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Comparaison entre conduite simulée et réelle en termes de validité comportementale

Chapitre 1 : Revue de littérature

2. Validité des simulateurs de conduite

2.5. Validité psychologique

2.5.3. Comparaison entre conduite simulée et réelle en termes de validité comportementale

Les études qui se sont intéressées à la comparaison entre condition réelle et simulée en confrontant dimension comportementale et dimension psychologique de la validité examinée sous l’angle de la charge mentale sont relativement peu nombreuses. Certaines, anciennes, se sont appuyées sur des mesures subjectives de la charge en parallèle de mesures comportementales, tandis que d’autres, plus récentes, se sont appuyées sur des mesures subjectives et physiologiques.

Blaauw (1982) a, le premier, confronté des mesures comportementales classiques à des mesures subjectives de la charge. Il a montré que les vitesses pratiquées en réel et en virtuel ne se différenciaient pas significativement, au contraire des variables relatives au contrôle latéral. En complément de ces mesures de la validité comportementale, Blaauw a également

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recueilli, par questionnaire, des mesures subjectives qui ont révélé une augmentation significative de la difficulté de la tâche perçue, de l’attention requise et de la monotonie de la conduite sur simulateur comparativement à la situation réelle. Alm (1995) a investigué la validité du simulateur VTI (simulateur de haut niveau, sur plateforme dynamique et avec un large écran), mesurant notamment les comportements de conduite (vitesse et contrôle latéral) et le niveau de charge mentale évalué avec le NASA-TLX. Les résultats n’ont pas mis en évidence de différences entre réel et virtuel pour ce qui concerne les comportements de conduite, mais le NASA-TLX a révélé un niveau de charge mentale significativement plus élevé sur simulateur par rapport à la conduite sur route. Les participants ont en effet clairement exprimé, par le biais des différentes dimensions du questionnaire, que le simulateur était plus exigeant physiquement, nécessitait plus d'effort de concentration et était plus frustrant que la conduite sur route.

Dans une étude plus récente, Engström et al. (2005) ont comparé les effets de trois conditions de conduite différentes (réelle, simulateur dynamique et simulateur statique) sur les stratégies de prise d’information visuelle, sur des mesures comportementales (vitesse pratiquée, variation de la position latérale et actions sur le volant) et sur des mesures physiologiques (fréquence cardiaque et activité électrodermale). La majorité des mesures effectuées en réel étaient cohérentes avec celles réalisées dans les deux conditions simulées, suggérant que la conduite sur simulateur ne modifiait pas fondamentalement les comportements naturels pour ce qui relève du contrôle du véhicule. Cependant, les auteurs ont observée des tendances dans les résultats allant dans le sens d’une augmentation de l’activité électrodermale, de la fréquence cardiaque ainsi que du nombre de mouvement du volant dans la condition réelle. Pour Engström et al. (2005), cela tendrait à montrer une augmentation de la charge mentale en situation réelle, probablement liée aux risques d’accidents que les conducteurs ne ressentent pas en virtuel. Cela fait écho à la conclusion de Deniaud, Honnet,

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Jeanne et Mestre (2015) pour qui un moindre engagement sur simulateur de conduite résiderait dans le fait que les participants sont clairement conscients de la dimension artificielle et sans danger de la simulation.

Milleville-Pennel et Charron (2015) ont comparé la charge mentale entre une condition de conduite sur route avec véhicule personnel ou avec un véhicule d’auto-école et sur simulateur de conduite, par l’intermédiaire du NASA-TLX et de la fréquence cardiaque. Les résultats ont montré une augmentation de la fréquence cardiaque avec le véhicule d’auto-école comparativement à la condition de repos et à la conduite sur simulateur. Pour les auteurs, si cette augmentation de la fréquence cardiaque provient d’une augmentation de la charge mentale, les ressources cognitives impliquées dans l’activité ne diffèrent pas entre les conditions testées. Malgré un ressenti supérieur sur les dimensions effort et performance sur simulateur, la dimension charge de travail mentale était semblable entre les deux conditions. Les auteurs ont d’autre part montré que la conduite avec un véhicule d’auto-école était plus stressante que la conduite avec véhicule personnel et sur simulateur, concluant à une validité quasi absolue du simulateur pour ce qui concerne les ressources cognitives mises en jeu. Johnson, Chahal, Stinchcombe, Mullen, Weaver et Bédard (2011) ont, pour leur part, montré que la fréquence cardiaque évoluait de façon similaire entre conduite sur route et sur simulateur, relativement aux mesures réalisées au repos, et proposé la même conclusion que Milleville-Pennel et Charron (2015). Cette conclusion reste cependant conditionnée à l’absence de différence au plan des comportements adoptés.

Pris dans leur ensemble, ces résultats suggèrent d’une part l’absence de consensus quant à l’effet d’un dispositif de réalité virtuelle sur la charge mentale. Blaauw (1982) et Alm (1995) ont conclu que la simulation de conduite induisait davantage de charge. Engström et al. (2005) ont suggéré, à partir de tendances statistiques, que la charge était supérieure en situation réelle. Pour Johnson et al. (2011) et Milleville-Pennel et Charron (2015), les

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ressources cognitives impliquées dans l’activité ne diffèreraient pas entre conduite sur route et conduite sur simulateur. Pour compléter cette synthèse des résultats, une autre étude mérite enfin d’être mentionnée quant à l’effet d’un dispositif de réalité virtuelle sur la charge mentale, bien qu’elle ne s’inscrive pas dans une démarche consistant à confronter différentes dimensions de la validité. Chen et al. (2015) ont comparé la demande attentionnelle d’une tâche de pointage réalisée en réel et en réalité virtuelle. Ils se sont, pour cela, appuyés sur un paradigme de double tâche pour comparer la demande d'attention propre à chaque environnement. Les participants ont ainsi effectué la tâche (primaire) de pointage tout en répondant verbalement à un signal auditif imprévu, la demande d'attention de la tâche primaire étant mesurée par le temps de réponse vocale au son. Les résultats ont montré une augmentation de la demande attentionnelle en réalité virtuelle, le temps de réponse vocale étant plus long de 130 ms en virtuel (802 ms en virtuel contre 666 ms en réel). L’absence de consensus quant à l’effet d’un dispositif de réalité virtuelle sur la charge mentale souligne donc l’intérêt de cette mesure de la validité psychologique dans une démarche d’évaluation des dispositifs.

D’autre part, les résultats contradictoires observés sur le niveau de charge entre conduite sur simulateur et conduite sur route peuvent être expliqués par plusieurs facteurs, parmi lesquels figure la nature des indicateurs choisis. Chaque indicateur possédant ses propres limites, comme nous l’avons présenté dans cette revue de littérature, l’effet observé sur les mesures subjectives dans les travaux de Blaauw (1982) et Alm (1995) pourrait être biaisé par les attentes des conducteurs placés face à un simulateur. De la même façon, l’augmentation de la fréquence cardiaque, dans les études d’Engström et al. (2005) et Milleville-Pennel et Charron (2015), laisse penser que les conducteurs pourraient être plus stressés lors de la conduite sur route, la fréquence cardiaque évoluant de la même façon sous l’effet du stress et de la charge mentale (Boucsein & Backs, 2000 ; Cain, 2007). Ces résultats

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contradictoires soulignent donc la nécessité de recourir à des indicateurs robustes de la charge mentale.

Sur ce point, plusieurs études ont montré la robustesse des protocoles de double tâche pour mesurer la charge mentale, que ce soit sur simulateur de conduite (e.g., Hancock et al., 1990), sur route (e.g., Verwey, 2000) ou dans le cadre d’une comparaison entre réel et virtuel (Chen et al., 2015). Hancock et al. (1990) ont de plus montré une convergence entre les temps de réponse à une tâche secondaire et la fréquence des clignements oculaires. Benedetto et al. (2014) ont enfin montré une convergence entre les scores au NASA-TLX et la fréquence des clignements oculaires que ce soit en condition de tâche simple ou de double tâche.

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