• Aucun résultat trouvé

I. PREMIERE PARTIE :

3.1 Définition de notre problématique de recherche

3.3 Méthodologie de notre recherche

e chapitre détaille notre problématique, présente nos objectifs de recherche en s'appuyant sur le positionnement scientifique. Des questions de recherche sont posées et l'approche méthodologique est présentée.

3.1 Définition de notre problématique de recherche

La conception d'un EIAH représente un effort significatif. Coûteuse en temps comme en moyens techniques et humains, elle amène généralement les concepteurs à faire des choix en termes de pédagogie, de modalités d'interaction, de technologies, etc. Depuis maintenant plusieurs dizaines d'années, de nombreux artefacts logiciels ont été développés dans les laboratoires pour explorer de nouvelles modalités d'apprentissage. L’une des difficultés identifiées est de transférer ces propositions expérimentales à une échelle plus large

[Nodenot 2005] [Tchounikine 2006] [Pernin 2007]. Malgré des volontés institutionnelles et politiques d’intégrer les EIAH dans des formations de différents niveaux, cette intégration reste très faible [Previt 03]. Parmi les raisons principales on évoque des démarches d’ingénierie essentiellement « technocentriques », décomposées en étapes qui segmentent le temps, les acteurs et le travail à accomplir. Elles cristallisent une discontinuité entre les processus de conception et d’usage, entre les concepteurs et les utilisateurs.

Cottier et al. mettent en exergue un constat qui nous semble fondamental, « les technologies aujourd'hui disponibles n'ont pas toujours la souplesse requise pour une utilisation dans le cadre éducatif qui demande bien souvent des adaptations rapides à des événements nouveaux et souvent imprévus» [Cottier et al. 2008]. Certes, plusieurs types14 d’EIAH ont été proposés ces trois dernières décennies, notamment les STI et les SHA. La majorité de ces systèmes demeurent toutefois inaccessibles en raison de leur sur-automatisation qui tend à exclure, ce que [Rabardel 1995] appelle, l’intuition, le jugement subjectif, les connaissances tacites, l’imagination et l’intentionnalité chez les usagers, en l’occurrence des enseignants. Cottier et El-Kechaï ont confirmé que : « en matière d'ingénierie des EIAH, la parole et la pratique du concepteur pédagogique sont fondamentales» [Cottier et El-Kechaï 2009]. Il nous semble nécessaire alors d’impliquer les enseignants dans les processus d'ingénierie des EIAH en vue d’éviter les difficultés qu’ils rencontrent en utilisant les systèmes proposés comme clés en main [RAP 1999]. En ce sens,

[Murray 2004] [Ainsworth et al. 2003] [Halff et al. 2003] [Van Joolingen et de Jong 1996] [Munro et al. 1997] [Merrill 2003] ont affirmé que les outils d’édition peuvent éviter la nécessité des compétences techniques pour permettre au plus grand nombre de personnes à participer au processus de développement. Ils peuvent permettre ainsi la réutilisation et l’adaptation des contenus pédagogiques. Murray a evoqué les apports de ces outils d’édition, notamment en termes d’augmentation de la productivité par la réduction du temps,

14 Pour des éléments généraux sur les EIAH et leur évolution consulter [Wenger 1987], [Brusilovsky 1997], [Grandbastien 2006].

des efforts et du cout nécessaires pour développer à chaque fois un EIAH pour un ensemble défini de situations pédagogiques.

Mais offrir un éditeur à un enseignant en vue d’effectuer une conception préalable (prédéfinition) de scénarios pédagogiques n’est pas toujours suffisant. Certaines situations d’apprentissage ont un caractère idiosyncrasique selon [El-Kechaï 2008] car bien souvent, les apprenants ont des profils hétérogènes. Dans la pratique, il est parfois difficile, voire impossible, de créer une description complète d'un scénario d'apprentissage avant le début de son exécution [Zarraounandia 2006b]. El-Kechaï considère que « les études menées sur les situations de conception reconnaissent depuis de nombreuses années son caractère « mal défini » (ou “mal structuré”) » [El-Kechaï 2008]. Cette dernière souligne le fait que le concepteur dispose, au départ, d’une représentation mentale incomplète et imprécise de l’objet à concevoir [Eastman 1969] [Simon 1973]. Ce n’est que progressivement que le concepteur complète et précise sa représentation mentale [Bonnardel et Rech 1998]. La question posée par l'ingénierie d'un scénario n'est donc pas seulement de produire un modèle correspondant à une spécification donnée, mais d’élaborer un modèle adaptable, souvent en cours d'usage, dans des contextes d’apprentissage qui sont par définition instables ou en tout cas mouvants. Un scénario doit pouvoir selon nous être adapté, au moment de son exécution, par l'enseignant, exactement comme dans la classe lorsqu'un enseignant adapte naturellement son cours aux évènements qui surviennent.

On peut considérer un scénario pédagogique comme une entité qui évolue de façon continue en fonction des contextes dans lesquels il se déroule. Il doit donc dépendre fortement des circonstances de son utilisation. Ceci implique que l'enseignant doit pouvoir le gérer et le contrôler tout au long de son cycle de vie. Pour cela, un certain nombre de langages de modélisation pédagogique (EML) ont été proposés, tels que IMS-LD [IMS-LD 2003], ainsi que leurs outils supports comme Reload Editor [Relaod 2004]. La littérature le souligne bien [Griffiths et al. 2005] [Dodero et al. 2008], les enseignants éprouvent beaucoup de difficultés à manipuler les EML génériques et leurs outils supports pour concevoir et adapter les scénarios pédagogiques, dynamiquement, suivant l’évolution des contextes réels d’apprentissage. Il existe actuellement un profond fossé conceptuel entre ces instruments disponibles et les besoins réels des enseignants praticiens. La sémantique de ces langages est difficilement compréhensible et les outils restent inaccessibles car ils sont techniquement complexes pour des usagers praticiens.

D’après P. Dessus et K.Schneider, les EML sont destinés normalement à rationaliser le travail de l’enseignant et le rendre plus efficace. L’auteur a critiqué les EML : « Ils présupposent que toute situation d’enseignement est statique, découpable et aisément descriptible, ce qui est démenti par les résultats de la recherche sur l’enseignement »

[Dessus et K.Schneider 2006]. Les auteurs poursuivent : un EML est «un formalisme, un objet rigide, qui met l’accent sur la phase de planification, en la figeant, sans permettre une adaptation ou une modification en temps réel ou a posteriori de ses objets, et ce d’autant moins qu’il est véhiculé par un environnement informatique ». De plus, « scénariser l’activité d’enseignement peut la rendre figée et peu adaptée aux véritables contraintes de la situation » [Dessus et K.Schneider 2006]. Enfin, les auteurs ont conclu qu’il est nécessaire que les EML « prennent en compte le caractère dynamique et contextualisé de toute situation d’enseignement, sans jouer sur l'interopérabilité, permettent la saisie en direct des séquences d’enseignement pour un plus grand contrôle de l’enseignant (user empowerment,

[Kynigos 2004])sur les séquences produites» [Dessus et K.Schneider 2006].

En outre, les EML, tels que la spécification IMS-LD [IMS-LD 2003], sont présentés comme des moyens imposés et génériques. Imposés car ils cadrent la description des scénarios selon leurs propres métaphores. Génériques car ils provoquent une perte de particularisme des contextes pédagogiques des enseignants [Cottier et El-Kechaï 2009].

En effet, le premier ensemble de travaux que nous avons cité dans notre positionnement scientifique (cf. section 2.3.1.1) s'intéresse particulièrement à IMS-LD et ses outils. Ces travaux s’inscrivent dans une approche interprétative de la conception pédagogique, ils visent à fournir des moyens nécessaires à l’enseignant pour lui permettre la conception et l’adaptation des scénarios pédagogiques. Au delà de ses lacunes en termes de difficulté d'appropriation de la sémantique, les principales limites d’IMS-LD en termes d’adaptation sont expliquées dans [Towle et Halm 2005]. Selon ces auteurs, IMS-LD, avec ses niveaux B et C, utilise des « propriétés » et des « conditions » pour définir des règles simples d'adaptation. Mais vue l'impossibilité qu’il y a à anticiper l'activité humaine, continuer à concevoir un scénario pendant son exécution semble plus efficace que l'adaptation par règles. De plus, la logique et les stratégies d'adaptation ne sont pas séparées du design pédagogique, ce qui empêche le partage et la réutilisation de l’expérience et de savoir-faire en terme d'adaptation entre les enseignants.

Quant aux outils de modélisation existants, ils sont difficiles à utiliser dans la pratique et ne fournissent pas des scénarios opérationnels. La plupart d’entre eux sont centrés sur les compétences des informaticiens. Ils ne sont pas intuitifs et ne conviennent pas aux usages

habituels et aux connaissances des enseignants. Par exemple, des outils supports d’IMS-LD ne permettent pas d'opérationnaliser le niveau «B» dynamique et le niveau «C» événementiel de cette spécification afin d’adapter la structure et la méthode d'apprentissage en temps réel.

Les difficultés que les enseignants praticiens rencontrent en utilisant des EML génériques et des outils complexes ont motivé de nombreux travaux (cf. section 2.3.2) s’appuyant sur l’IDM comme cadre théorique et pratique en vue d’éviter de proposer aux enseignants des langages ayant une sémantique (ou une métaphore) difficile à comprendre et des outils complexes et peu intuitifs. Ces travaux sont en lien direct avec notre objet d’étude. Certains s’appuient sur la fusion et la transformation des modèles qui impliquent toutefois une perte sémantique. Cela a poussé d’autres travaux, toujours dans le cadre d’IDM, à suivre une démarche DSM en vue d’aider les praticiens dans la définition de métamodèles décrivant les langages propres à leurs domaines métiers (cf. section 2.3.2.8). Ces travaux s’inscrivent dans une approche constructive de conception pédagogique. Ils n’abordent toutefois pas les aspects d’adaptation dynamique des scénarios.

Ces constats nous amènent à poser une question principale et un ensemble de questions sous-jacentes :

Comment instrumenter les enseignants par des langages compréhensibles et des outils conviviaux leur permettant de concevoir et d’adapter des scénarios pédagogiques en fonction de l’évolution des contextes, à un niveau élevé d’abstraction ?

Par quelles méthodes ? Selon quel processus ?