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Le syntagme de rapport au savoir a été commenté par Charlot (2001b, 2005) à plusieurs reprises. De manière générale, il le définit en précisant qu’il y a lieu – et c’est ce qu’il fait à l’occasion – de distinguer le rapport à l’apprendre du rapport au savoir. Le rapport à l’apprendre serait, pour Charlot (2001b), une forme générale et englobante de toutes les figures de l’apprendre. Sous cette forme, le terme apprendre désignerait toutes les activités associées au fait d’apprendre et leurs résultats quelle que soit leur nature. Quant à lui, le syntagme de rapport au savoir correspondrait à une forme plus spécifique du rapport à l’apprendre. Le terme savoir serait alors entendu au sens de « ces résultats d’un type particulier d’apprendre qui n’existent que par et dans le langage » (Ibid., p. 8). En ce sens, Charlot (2005) désigne ce type de rapport en termes de rapport à un savoir-objet. Malgré ces considérations, il opte, de manière générale, pour le syntagme rapport au savoir parce que la formulation en termes de rapport à l’apprendre est considérée, par ce dernier, comme « trop lourde et jargonneuse » (Charlot, 2001b, p. 67). De plus, Charlot précise que l’expression rapport au savoir est connue et fait déjà partie du vocabulaire des sciences humaines. Par conséquent, le terme savoir doit être alors compris dans un sens large, au sens de tout ce qui s’apprend.

Par ailleurs, Charlot (2005) a proposé plus d’une définition du concept de rapport au savoir, des formulations qui ont varié selon leur destinataire ou l’usage qui leur était réservé. Toutefois, à la lumière de ses analyses et du développement théorique qu’il propose, Charlot (2001a) semble en privilégier une :

Le rapport au savoir est indissociablement social et singulier. C’est l’ensemble (organisé) de relations qu’un sujet humain (donc singulier et social) entretient avec tout ce qui relève de “ l’apprendre ” et du savoir : objet, “ contenu de pensée ”, activité, relation interpersonnelle, lieu, personne, situation, occasion, obligation, etc., liés en quelque façon à l’apprendre et au savoir. (p. 3)

Cette définition, qui est celle retenue dans la présente recherche, a notamment la particularité de rappeler d’abord que le rapport au savoir, s’il est toujours celui d’un sujet

singulier, est aussi celui d’un sujet engagé dans le monde où il évolue. Aussi, pour Charlot (2005), ce sujet, tout à la fois singulier et engagé dans des rapports sociaux, « rencontre la question du savoir comme nécessité d’apprendre et comme présence dans le monde d’objets, de personnes et de lieux porteurs de savoir » (p. 35). De ce fait, l’activité d’apprendre que le sujet met en œuvre suppose tout à la fois un processus de construction de soi en tant que sujet (Ibid.) et un processus d’appropriation du monde ; il s’agit de processus indissociablement reliés dans la formation de tout rapport au savoir.

Cette définition met également en exergue le fait que le rapport d’un sujet au savoir suppose un ensemble de relations. En effet, au cœur du développement théorique du concept se trouve l’idée des relations que le sujet établit avec tout ce qui relève de l’activité d’apprendre et du savoir. En ce sens, le concept de rapport au savoir suppose que tout savoir ne devient effectif qu’au cœur de relations porteuses du sens que lui confère un sujet. Le concept de rapport au savoir, tel que présenté dans la définition retenue, suppose enfin une diversité de savoirs, d’activités et de pratiques objectives. De fait, le savoir engagé dans le rapport d’un sujet se présente sous différentes formes. Cette diversité, outre l’énumération non exhaustive de ces formes présentée dans la définition retenue, Charlot (2001b) la précise ailleurs en écrivant qu’il pourrait s’agir : « des mots, des idées, des théories, mais aussi des techniques du corps, des pratiques quotidiennes, des gestes techniques, des formes d’interactions, des dispositifs relationnels » (p. 13). Ce dernier aspect rejoint les propos de Rochex (2004) qui commente la définition du concept en soulignant qu’elle laisse entendre que

ce qui intéresse Bernard Charlot est moins l’étude des conditions concrètes de scolarisation dans lesquelles se nouent les processus production/reproduction des inégalités sociales d’accès au savoir et à la réussite scolaire qu’une réflexion bien plus large, à visée anthropologique, sur ce qu’il appelle les formes ou les figures de l’apprendre et les processus permettant de “ faire sens du monde ”. (p. 97)

Tenter de comprendre le rapport au savoir d’un sujet suppose de s’intéresser à la mobilisation dont il fait preuve dans le cadre d’une activité porteuse de sens. Aussi, le concept de rapport au savoir, tel qu’approfondi par Charlot, conduit à considérer un

ensemble de notions qui lui sont associées, notamment dans le cadre des travaux de recherche de l’équipe ESCOL. Il s’agit des notions de mobilisation, d’activité et de sens.

Pour Charlot (2005), se mobiliser, c’est essentiellement se mettre en mouvement. De ce fait, la mobilisation renvoie à deux autres concepts, celui de mobile et de ressources. Se mobiliser devient, en ce sens, « mettre des ressources en mouvement […] c’est réunir ses forces, pour faire usage de soi comme d’une ressource » (Ibid., p. 62). Cette mobilisation se traduit par un engagement dans une activité qui est supporté par des mobiles. Le mobile, au-delà du but, est ce désir qui anime et provoque une activité. S’inspirant de Leontiev (1984, dans Charlot, Ibid.) et de Rochex (1995,dans Charlot, Ibid.), Charlot (Ibid.) dit de l’activité qu’elle est constituée d’un « ensemble d’actions portées par un mobile et qui visent un but » (p. 62). Aussi, la notion d’activité attire l’attention sur les mobiles et, par le fait même, sur le sujet qui se met en action.

En ce qui concerne la notion de sens, Charlot (Ibid.) s’inspire cette fois de Jacques (1987, dans Charlot, Ibid.) et s’appuie sur la théorie de l’activité de Leontiev (1975, dans Charlot, Ibid.) pour proposer que ce qui a du sens s’inscrit dans un système et, de ce fait, est issu d’une mise en relation. Également, ce sens a pour caractéristiques d’être transférable et d’être « communicable ». Pour Charlot (Ibid.), le sens est donc « le produit d’une mise en relation, à l’intérieur d’un système ou dans les rapports avec le monde et les autres » (Ibid., p. 64). Le sens est toujours celui d’un sujet et il devient repérable à travers l’analyse du but et des mobiles qui animent ce sujet. Charlot (Ibid.), en s’inspirant de Leontiev (1975, dans Charlot, Ibid.), explique que le sens d’une activité « est le rapport entre son but et son mobile, entre ce qui incite à agir et ce vers quoi l’action est orientée comme résultat immédiat » (p. 64). Enfin, parce qu’il est celui d’un sujet, le sens d’une activité peut changer du fait que le sujet évolue au fil du temps dans son rapport à lui- même, aux autres et au monde.

Dans ce cadre, s’intéresser au rapport au savoir, c’est essentiellement soulever la question du sens. Ce sens est le fruit d’une mise en relation ; il permet de mieux comprendre la vie et il peut être communiqué. Il se comprend à la lumière des buts et des

mobiles qui poussent et supportent un sujet dans l’action. Enfin, il n’est pas statique, il évolue parce que le sujet évolue dans le cadre d’expériences qui le mettent en scène dans un monde social qu’il partage avec d’autres.

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