationnel de la tâche de conduite, la charge mentale est supérieure sur simulateur.

Ces résultats permettent donc de contribuer aux quelques éléments de connaissances disponibles sur la question des effets d’un dispositif de réalité virtuelle sur la charge mentale. A partir d’une approche multi-mesures de la charge, ils confirment ainsi les conclusions de Blaauw (1982) et Alm (1995) dans le domaine de la simulation de conduite ainsi que ceux de Chen et al. (2015) dans le domaine des dispositifs de réhabilitation et de ré-entraînement. Ils confirment également la sensibilité des différentes mesures utilisées aux variations de la charge, comparativement aux mesures physiologiques (e.g., Engström et al., 2005, ou Johnson et al., 2011) qui peuvent être difficiles à interpréter puisqu’elles évoluent de la même façon en fonction du stress ou de la charge mentale liée aux demandes de la tâche (Boucsein & Backs, 2000 ; Cain, 2007 ; voir également Milleville-Pennel & Charron, 2015).

Il est à noter enfin que les résultats ont mis en évidence des effets de la condition de conduite sur le taux de réversion du volant radicalement opposés à ceux obtenus sur les autres indicateurs de la charge. En effet, ce taux était significativement plus élevé sur route que sur simulateur, les deux conditions simulées se différenciant l’une de l’autre. Ce résultat, au demeurant étonnant, pourrait trouver une explication dans les effets de la condition de conduite sur les exigences de précision des trajectoires et de leur contrôle, en lien d’une part avec l’absence de représentation du véhicule sur simulateur « bas coût », et d’autre part avec

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le trafic en sens inverse. En effet, Mecheri et Lobjois (soumis) ont montré que sur simulateur « bas coût », les conducteurs avaient tendance à se positionner à droite de la voie lorsqu’ils conduisaient sans capot représenté comparativement à la condition dans laquelle une représentation 3D d’un véhicule était fournie. De plus, et comme évoquées précédemment, les études de Dijksterhuis et al. (2011) et Mecheri et al. (2017) ont montré que la présence de trafic dans le sens de circulation opposé entraine des positions latérales plus excentrées en direction du marquage de rive, ce repositionnement s’accompagnant d’une diminution de la variabilité de la position latérale. Il est ainsi possible d’envisager que sur simulateur, les participants se soient positionnés sur la partie extérieure de la voie de façon à s’éloigner du trafic et qu’ils aient conservé cette position, entraînant par conséquent une réduction des mouvements de correction de la trajectoire. Pour Dijksterhuis et al. (2011), la recherche d’une telle stabilité entraînerait un effort important pour contrôler le véhicule. A l’opposé, en situation réelle, les participants auraient régulé leur position selon le trafic, amenant cette fois un besoin de régulation de la trajectoire. Cette interprétation est cohérente avec le fait que, sur route, les participants ont eu à interagir avec le trafic en sens opposé sur route rurale et en urbain (sur la voie rapide, un terre-plein central séparait les deux sens de circulation) et que ces deux environnements se distinguent significativement de la voie rapide. Cela nous amène donc, pour conclure sur ce point, à relativiser l’intérêt du taux de réversion du volant dans le cadre d’une comparaison entre conduite sur route et conduite sur simulateur.

3.4.2. Environnement de conduite

De nombreuses études ont montré que les caractéristiques de l’environnement de conduite avaient un impact sur le niveau de charge mentale du conducteur (e.g. Young et al., 2009). Dans la présente expérience, la tâche de conduite amenait les participants à emprunter une voie rapide, une portion de route rurale incluant une succession de virages et pour finir, une route traversant le village de Binic. Les résultats ont montré que l’environnement de

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conduite avait bien un effet sur le niveau de charge mentale, mesurée par la fréquence de clignements et le taux de réversion du volant, mais que cela semble dépendre de la condition de conduite.

Dans la condition réelle, l’environnement voie rapide semble être celui qui génère le moins de charge, comme l’atteste la fréquence de clignements (plus élevée que dans l’environnement rural et dans l’environnement urbain) et le taux de réversion du volant (plus faible que dans l’environnement rural et dans l’environnement urbain).

Dans les deux conditions simulées, les résultats ont révélé une absence d’effet de l’environnement sur la fréquence des clignements. Une tentative d’explication pourrait tenir au trop faible nombre de clignements réalisés par les participants (3,9 clignements par minute dans la condition 1 écran et 4,1 clignements par minute dans la condition 3 écrans). Les résultats ont, par ailleurs, mis en évidence une augmentation du taux de réversion du volant dans l’environnement rural, ce qui est cohérent avec les observations faites lors des deux premières expériences et dans l’étude de Marrkula et Engström (2006). L’augmentation du taux de réversion du volant met en évidence l’augmentation sensible des demandes de contrôle de la trajectoire du véhicule dans l’environnement rural. Il est raisonnable de penser, sans avoir de comparaison avec un simulateur de plus haut niveau de fidélité, que l’absence de certaines informations, en particulier inertielles, sur les simulateurs « bas coût », pourrait accentuer les difficultés dans le contrôle de trajectoire. Considérant d’autre part que le retour d’effort du volant peut avoir une influence sur le nombre de mouvements de réversion (Park et al., 2005) et sur les variations de la position latérale du véhicule (Grant, Karimi & Mann, 2006), cette caractéristique des simulateurs « bas coût » pourrait faire l’objet d’études spécifiques dans le but de réduire les difficultés de contrôle de trajectoire et le niveau de charge mentale sur ces dispositifs.

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